La question se pose parfois de la nature commune ou privative des canalisations à l’intérieur des lots privatifs encastrées ou non.
Les principes sont ceux posés par la loi du 10 juillet 1965 :
l’article 2 dispose que sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé. Les parties privatives étant la propriété exclusive de chaque propriétaire.
- l’article 3 dispose que sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre-eux.
Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées parties communes :
le sol, les cours, les parcs, les jardins, les voies d’accès.
le gros œuvre des bâtiments, les éléments communs, y compris les parties de canalisations afférentes qui traversent les locaux privatifs.
Ainsi, le principe posé par la loi est que, par exemple, les parties de canalisations de chauffage collectif sont de nature commune, y compris à l’intérieur des parties privatives.
Mais, cela se conçoit dans le silence ou la contradiction des titres. Supposons un règlement de copropriété qui déroge à la loi, pour prévoir que sont parties communes : - les conduites principales de toute nature, eau, gaz, électricité, évacuations des eaux pluviales, ménagères, de bain, des chutes de water-closed, la canalisation du tout-à-l’égout, les canalisations de chauffage (exception faite pour les parties de ces canalisations et conduites se trouvant à l’intérieur de chaque appartement ou local, ou affectées à leur usage exclusif et particulier). Et qui dit que les parties privatives de l’immeuble sont : - les canalisations intérieures.
La conjugaison des deux articles laisse donc apparaître que les canalisations de chauffage, à l’intérieur des lots, sont privatives.
La question est donc de savoir si le fait qu’elles soient encastrées ou pas a une incidence.
A cet égard, un arrêt du 21 mars 2000 de la Cour de cassation [1] avait analysé un règlement de copropriété qui rangeait au nombre des parties communes les canalisations de toute nature d’utilité commune, mais non les appareils et parties de canalisations, conduites ou tuyaux affectés à l’intérieur de chaque lot à l’usage exclusif et particulier de celui-ci, et d’autre part, au nombre des parties privatives les tuyauteries de branchement des appareils sanitaires et autres jusqu’aux canalisations principales. La Cour de cassation, en un tel cas, a estimé qu’était privative la portion de canalisation de chauffage central, même encastrée dans le plancher, issue de la conduite principale pour desservir un lot particulier. Il n’y a donc là aucune ambiguïté, apparemment...
Mais le plus souvent le règlement de copropriété prévoit que sont communs :
les gros murs de façade et de côté.
les murs de refend.
le plancher.
En un mot, toute la structure du bâtiment.
A cet égard, l’arrêt de la Cour de cassation du 1er Juillet 2003 [2] avait cassé un arrêt de Cour d’appel, qui avait considéré comme privative une canalisation encastrée au motif que le plancher était qualifié de partie commune, dans le règlement de copropriété et que la question se posait de savoir si la canalisation qui était encastrée n’était pas elle-même une partie commune. Et c’est là toute la subtilité de la chose !
Si la canalisation est encastrée dans le gros œuvre, elle pourra être considérée comme partie commune même si les canalisations intérieures sont dites privatives.
Dire qu’une canalisation à l’origine de désordres se trouve encastrée dans une dalle, partie commune non apparente, et qui ne peut être atteinte que par des dégradations du gros œuvre du plancher induit que cette canalisation est partie commune, c’est par exemple, la position de la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 16 Mars 2011 [3]. Tout est cas d’espèce, finalement et les juristes n’ont pas fini de s’interroger pour la grande satisfaction de leur clientèle reconnaissante !
Discussions en cours :
Loi de 1965 article 2 : Sont parties privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé.
Ainsi il n’y a pas d’ambiguïté puisque la canalisation d’eau n’assure la desserte que pour un seul lot ; elle est donc privative.
Il faut donc concevoir qu’une canalisation à desserte exclusive est un élément privatif (la gain et son tuyau) dont le trajet passe au sein d’un élément collectif (la dalle) au même titre qu’un lot (le logement) est un élément privatif au sein d’un ensemble collectif (l’immeuble)
L’article 3 ne dit pas le contraire et prévoit seulement - comme cela était courant à l’époque pour les gaines montantes - qu’une gaine commune qui passe dans un ensemble privatif reste collective.
A vrai dire, les canalisations encastrées dans une dalle collective séparant deux étages ne sont pas la propriété de l’occupant (pas d’usus, pas de fructus et pas d’abusus).
