La nullité du licenciement de la salariée enceinte ou pas encore...

Par Houria Kaddour, Avocat.

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Explorer : # licenciement # grossesse # protection des salariées # réintégration

En vertu de l’article L 1225-4 du Code du travail, la salariée enceinte est protégée contre le licenciement.

Toutefois, en cas de circonstances graves ou impératives non liées à l’état de la salariée, l’employeur est en droit de procéder au licenciement (faute grave non liée à l’état de grossesse ou impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse).

-

La protection a pour effet d’interdire le licenciement en dehors des cas autorisés par l’article L. 1225-4 du Code du travail. Tout licenciement prononcé alors que l’employeur avait connaissance de l’état de grossesse de la salariée encourt la nullité.

La salariée enceinte n’est protégée contre le licenciement que si l’employeur est informé de sa grossesse.

Mais qu’en est-il lorsque la grossesse débute après la notification du licenciement ?

Dans un arrêt du 2 juillet 2014, la Cour de cassation a considéré que le licenciement devait être annulé dès lors que la grossesse, qui avait débuté après le licenciement, avait été révélée par la salariée à son employeur dans le délai de 15 jours.

1. Ignorance de la grossesse par l’employeur lors du licenciement

La salariée n’étant pas tenue d’informer l’employeur de son état de grossesse, ce dernier peut, par conséquent, en toute bonne foi procéder à son licenciement alors qu’il ignore qu’elle est enceinte.

L’intéressée, qui se voit notifier un licenciement alors qu’elle est en état de grossesse, peut contester utilement cette décision de deux façons :

- soit elle notifie son état de grossesse à son employeur si celui-ci l’ignorait dans un délai de 15 jours ;
- soit elle prouve que l’employeur connaissait son état dès avant le licenciement (dans ce cas-là, le délai de 15 jours ne s’applique pas).

A- Notification de l’état de grossesse après le licenciement

La salariée enceinte qui fait l’objet d’un licenciement doit adresser à son employeur un certificat médical attestant de sa grossesse et de la date présumée de l’accouchement.

Aux termes de l’article L 1225-5 du Code du travail, la salariée peut remettre ce justificatif à l’employeur contre récépissé, ou l’adresser par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la formalité étant alors réputée faite au jour l’expédition de la lettre recommandée.

Dans l’affaire de l’arrêt du 2 juillet 2014, la salariée n’était pas enceinte lors de la notification du licenciement qui était intervenu le 15 octobre.

En fait, sa grossesse n’avait débuté qu’après la notification du licenciement.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 octobre, elle avait adressé un certificat médical à son employeur attestant qu’elle était enceinte, et que la grossesse avait débuté entre 10 et 15 jours avant, soit manifestement après la notification du licenciement.

Selon les juges du fond, le licenciement ne pouvait être annulé dans la mesure où la salariée n’était pas en état de grossesse lors du prononcé du licenciement.

Elle ne pouvait donc bénéficier de la protection contre le licenciement en raison d’un état de grossesse.

La Cour de cassation a censuré la position des juges du fond en rappelant que l’article L 1225-5 du Code du travail prévoit que :

« le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte ».

D’après la Haute cour, la Cour d’appel, en subordonnant l’annulation du licenciement que pour le cas où la grossesse a débuté avant la notification du licenciement, a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas.

La seule obligation que la loi met à la charge de la salariée est de justifier son état de grossesse dans le délai de 15 jours après son licenciement.

« Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que la salariée justifiait avoir avisé son employeur de son état de grossesse dans le délai légal, la cour d’appel, en ajoutant à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, a violé le texte susvisé ».

La nullité du licenciement prévue à l’article L 1225-5 peut donc jouer dans deux hypothèses :

- Soit la grossesse de la salariée a débuté avant la notification du licenciement alors que la salariée n’en avait pas encore informé l’employeur ;
- Soit la grossesse survient dans le délai de 15 jours qui suit le licenciement. La salariée devant, néanmoins, en informer son employeur dans le délai de 15 jours.

B- Délai de 15 jours pour notifier l’état de grossesse

Le délai de 15 jours court à compter de la notification du licenciement.

En règle générale, la date de notification du licenciement est la date d’envoi par l’employeur de la lettre recommandée au salarié. Mais, dans le cas particulier du délai permettant à une salariée enceinte de demander l’annulation de la rupture, la date retenue est celle à laquelle le licenciement a effectivement été porté à sa connaissance.

Le délai de 15 jours prévu à l’article L 1225-5 du Code du travail étant exprimé en jours, le jour de la notification ne compte pas.

Il faut donc décompter les jours à partir du lendemain de la réception de la lettre de licenciement ; la date d’envoi du certificat est celle de l’expédition de la lettre recommandée.

