Prothèses défectueuses : quels recours pour être indemnisé ?

Par Nathalie Baudry, Avocat.

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Explorer : # prothèse défectueuse # indemnisation # responsabilité juridique # droit de la santé

La défectuosité d’un produit n’est pas si rare. Certains scandales sanitaires de prothèses défectueuses telles que les prothèses mammaires PIP ou encore les prothèses de hanche Stryker, ont fait couler beaucoup d’encre dans les médias.

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La défectuosité est caractérisée lorsque le produit n’offre pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre.

Les victimes de la défectuosité de leurs prothèses disposent de plusieurs actions pour obtenir réparation de leur préjudice.

Chacune est soumise à un régime juridique différent.

Il est conseillé, avant toute procédure contentieuse, de constituer un dossier auprès de la Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation (CRCI), qui est totalement gratuite et sans recours obligatoire à un avocat, même si ce dernier est conseillé compte tenu de la complexité du droit de la santé et de l’évaluation des préjudices.

La CRCI peut, cependant, rendre un avis d’incompétence si la victime ne remplit pas les critères dits "de gravité" ou si le fait générateur est trop ancien. Rappelons en effet que la CRCI n’est compétente que pour des faits postérieurs à sa création, soit au 5 septembre 2001.

En cas d’incompétence de la CRCI, la victime devra saisir la justice. Heureusement, la saisine de la CRCI suspend la prescription, c’est-à-dire arrête son cours jusqu’à la décision à intervenir.

Se pose alors la question de savoir quel régime de responsabilité choisir au regard de la multitude de textes pouvant s’appliquer en pareille matière ?

Le premier réflexe est de recourir au régime légal de responsabilité des produits défectueux visé aux articles 1245 et suivants nouveaux du code civil, issu de la transposition de la directive européenne du 25 juillet 1985.

Ce régime permet d’engager la responsabilité des producteurs ou fournisseurs pour les produits défectueux mis en circulation.

Mais cette action doit impérativement être introduite dans les dix ans de la mise en circulation du produit (article 1245-15 nouveau du code civil). Précisons que la mise en circulation du produit s’opère lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement (article 1245-4 nouveau du code civil), qu’il est sorti du processus de fabrication mis en œuvre par le producteur et qu’il est entré dans un processus de commercialisation dans lequel il se trouve en l’état offert au public aux fins d’être utilisé ou consommé (Cour de Justice de l’Union Européenne CJUE 09/02/2006).

Il n’est pas toujours aisé de connaître cette date et d’identifier le fabricant sans compter que le dommage peut apparaître tardivement, plus de dix ans après cette mise en circulation.

Ainsi, l’action en responsabilité sur le fondement des produits défectueux peut s’avérer complexe, quand elle n’est pas prescrite.

Pour autant, d’autres actions sont possibles puisqu’il ne faut pas oublier que la pose de prothèses est le fait d’un acte chirurgical opéré par un professionnel de santé au sein d’une clinique ou d’un hôpital.
La responsabilité sans faute de l’établissement hospitalier ou du chirurgien exerçant à titre libéral peut être engagée si, en qualité d’utilisateur, il a posé à son patient une prothèse défectueuse.

Une jurisprudence bien établie, tant civile qu’administrative, suite à un arrêt du 21 décembre 2011 de la Cour de Justice de l’Union Européenne, admet qu’un professionnel de santé, simple utilisateur d’un produit, n’a pas vocation à être visé par le régime légal applicable aux produits défectueux et entre dans un régime de responsabilité sans faute pour les dommages causés par le défaut du matériel utilisé, à charge pour ce professionnel de se retourner contre le fabricant.

En conclusion, si la preuve de l’existence d’une défectuosité du produit utilisé est rapportée, une action en responsabilité contre le chirurgien exerçant à titre libéral ou l’hôpital pour manquement à son obligation de sécurité peut être engagée avec succès, étant rappelé que, dans cette hypothèse, aucune faute n’a besoin d’être prouvée, s’agissant d’une obligation de résultat.

Naturellement, l’indemnisation du préjudice subi s’ensuivra.

Nathalie BAUDRY
Avocat associé
www.gg-avocatsassocies.fr

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