A qui sont ces canalisations qui serpentent dans le sol ?

Par Jean de Valon, Avocat.

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Explorer : # copropriété # canalisations # parties communes # parties privatives

La question de la propriété, commune ou privative, des canalisations se trouvant dans un lot privatif de copropriété n’a rien de simple pour le juriste !

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La question se pose parfois de la nature commune ou privative des canalisations à l’intérieur des lots privatifs encastrées ou non.

Les principes sont ceux posés par la loi du 10 juillet 1965 :
- l’article 2 dispose que sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé. Les parties privatives étant la propriété exclusive de chaque propriétaire.
- l’article 3 dispose que sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre-eux.

Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées parties communes :
- le sol, les cours, les parcs, les jardins, les voies d’accès.
- le gros œuvre des bâtiments, les éléments communs, y compris les parties de canalisations afférentes qui traversent les locaux privatifs.

Ainsi, le principe posé par la loi est que, par exemple, les parties de canalisations de chauffage collectif sont de nature commune, y compris à l’intérieur des parties privatives.

Mais, cela se conçoit dans le silence ou la contradiction des titres. Supposons un règlement de copropriété qui déroge à la loi, pour prévoir que sont parties communes : - les conduites principales de toute nature, eau, gaz, électricité, évacuations des eaux pluviales, ménagères, de bain, des chutes de water-closed, la canalisation du tout-à-l’égout, les canalisations de chauffage (exception faite pour les parties de ces canalisations et conduites se trouvant à l’intérieur de chaque appartement ou local, ou affectées à leur usage exclusif et particulier). Et qui dit que les parties privatives de l’immeuble sont : - les canalisations intérieures.
La conjugaison des deux articles laisse donc apparaître que les canalisations de chauffage, à l’intérieur des lots, sont privatives.

La question est donc de savoir si le fait qu’elles soient encastrées ou pas a une incidence.
A cet égard, un arrêt du 21 mars 2000 de la Cour de cassation [1] avait analysé un règlement de copropriété qui rangeait au nombre des parties communes les canalisations de toute nature d’utilité commune, mais non les appareils et parties de canalisations, conduites ou tuyaux affectés à l’intérieur de chaque lot à l’usage exclusif et particulier de celui-ci, et d’autre part, au nombre des parties privatives les tuyauteries de branchement des appareils sanitaires et autres jusqu’aux canalisations principales. La Cour de cassation, en un tel cas, a estimé qu’était privative la portion de canalisation de chauffage central, même encastrée dans le plancher, issue de la conduite principale pour desservir un lot particulier. Il n’y a donc là aucune ambiguïté, apparemment...

Mais le plus souvent le règlement de copropriété prévoit que sont communs :
- les gros murs de façade et de côté.
- les murs de refend.
- le plancher.
En un mot, toute la structure du bâtiment.

A cet égard, l’arrêt de la Cour de cassation du 1er Juillet 2003 [2] avait cassé un arrêt de Cour d’appel, qui avait considéré comme privative une canalisation encastrée au motif que le plancher était qualifié de partie commune, dans le règlement de copropriété et que la question se posait de savoir si la canalisation qui était encastrée n’était pas elle-même une partie commune. Et c’est là toute la subtilité de la chose !

Si la canalisation est encastrée dans le gros œuvre, elle pourra être considérée comme partie commune même si les canalisations intérieures sont dites privatives.

Dire qu’une canalisation à l’origine de désordres se trouve encastrée dans une dalle, partie commune non apparente, et qui ne peut être atteinte que par des dégradations du gros œuvre du plancher induit que cette canalisation est partie commune, c’est par exemple, la position de la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 16 Mars 2011 [3]. Tout est cas d’espèce, finalement et les juristes n’ont pas fini de s’interroger pour la grande satisfaction de leur clientèle reconnaissante !

Jean de VALON
Avocat

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Discussions en cours :

  • par andre.ramel , Le 23 octobre 2019 à 22:42

    une ville peut-elle faire payer un pourcentage des canalisations d’eau chaude urbaine ?

  • par Kerhoas , Le 28 septembre 2019 à 16:59

    Bonjour,
    Je suis propriétaire d’un studio en rez de jardin. Tous les autres appartements sont raccordés au réseau sauf mon studio et celui du voisin.
    Pour les travaux de raccordement, est ce que c’est l’ensemble de la copropriété qui doit s’acquitter du montant des travaux ou uniquement les deux propriétaires des studios ?
    Merci de votre réponse.

  • par Tchicok , Le 14 avril 2019 à 01:12

    Bonjour,
    Impossible de trouver cette information nul part.
    Nous avons un système de chauffage encastré défectueux. Nous devons intervenir.
    Les dalles pvc collées directement sur la dalle de béton sans chappe intermédiaire, sont elles considérées comme partie commune ou privative. Leur elevement serait elle a la charge de la copro ou du proprio ?