2. Annulation du licenciement en raison de l’état de grossesse

Le licenciement dont fait l’objet une salariée enceinte qui justifie de son état de grossesse auprès de l’employeur dans le délai de 15 jours est annulé.

L’employeur doit en conséquence réintégrer immédiatement la salariée dans son précédent emploi.

A défaut, il s’expose à des sanctions.

Il s’agit d’une nullité de plein droit qui s’applique automatiquement.

La procédure de licenciement n’est pas suspendue, l’employeur ne peut donc reporter les effets du licenciement à l’issue de la période de protection.

A- Réintégration de la salariée

Lorsque l’employeur ignorait au moment du licenciement que sa salariée était enceinte, l’intéressée est tenue d’accepter l’offre de réintégration que lui a adressée son employeur une fois informé de l’état de grossesse.

Outre sa réintégration, la salariée dont le licenciement est nul a droit au paiement des salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité.

La réintégration est donc de droit si elle est demandée et ne peut pas être remplacée par des indemnités.

La salariée ne peut prétendre au paiement des indemnités prévues par la loi au cas de licenciement irrégulier et illégitime dès lors que l’employeur ignorait l’état de grossesse de sa salariée lors de l’envoi de la lettre de licenciement.

La réintégration proposée par l’employeur n’est valable que si l’offre porte sur le précédent emploi occupée par la salariée ou sur un emploi similaire (c’est-à-dire comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l’emploi initial).

Dès lors qu’il est informé de l’état de grossesse de la salariée licenciée, l’employeur doit revenir aussitôt sur sa décision.

Si l’employeur revient tardivement sur sa décision de licencier, l’intéressée n’est pas tenue d’accepter la réintégration proposée.

Dans ce cas, elle a droit, outre les salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité, aux indemnités de rupture et à une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement.

B- Le licenciement de la salariée enceinte demeure néanmoins possible

L’annulation du licenciement n’est automatique que lorsque l’employeur a procédé à la rupture du contrat de travail de la salariée enceinte en dehors des cas autorisés par l’article L 1225-4 du Code du travail.

De même, que le licenciement nul, qui oblige l’employeur à réintégrer immédiatement la salariée à son poste, ne l’empêchera pas, par la suite, d’engager une nouvelle procédure de licenciement dans les limites prévues par le Code du travail.

En effet, la protection dont bénéficie la salariée enceinte n’est pas absolue.

L’employeur peut maintenir un licenciement prononcé antérieurement ou prononcer un licenciement au cours de la période de protection, lorsqu’il est motivé par une faute grave de la salariée non liée à son état de grossesse ou par l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, en raison d’une circonstance étrangère à l’état, ou à la situation de la salariée

En cas de licenciement pour faute grave, ou pour un motif étranger à la grossesse, le juge a l’obligation de rechercher si les faits sont liés ou non à son état de grossesse.

L’impossibilité de maintenir le contrat de travail d’une salariée enceinte pour un motif étranger à la grossesse, qui peut seule permettre le licenciement de l’intéressé en l’absence de faute grave, ne peut se justifier que par l’existence de circonstances indépendantes du comportement de cette dernière.

Les cas dans lesquels l’employeur peut invoquer un tel motif de rupture sont donc limités, pour l’essentiel, à des justifications économiques.

C’est à l’employeur qu’incombe la charge de la preuve du motif de licenciement.

En conséquence, le licenciement n’est nul que dès lors qu’il est constaté que la lettre de licenciement ne mentionne pas l’un des motifs exigés par la loi.

Source : Cass. soc, 2 juillet 2014, n° 13-12.496

Houria KADDOUR, Avocat
Défense des salariés
mail
http://avocatlyonkaddour.fr

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Discussions en cours :

  • par Sophie , Le 6 novembre 2014 à 12:53

    Bonjour Mme Kadour et merci pour cet article.

    Dans mon cas, j´ai reçu la notification de licenciement le 17 octobre mais seulement mardi 4 Nov j´ai recu un résultat positif sur ma grossesse. Les 15 jours sont donc dépassés, mais la grossesse étant bien "là" avant la date de licenciement, je ne peux plus donc "décaler mon licenciement" ?
    Je suis en préavis dispensé pour l´instant et ce jusqu´à mi-janvier.

    Merci,

    Bien à vous,

  • par H. JEAN-BAPTISTE , Le 23 septembre 2014 à 09:33

    Quid du licenciement de la salariée enceinte au cours de la période d’essai, alors que l’employeur, lors de l’embauche, était informé de la grossesse qui n’est donc pas à l’origine de la rupture ?

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