De plus l’occupant d’un appartement ne peut en être responsable dans la mesure où il n’a aucune obligation de garde de la chose. A défaut d’obligation de la garde des choses prévue à l’article 1384 du code civil, il ne peut y avoir une quelconque responsabilité et obligation de réparer du locataire ou du propriétaire.
Dans pareil cas (réparations à effectuer sur des canalisations collectives dans l’appartement du dessus), les frais sont bien à la charge de la copropriété ? même ceux qui concernent le remise en état de l’appartement concerné ? Et lorsque le propriétaire doit quitter son studio pour laisser faire les travaux (prévus sur une semaine), qui doit payer le relogement ? Merci.
Ce sujet m’intéresse tout particulièrement notamment les questions posées par BELLOT ci-dessus, relatif notamment au relogement et aux modalités de prise en charge complète par le syndic, lorsque la caractérisation de partie commune pour la canalisation est avérée, de la remise en état des désordres occasionnées (reprise du revêtement, etc.). Si par hasard quelqu’un de compétent en l’espèce passe de nouveau par-là je serai très intéressé d’avoir des éléments de réponses et d’échanger sur le sujet.
Bonjour
Nous subirons une infiltration d’eau depuis plus de 2 ans au plafond de notre salle d’eau. L’expert à confirmé une fuite sur l’alimentation d’eau, encastré dans la chape, de l’appartement au dessus de nous, après la prise d’eau sur la conduite principal de l’immeuble. Malgré un texte clair et net dans notre RDC signalant toute conduite comme privative desservent exclusivement un appartement le syndic et la propriétaire se renvoi la balle.
Entre temps c’est le béton qui commence à se dégrader.
Meilleurs salutations
Robert R.
Bonjour
La réponse à votre question nécessiterait l’étude détaillée de votre règlement de copropriété, de votre contrat d’assurance, et de celui de la copropriété. Elle nécessiterait aussi de connaître tout l’historique des faits (investigations, interventions, etc ..) qui se sont produits autour de l’événement. Enfin, il faut tenir compte des conventions que se sont faites entre eux les assureurs pour régler ce genre de problème. Je précise que c’est hors de portée du quidam ordinaire.
En généralité, on peut dire que si la canalisation en question, desservant uniquement le logement du dessus, circule dans le gros-œuvre qui est une partie commune, il peut y avoir discussion sur son caractère privatif ou non. Par contre, si elle circule comme vous le dites dans la chape (sans doute de revêtement de sol), qui est alors une partie privative, le caractère privatif de la canalisation est beaucoup plus probable.
Reste que, par convention, les assureurs peuvent considérer entre eux que certains éléments qui dans le sens commun sont privatifs, relèvent quand-même de l’assurance de copropriété. C’est le cas par exemple de cloisons, et ce peut l’être de chapes aussi, avec discussion sur ce qui est incorporé dans la chape.
Ensuite, chaque assureur peut exploiter le fait, éventuel, que l’on n’a pas fait appel à lui au moment et dans les formes qu’il aurait fallu, pour décliner sa garantie.
Jean-Louis L
Ayant particulièrement étudié la question, parce ayant été concerné par un tel sinistre, j’ai pu constater les errements de la justice pour juger ces litiges.
Ce qui explique l’apparente complexité de la question, c’est le fait de prendre en compte à tort la "jurisprudence judiciaire" constituée des seuls jugements de fond. Car ils ne sont pas toujours exempts d’erreur dans l’application de la loi. Le nombre de jugements cassés et annulés par la Cour de Cassation sont là pour en témoigner.
Sur la question, les jugements de Cours ont jusqu’à une période récente fait la part belle aux règlements de copropriété sur le fondement de l’article 8 de la loi de 1965. Or, cet article mentionne le règlement de copropriété comme une convention. Pourtant, une convention ne peut contredire l’article 3 de la loi : il ne peut que le suivre.
La Cour de Cassation a à ce propos rendu un arrêt datant de 2014 remettant les pendules à l’heure dans ce sens : ce n’est pas le règlement de copropriété qui fait la répartition entre parties privatives et communes mais les 3 premiers articles de la loi de 1965. Notamment, l’article 3 stipule le caractère commun du gros oeuvre dans le silence du titre ou la contraction des titres de propriété. Certains juristes ont compris à ce propos, bien à tort que le titre faisait référence au règlement de copropriété. Non, et c’est bien logique que ce soit le titre de propriété qui soit l’élément décisif.
Sachant que d’autre part, les canalisations faisant corps avec le gros oeuvre, sont aussi du gros oeuvre, ... les canalisations encastrées à moins que le plancher ou ces dites canalisations soient explicitement mentionnées dans le titre de propriété, sont donc communes.
