En l’espèce, un photographe prétendait être l’auteur de diverses photographies pour des packagings de cognac d’une marque notoire, et réclamait des dommages et intérêts au titre d’une prétendue contrefaçon.
La société titulaire des packagings litigieux contestait la qualité d’auteur du photographe, l’identification réelle des photographies, leur originalité, ainsi que tout acte de contrefaçon et, partant, tout préjudice.
La Cour a confirmé le Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre ayant rejeté la thèse du photographe en fondant son appréciation sur deux points principaux :
d’une part, l’identification de l’œuvre revendiquée,
d’autre part, l’originalité, critère de l’application du droit d’auteur.
Sur l’identification des photographies.
La Cour relève que les photographies revendiquées par le photographe ne font aucune mention de son nom.
Après avoir analysé l’ensemble des pièces versées aux débats par le photographe, la Cour considère que celles-ci ne permettent pas
« d’identifier quels clichés précis ont été pris par Monsieur M dont il serait établi avec certitude qu’ils sont ceux vendus à la société Hennessy et qui ont effectivement servi à la fabrication du packaging des bouteilles de cognac commercialisées par la société Hennessy ».
Du fait de ce problème d’identification des photographies, la Cour juge que le Tribunal a donc exactement jugé que le photographe « ne prouve pas que les deux photographies sur lesquelles il revendique des droits d’auteur soient celles visées par les factures » versées aux débats.
La Cour rejette également la demande d’expertise formée par le photographe compte tenu de « l’absence de précisions suffisantes sur les photographies contrefaites ».
Cette solution est conforme à la Jurisprudence en matière de droit d’auteur puisque la première condition d’application de cette législation réside en effet dans l’identification précise du droit d’auteur revendiqué et également dans la preuve de la titularité des droits.
Sur l’originalité.
La Cour rappelle que :
« une photographie est originale lorsqu’elle résulte de choix libres et créatifs de son auteur témoignant de l’empreinte de sa personnalité »,
« ces choix peuvent être opérés avant la réalisation de la photographie, par le choix de la mise en scène, de la pose ou de l’éclairage, au moment de la prise, par le choix du cadrage, de l’angle de prise de vue, de l’atmosphère créée ou au moment du développement ».
En l’espèce, le photographe avait reçu une commande.
La Cour estime que :
« l’existence d’une commande n’est pas de nature à exclure l’originalité dès lors qu’aucune directive ou indication précise n’est imposée au photographe »,
les prises de vue du photographe ne traduisent aucun choix créatif spécifique reflétant l’empreinte de la personnalité de l’auteur dans la mesure où ce dernier avait été encadré par certaines consignes et que l’objet même de la photographie, soit l’alcool noble qu’est le cognac, ne permettait aucune « fantaisie »,
comme le démontre l’objet de la commande, celle-ci avait « une visée publicitaire et commerciale impliquant la mise en valeur optimisée du contenant et du contenu ».
Surtout, la Cour souligne que
« le travail sur le cadrage, sur l’éclairage, la prise de vue et le travail de retouche auxquels le photographie dit s’être livré ensuite, après les prises de vue, suivant de longues heures, ne font que manifester son habilité et son savoir-faire technique mais ne démontrent pas le choix d’un parti pris esthétique ou ne manifestent pas un travail créatif original, la seule recherche d’un rendu le plus réaliste possible de l’objet, laissant imaginer que celui qui regarde l’emballage peut selon les termes du photographe, "empoigner la bouteille directement" ».
En définitive, la Cour estime que les clichés ne correspondent qu’à une prestation de service technique révélant un savoir-faire mais non une œuvre originale susceptible de protection par le droit d’auteur.
Ainsi, un savoir-faire, même avéré, ne peut légitimement s’inscrire dans la détermination de l’originalité en matière de droit d’auteur.
La Cour rappelle en définitive que l’originalité et le savoir-faire ne se confondent pas.
Décision citée : CA Versailles, 1ère Chambre, 1ère Section, 30 mars 2021, n°19/00672.