De nouvelles garanties pour l’admission au séjour des étrangers malades ?

Par Louis le Foyer de Costil, Avocat.

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Explorer : # admission au séjour # Étrangers malades # réforme législative # inégalités administratives

Le projet de loi relatif au droit des étrangers présenté en conseil des ministres le 23 juillet 2014 devrait offrir de nouvelles garanties aux étrangers gravement malades sollicitant l’admission au séjour ou risquant d’être reconduits à la frontière.

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Un projet de loi relatif au droit des étrangers a été présenté en conseil des ministres le 23 juillet 2014. Outre son ambition de réformer le droit d’asile et de créer des cartes de séjour pluriannuelles, il devrait offrir de nouvelles garanties aux étrangers gravement malades sollicitant l’admission au séjour ou risquant d’être reconduits à la frontière.

Les dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile protègent d’ores et déjà l’étranger gravement malade des expulsions (art. L.521-3 ) et des reconduites à la frontière (art. L.511-4). L’étranger malade peut obtenir une autorisation provisoire de séjour de six mois (art. R. 313-22) et s’il réside habituellement en France, il est éligible de plein droit à une carte de séjour temporaire portant mention « vie privée et familiale » (art. L. 313-11 alinéa 11°).

Dans ces quatre situations, deux conditions doivent être nécessairement remplies. La première a trait à l’état de santé de l’étranger, la seconde à l’indisponibilité des soins dans son pays d’origine.

1. L’appréciation de l’état de santé de l’étranger n’est pas modifiée par le projet de loi du 23 juillet 2014 ; il faut qu’il nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour l’étranger des conséquences d’une exceptionnelle gravité. A cet égard, une instruction n°DGS/MC1/DGEF/2014/64 du 10 mars 2014 a précisé que l’exceptionnelle gravité est caractérisée quand, en l’absence du traitement médical requis, il y a une « probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné, de mise en jeu [de son] pronostic vital, d’une atteinte à son intégrité physique ou d’une altération significative d’une fonction importante  ».

2. Le projet de loi du 23 juillet 2014 modifie en revanche l’appréciation de la disponibilité du traitement médical dans le pays d’origine. C’est la condition clé car si les préfets reconnaissent en pratique la gravité de la maladie, ils contestent en revanche l’indisponibilité des soins dans le pays d’origine.

Si le projet de loi est adopté en l’état, les préfets devront vérifier si « eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, [l’étranger] ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié ».

Cette nouvelle formulation renoue avec l’esprit initial de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 qui disposait que l’étranger malade devait être dans l’impossibilité effective d’accéder au traitement dans son pays d’origine. Après plusieurs années de tergiversation, le Conseil d’État avait jugé que l’appréciation de la disponibilité du traitement ne devait pas être abstraite mais prendre en compte les coûts du traitement, l’existence de modes de prise en charge adaptés, et les circonstances exceptionnelles tirées des particularités de la situation personnelle de l’étranger qui l’empêcheraient d’y accéder effectivement [1].

Ce revirement de jurisprudence proche de l’esprit et de la lettre de la loi du 11 mai 1998 avait été remis en cause par la loi Besson du 16 juin 2011 qui, à l’impossibilité effective d’accès au traitement, avait substitué l’absence de traitement dans le pays d’origine. Une réécriture lourde de conséquences, car si de nombreux traitements ne sont pas « absents » d’un pays, ils sont en réalité inaccessibles à la quasi-totalité de la population. Les associations s’étaient émues de ce resserrement. Selon elles, les reconduites à la frontière d’étrangers malades risquaient de se transformer en condamnations à mort, faute pour l’étranger éloigné de pouvoir effectivement se soigner dans son pays d’origine.

La pratique de l’administration avait cependant atténué la rigueur de la loi Besson, avec des délivrances de cartes de séjour pour soins restées stables à environ 6 000 par an. Mais la loi Besson a néanmoins rendu les recours contre les refus de délivrance de cartes de séjour pour soins bien plus malaisés, car il est très difficile de prouver l’absence pure et simple d’un traitement médical dans un pays donné. La loi Besson a également eu pour effet d’accroitre les différences entre les préfectures dans l’octroi des cartes de séjour pour soins.

3. L’harmonisation des conditions de délivrances de ces cartes entre les préfectures constitue d’ailleurs le dernier apport du projet de loi du 23 juillet 2014.

Aujourd’hui, l’appréciation des critères d’admission au séjour pour soin est effectuée par le médecin de l’Autorité régionale de santé (ARS) ou, à Paris, par le médecin-chef de la préfecture de police. Ces derniers rendent un avis sur la base duquel les préfets prennent les décisions d’octroi ou de refus de délivrance des cartes de séjour. Cette déconcentration crée de graves inégalités entre étrangers avec des statistiques d’avis favorable qui varient du simple au triple selon les départements.

Pour résoudre ce problème, le projet de loi prévoit qu’en lieu et place des avis des médecins des ARS, la décision du préfet sera désormais basée sur un avis d’un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Ce dernier sera encadré par des orientations générales fixées par le ministre de la santé.

L’harmonisation souhaitée pourrait cependant rester inachevée car la pratique montre que certains préfets refusent de délivrer des cartes de séjours, malgré l’avis favorable des médecins des ARS. Qu’en sera-t-il des avis de l’OFII ?

