Protéger un savoir-faire : secret ou dépôt de brevet ?

Par Jonathan Pouget, Avocat.

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Explorer : # protection du savoir-faire # secret industriel # brevet # propriété intellectuelle

En propriété intellectuelle, le savoir-faire est bien plus qu’un simple ensemble de connaissances techniques. Il englobe un éventail d’éléments, allant des intrications de la gestion à des compétences économiques diverses en passant par des subtilités de méthodes de management. Cet article explore les nuances du savoir-faire et propose des conseils pratiques pour choisir la meilleure stratégie de protection, que ce soit par le secret jalousement gardé ou par le sceau distinctif d’un brevet.

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Le savoir-faire ne se limite pas aux connaissances purement techniques. Il englobe également des éléments tels que des techniques de gestion, des systèmes de gestion de portefeuille de valeurs mobilières, des méthodes de management, et d’autres compétences économiques. Parfois, il s’agit de connaissances non brevetées, mais dans certaines situations, il peut également s’agir de connaissances partiellement brevetées.

Le savoir-faire est un concept fondamental en droit de la propriété intellectuelle qui suscite des débats doctrinaux quant à sa qualification juridique.

La qualification juridique du savoir-faire revêt une grande importance, car elle détermine le régime juridique applicable.

Il semble que de façon dominante, ce soit la qualification de bien qui l’emporte. Il peut être approprié, transféré et utilisé de manière indépendante, ce qui en fait un bien au sens juridique. En conséquence, il peut être protégé et transmis de la même manière que d’autres biens incorporels.

I. Quel régime de protection du savoir-faire ?

Le régime de protection du savoir-faire relèverait donc du droit commun des biens.

Le secret est la condition essentielle pour réserver le savoir-faire en l’absence d’un régime d’appropriation spécifique.

Le secret signifie que l’ensemble du savoir-faire, considéré globalement ou dans la configuration précise de ses éléments, n’est généralement pas connu ou facilement accessible.

Même si des tiers ont éventuellement la même connaissance, cela ne constitue pas un frein à l’appropriation du savoir-faire. L’essentiel est que le savoir-faire ne soit pas à la disposition de tous.

L’appropriation du savoir-faire suppose qu’il soit matériellement possible de garder l’invention secrète.

Cependant, il existe des exceptions à cette règle du secret, où la loi impose la communication au public de certaines informations techniques :

  • Certaines réglementations ou obligations légales peuvent contraindre une entreprise à divulguer des informations techniques. Par exemple, dans l’industrie pharmaceutique, les autorités de réglementation peuvent exiger la divulgation des résultats des essais cliniques pour obtenir l’approbation de la commercialisation d’un médicament. Cependant, même dans ces cas, des dispositions de confidentialité et de protection des données sont souvent mises en place.
  • Les normes de l’industrie peuvent parfois imposer la divulgation de certaines informations techniques pour garantir la sécurité, la qualité ou l’interopérabilité des produits. Par exemple, les normes relatives aux équipements électriques et électroniques peuvent exiger la divulgation de spécifications techniques pour s’assurer qu’ils fonctionnent de manière sécurisée et efficace, etc.

II. Dépôt de brevet ou conservation du secret du savoir-faire ?

Le choix entre la protection par brevet et celle par le secret dépend étroitement de la stratégie industrielle de l’entreprise. Les deux types de protection ont leurs avantages et leurs inconvénients et souvent, ils peuvent être utilisés de manière complémentaire pour maximiser la protection de l’innovation (Vous pouvez par ailleurs lire cet article Votre invention est-elle brevetable ? concernant les conditions de brevetabilité d’une invention).

Les avantages de la protection par brevet incluent la forte exclusivité qu’elle offre, ce qui permet à l’entreprise de contrôler le marché et de tirer des revenus de licences.

De plus, un brevet est un titre de propriété intellectuelle qui peut être valorisé et utilisé comme actif dans des transactions financières.

Cependant, il existe aussi des inconvénients à la protection par brevet. Les informations concernant l’invention deviennent généralement publiques une fois que le brevet est accordé, ce qui signifie que les concurrents peuvent examiner les détails techniques de l’invention.

La protection par le secret implique quant à elle le maintien du caractère confidentiel des informations clés liées à l’innovation. Cela peut inclure des détails techniques, des méthodes de production, des recettes, des formules chimiques, etc.

L’entreprise prend des mesures pour préserver ces informations en interne et ne les partage qu’avec des personnes de confiance, comme les employés et les partenaires sous accord de confidentialité.

Les inconvénients du secret résident dans le risque de divulgation involontaire, par exemple, si un employé quitte l’entreprise et divulgue les informations. En outre, le secret n’offre pas la possibilité de poursuivre en justice ceux qui utilisent l’innovation sans autorisation, sauf en cas de violation d’un accord de confidentialité ou de clauses de non-concurrence.

Souvent, les entreprises utilisent une combinaison de brevets et de secret pour protéger leur propriété intellectuelle. Par exemple, elles peuvent obtenir des brevets pour les aspects visibles et faciles à copier de leur innovation, tout en maintenant en secret les détails techniques plus complexes. Cette approche permet de combiner les avantages des deux méthodes de protection, offrant à l’entreprise un équilibre entre exclusivité et sécurité.

III. Conclusion et conseils pratiques.

1. Évaluation approfondie du savoir-faire : commencez par une évaluation complète de votre savoir-faire. Identifiez les éléments clés, leur valeur économique et leur niveau de confidentialité. Cette compréhension approfondie est cruciale pour choisir la meilleure stratégie de protection.

2. Choix entre secret et brevet : la décision entre la protection par le secret et celle par brevet dépend de la nature de votre innovation et de votre stratégie commerciale. Si l’exclusivité et la valorisation financière sont primordiales, le brevet peut être la voie à suivre. Cependant, si le maintien du secret est crucial, optez pour la protection du savoir-faire.

3. Gestion proactive du secret : si vous choisissez la voie du secret, mettez en place des mesures proactives de gestion de la confidentialité. Éduquez vos employés sur l’importance du secret, utilisez des accords de confidentialité solides et assurez-vous que seules des personnes de confiance ont accès aux informations sensibles.

4. Combinaison de stratégies : souvent, la meilleure protection réside dans la combinaison de différentes stratégies. Obtenez des brevets pour les aspects visibles de votre innovation tout en gardant secrètes les parties plus complexes. Cela crée un équilibre entre la divulgation contrôlée et la préservation du secret.

5. Veille constante : restez vigilant face aux changements dans le paysage juridique et industriel. Les réglementations peuvent évoluer, et les meilleures pratiques de protection peuvent changer. Assurez-vous de mettre à jour régulièrement votre stratégie de protection du savoir-faire.

Jonathan Pouget
Avocat au barreau d’Aix-en-Provence
DPO et Docteur en droit
jonathan chez pouget-avocat.fr
Site Web : https://pouget-avocat.fr

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  • par Filias , Le 15 novembre 2023 à 20:06

    Pourquoi ne parle t’ on jamais du savoir faire du salarié. (Hor mission) Qui l’a protégé par une déclaration d’innovation via le formulaire de l’Inpi et que l’employeur va développer en son nom, donc abus de confiance/ parasitisme..
    Il n’y a pas que les entreprises qui doivent protéger leur savoir faire ou peuvent déposer un brevet... ce serait bien que le monde de la justice française s’approprie le sujet ....je peux développer....

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