A noter que l’on apprécie la puissance de la tournure de phrase de l’article 3 lorsque l’on considère le cas d’une maison ou d’un immeuble appartenant à un seul propriétaire au sein d’une copropriété. Car dans ce cas, le titre de propriété se référant à un bâtiment, l’article 3 confirme par voie de conséquence, le caractère privatif de son gros oeuvre.
Les canalisations encastrées dans un immeuble en copropriété sont donc à moins que les titres de copropriété dérogent à l’article 3, communes au grand dam de certains conseils syndicaux ...
Bonjour,
Je suis actuellement en plein bras de fer avec mon syndic à ce sujet, rencontrant ce problème sur la canalisation d’eau froide alimentant mon appartement...
Didier, vous faites mention à un arrêt de la cours de cassation de 2014. Pourriez-vous me fournir la référence de cet arrêt ? Éventuellement un lien vers l’arrêt ?
Vous remerciant vivement par avance pour votre aide.
Cordialement,
Ludovic
Pour répondre à Ludovic, cet arrêt de cassation date de 2012. Erreur sur le date donc mais qu’importe il est toujours inscrit au bulletin de la Cour de Cassation et est donc toujours en vigueur (et ne cessera de l’être à moins de modification de la loi de 1965 qui n’a jamais changé sur ce point)
Il s’agit du pourvoi n° 10-17.366 daté du 2 mai 2012 :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000025810277
Si la réparation n’a pas été encore effectuée, vous avez plusieurs possibilités de rétorsion :
a) vous le convoquez devant un conciliateur de justice. Il siège en mairie. Prenez donc contact avec elle pour un rendez-vous.
b) si la conciliation échoue, constatez si la fuite occasionne des moisissures. Dans ce cas, c’est une atteinte à la salubrité du bâtiment. La mairie est compétente pour contraindre le syndic. Pour cela, prenez contact avec le service salubrité publique de la mairie. C’est de la responsabilité du maire que de contrôler et s’assurer l’hygiène de tous les lieux publics et privés. On vous donnera la marche à suivre qui en principe consiste à faire un courrier de plainte en décrivant le sinistre. Déjà, le fait que de l’eau stagne quelque part dans un immeuble déclenchera une enquête de la mairie qui viendra constater et dressera un procès verbal à l’encontre du syndic si la salubrité des lieux est en jeu. Naturellement, ne commettez pas l’erreur de couper l’eau si la fuite est mineure afin que les constations ne soient minimisées.
c) Si la plainte est classée sans suite, introduire une instance de référé devant le juge de proximité (en principe, puisque le coût de telles réparations sont < 4000 euros. Sinon, c’est le tribunal d’instance qui est compétent. De toute façon, c’est dans la même maison judiciaire que ça se passe.) afin de contraindre voire sous astreinte, le syndic a faire des travaux de réparation. En effet, en vertu de l’article 18 2nd alinéa de la loi de 1965 sur les copropriétés, le syndic doit assurer la conservation des immeubles et prendre l’initiative de faire des travaux en cas d’urgence indépendamment de la nature (privative ou commune) des parties à réparer : c’est une mesure purement conservatoire. De plus, si le travaux affectent les parties communes, vous avez de toute façon pas le droit de les faire ou les faire faire sous votre responsabilité.
La procédure de référé est rapide et sera de toute façon couronnée de succès puisque seul l’article 18 alinéa 2 s’applique en cas d’urgence. Donc, aucune contestation sérieuse de la part du syndic n’est pas craindre. Il ne vous reste qu’à démontrer l’urgence. C’est particulièrement aisé puisque le syndic a dû vous écrire dans ce sens. Donc, en principe, les deux parties seront d’accord au moins sur ce point... et le président du tribunal, aussi.
(à suivre...)
La procédure de référé est rapide et sera de toute façon couronnée de succès puisque seul l’article 18 alinéa 2 s’applique en cas d’urgence. Donc, aucune contestation sérieuse de la part du syndic n’est pas craindre. Il ne vous reste qu’à démontrer l’urgence. C’est particulièrement aisé puisque le syndic a dû vous écrire dans ce sens. Donc, en principe, les deux parties seront d’accord au moins sur ce point... et le président du tribunal, aussi.