Avocat en droit public au Barreau de Paris
https://nausica-avocats.fr

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[1CE, Sect., 7 avril 2010, Ministre de l’Intérieur c/ M. Jabnoun, n°301640 et Mme Bialy, n°316625

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Discussions en cours :

  • par Françoise , Le 27 janvier 2017 à 18:12

    Bonjour je suis en France depuis 2mois déjà et le 11 dénier mon mari m’a amené faire le bilan de santé ou j’ai été dépistés du vih p+ son médecin traitant lui ai dit de faire son texte Dieu merci il n’a rien alors je suis ici en titre de vie privée et familiale j’ai 2 questions (1)Est ce que je dois dire à mon employeur mon statut ? Le jour que je trouverai le travail (2)Est ce que je pourrais bénéficier des papiers pour mon statut horsmit le séjour renouvelable accordé par l’offii ? Merci

  • Dernière réponse : 2 janvier 2016 à 13:38
    par Benjamin Brame (Avocat Droit des étrangers & Contentieux publics) , Le 26 septembre 2014 à 09:28

    Excellent article cher Confrère.

    Synthétique et pratique.

    Je me rappelle d’anciens échanges que nous avions eu au Conseil d’Etat concernant le droit des étrangers et par conséquent cela ne m’étonne pas de toi.

    Au plaisir.

    Benjamin Brame
    Avocat Droit des étrangers & Contentieux publics

    • par malade , Le 2 janvier 2016 à 13:38

      bonjour j ai une malade longue durée . l préfecture délivriez autorisation provisoire de séjour pour le soins 6 mois renouvelable sans autorisiez de travaille . l préfecture elle dis APS renouvelable jusque le 28/09/2017 alors 4 fois APS de 6 mois. j ai tout les condition juste présence en France sa fais 1 ans je suis en France maintenant . date de entre en France 00/12/2014 . l préfecture délivriez APS le 16/11/2015 . la question a ce que j ai le droit demande carte de séjour ( vie privée famille ) ou bien recours a tribunal administratif et j ai tout justification de présence 1 ans en France . Merci

  • par Mouansie Mamouda , Le 12 juillet 2015 à 13:06

    Merci de nous informer. Je suis membre du collectif des malades étrangers 31, Toulouse.
    Aujourd’hui notre collectif se confond avec un collectif des sans-papiers, car dans plus de 80% de cas, nos membres se voient refuser ou retirer le titre de séjour pour soins.
    Lors d’une rencontre que nous avons eu avec un des responsables de l’ARS, ceci nous avez été dit : " il y a trop de refus maintenant au droit de séjour pour raison médical parce que vos pays se modernisent ". Un peu comme si on s’en foutait de la loi.
    En ce qui est de mon cas, j’ai 45 ans et souffre d’une insuffisance cardiaque congénitale complexe. Cette cardiopathie a donné lieu à l’âge de 8 ans à une intervention chirurgicale à Paris. Le suivi médical n’ayant pu être poursuivi dans mon pays, je suis revenu en France en fin 2013 et j’ai déjà été hospitalisé une dizaine de fois en cardiologie au CHU de Toulouse. Il se pose même en fonction de l’aggravation la possibilité ou non d’effectuer une greffe cardiaque.
    J’ai une prise en charge ALD, suis reconnu travailleur handicapé et les prestations AAH m’ont été accordées. Mais malheureusement, faute d’un titre de séjour, je ne jouis d’aucun droit.
    Je ne peux ni avoir une formation, ni travailler, alors que mon état de santé est compatible avec une activité professionnelle sur poste adapté.
    Je suis à mon 14 mois de APS, et suis hébergé en collocation dans un ACT avec 20€ de ressource par semaine.
    Je suis père de 3 enfants et possède une licence de sciences de la Terre.
    Qu’est-ce qui fait problème ?

  • Dernière réponse : 24 avril 2015 à 13:03
    par Anne Mura , Le 28 septembre 2014 à 22:13

    Une très bonne analyse du projet de loi du 23 juillet 2014.
    Cependant, sachant que le préfet n’est actuellement pas lié par l’avis de l’ARS concernant la situation médicale d’un requérant, est-ce expressément prévu qu’il le sera par les décisions du collège de médecins de l’OFII ?

    On peut se demander si cette mesure n’est pas susceptible de compliquer la procédure d’attribution d’un titre de séjour pour motif de santé à un étranger, étant donné la subjectivité du terme "effectivité de l’accès aux soins" combinée avec le "pouvoir discrétionnaire" du préfet.
    En effet, cette fine distinction entre "absence" de traitement médical et "effectivité" d’accès aux soins n’est elle pas au contraire, apte à créer des divergences de solutions et d’interprétations entre les différents acteurs (autorités préfectorales et juridictions administratives) et par conséquent susceptible de creuser les inégalités entre les situations des requérants ?

    • par souad , Le 24 avril 2015 à 13:03

      bonjour,

      mon neveu souffre d’insuffisance reinale et n’a pas les moyens de se faire soigner en Tunisie trois fois par semaine, de plus la distance entre son domicile et l’hôpital est de 150 km.

      Dois je écrire à l’autorité administrative.

      Mais à quelle adresse ?

      Je vous remercie.
      Cordialement

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