Pour une telle procédure judiciaire, le recours à un avocat, n’est pas obligatoire. Néanmoins, vous ne devrez avancer à un avocat "que" entre 150 et 200 euros qui vous seront remboursés par la partie adverse si votre avocat demande l’application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Si sur le fond, vous êtes dans votre droit, il se peut fortement que le syndic vous laisse tranquille définitivement. S’il s’obstine et que vous êtes dans votre droit, il risque de perdre .. beaucoup : outre le procès, la gestion de la copropriété puisque vous êtes fondé à demander sa révocation pour avoir failli à son devoir de conseil, inscrit dans la loi de 1965 sur les copropriétés.
Espérant vous avoir aidé.
Y-a-t-il une différence entre le fait que les canalisations soient encastrées dans la dalle ou la chape ?
Est-ce que la chape fait partie du gros oeuvre au yeux de la loi ?
Si votre syndic refuse d’effectuer les travaux, il y a moyen de le contraindre.
En effet, selon le second alinéa de l’article 18 de la loi de 1965 sur les copropriétés :
[...]
d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, « en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ; »
« [..] le syndic est chargé, [..] :
Le syndic a pour obligation légale (au sens du Code Civil) de faire des travaux.
Sur ce simple moyen, vous pouvez faire la démarche d’une injonction de faire auprès du juge de proximité (coût de la réparation et du litige en général < à 4000 euros) ou d’instance (coût de la réparation et du litige en général > à 4000 euros et < 10 000 euros). Cette démarche ne requiert pas le concours d’un avocat. Le juge prend sa décision sur la fourniture des pièces et du moyen de droit qu’apporte l’article 18. Il ne juge pas en fonction des responsabilités in fine (si finalement ce sont des parties privatives ou communes), mais fait appliquer l’article 18 portant obligation légale si vous lui fournissez les pièces permettant de matérialiser le litige : votre qualité de copropriétaire, la recherche de fuite, les courriers montrant que le syndic attend que ce soit vous qui fassiez les travaux à sa place.
Voici tout ce qu’il faut savoir sur la démarche avec le formulaire de demande d’injonction à remplir
: https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1787
Il vous sera demandé dans le formulaire, le montant de votre préjudice (moral, personnel, de jouissance, ...). Une règle à respecter à ce sujet. Si vous estimez votre préjudice > 4000 euros, remplissez à la place, la demande d’injonction pour le juge d’instance et non pas celui de proximité.
Cette demande de dommages et intérêts sert dans le cas où le syndic récalcitrant n’effectue pas les travaux avant la date limite que vous aurez vous-même inscrite arbitrairement sur votre formulaire de demande. Une audience au tribunal d’instance à laquelle vous vous rendrez pour témoigner de votre préjudice statuera alors sur votre demande de dommages et intérêts et condamnera le syndic au titre de l’article 1184 du Code Civil.
C’est pour cela, un conseil : demandez des dommages et intérêts qui couvrent largement la réparation de la fuite. Ainsi, vous pourrez avec cet indemnisation effectuer les travaux par vous-même. Si vous avez effectué les réparations alors que ce sont des parties communes, vous pourrez introduire une instance sur le fond pour à terme récupérer la somme.
En parallèle ou indépendamment de la procédure d’injonction de faire, si vous n’êtes pas sûr de votre bon droit, faites faire de votre côté des devis de réparation par des professionnels, vous notifierez alors votre syndic par courrier recommandé avec le devis le moins cher.
Ainsi, si jamais il était fondé à vous faire rembourser les travaux (c’était finalement des parties privatives) qu’il aurait effectué, il ne serait en revanche pas fondé à vous réclamer un montant supérieur au devis dont vous l’aurez gracieusement notifié avant qu’il ne passe la commande des travaux ...
Que représente le gros oeuvre dans ce cas ? Dalle porteuse, chape de ravoirage, chape maigre...
Y-a-t-il une différence entre le fait que les canalisations soient encastrées dans la dalle ou la chape ?
Est-ce que la chape fait partie du gros oeuvre au yeux de la loi ?
Pour simplifier, tout ce qui est en béton, c’est du gros oeuvre. Et ce qui fait corps avec, aussi.
http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Malfacon
Bonjour
j’ai moi aussi à faire face à un problème de dégât des eaux dû à la rupture d’une canalisation encastrée dans la dalle située entre mon appartement et l’appartement du dessus
on me dit qu’il s’agit d’une partie privative
je suis à la recherche de l’arrêt de la cours d’appel de paris du 16 mars 2011 (06-19.158 ou 06-19.156), que j’ai vu cité sur internet par plusieurs personnes et qui semble correspondre à mon besoin, mais curieusement sur legifrance je ne parviens pas à le retrouver
merci de votre aide
Laurent