  • par Olivier , Le 1er février 2019 à 13:10

    Bonjour,
    Merci pour cet argumentaire qui m’a servi a étayer le mien dans un "conflit" avec mon assurance et ma régie immobilière.
    Pour simplifier, je suis propriétaire d’un appartement dans lequel le chauffage est assuré par une chaudière collective. L’eau chaude est acheminée dans les radiateurs de chaque logement par le biais de canalisations encastrées dans le plancher.
    L’expertise avait donc vu mon assurance se ranger à la décision de l’expert la représentant : ce dernier s’étant mis d’accord avec la partie adverse sur le fait que ces canalisations étaient obligatoirement privatives du fait qu’elles ne desservaient que mon logement !
    Mon courrier de dénonciation a donc été adressé à mon assureur et dans ce courrier, j’ai donc contredit "notre" expert en reprenant en grande partie vos arguments.
    quelques semaines après, mon assureur s’est donc rangé à mon avis et à dénoncé son expert.
    Merci

  • Bonjour

    Je suis moi même propriétaire et fait actuellement fasse à un problème de fuite a priori lié à une conduite d’eau de mon circuit de chauffage individuel qui est encastré dans le sol. Le plombier souhaite donc casser le carrelage, la chape en dessous dans le cadre de la recherche de fuite.

    Je n’arrive pas à savoir s’il s’agit d’une partie commune ou privative le règlement de copropriété étant ambigue selon moi.

    Il est indiqué d’une part que font parties des parties privatives les "canalisations intérieures et raccordements particuliers, les appareillages, robinetteries et accessoires qui en dépendent"

    D’un autre côté il est écrit que font parties des parties communes "les conduites, prises d’air, canalisations, colonnes montantes et descendante d’eau, de gaz, d’électricité (sauf, toutefois, les parties des canalisation se trouvant à l’intérieur des appartements ou des locaux en dépendant et affectées à l’usage exclusif de ceux-ci), sauf si elles sont incorporées au gros oeuvre."

    Vous noterez que dans ce dernier paragraphe, il semble que la parenthèse fermante soit placée au mauvaise endroit. La dernière partie de la phrase "sauf si elles sont incorporées au gros oeuvre" devant en toute logique s’appliquer à la partie entre parenthèse et non à ce qui précède.

    Qu’en pensez-vous ?

    Cdlt
    Fabien

    • par GUICHOT Daniel , Le 5 février 2017 à 15:43

      Notre syndic de copropriété fait payer les réparations de fuite dans la dalle au motif que la canalisation aboutit à un appartement privé et qu’il y a usage privatif au sens de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1965.
      Il y oublie ainsi qu’il y dans cette loi deux types de parties, les communes (article 3) et les privatives (article 2), le législateur ayant exclu toute formule intermédiaire du genre partie mixte.

      Si la partie privative exige effectivement un usage privatif selon l’article 2, celui-ci précise dans son deuxième alinéa la nécessité d’un lien entre partie privative et "propriété exclusive".

      Il se trouve que la propriété (voir article 544 code civil) est à la fois un droit de jouissance mais aussi le droit de disposer de la manière la plus absolue de la chose (droit de modification, de destruction ou encore de vente...)

      Il n’en est rien s’agissant de la partie des canalisations qui se trouve dans la dalle et qui aboutissent à votre appartement. Vous ne pouvez donc en avoir la propriété ce qui exclut la notion de partie privative.

      De plus vous ne pouvez avoir sur celles-ci une responsabilité au titre de la "garde de la chose", impossible en l’espèce.

      Par ailleurs, si "l’usage privatif d’une chose" suppose à la fois la possibilité d’utiliser celle-ci de manière libre et diverse , il suppose également le contrôle visuelle et matérielle de celle-ci au sens de garde
      de la chose et des responsabilités qu’elle entraîne en cas de faute de surveillance ou défaut de maîtrise.

      Il n’ est rien pour les canalisations dont on ne sait où elles se trouvent (pas d’usage libre et varié et pas de garde)

      On peut admettre par contre que l’eau qui passe dans les tuyauteries fasse l’objet à l’arrivée de votre appartement d’un usage privatif : contrôle visuelle et matériel, utilisation variée..... linge, vaisselle, bains.....)

      Quid alors du droit sur ces fameux tuyaux encastrés ? En réalité le propriétaire de l’appartement alimenté par cette canalisation exerce sur celle-ci un simple " droit de jouissance exclusif sur partie commune" admis depuis longtemps par la Cour de cassation

      Deux arrêts clés : numéro 546 du 6 juin 2007 troisième chambre civile qui stipule" un droit de jouissance exclusif sur des parties communes n’est pas un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d’un lot"

      Voir même position dans l’arrêt du 2 décembre 2009, pourvoi n° 08-20310.

      En d’autres termes ; le droit de jouissance sur les canalisations en question se limite à un droit de passage de notre eau personnelle tout comme celui d’ utiliser le couloir qui relie plusieurs appartements

    • par Jacknodi , Le 20 mars 2018 à 14:47

      Que dire de ce cas complexe ?
      Un bâtiment A 3 étages de 7 familles présente des pb d’assainissement EU et EP
      un batiment B un seul appart est constitué d’un appart en 1 étage un cellier privatif en rdv et un garage
      une cour en long sépare les bâtiments
      les canalisations desservant le Bat À passent sous le cellier du bat B privatif après avoir traversé en long la cour commune
      les copros du bat À ( syndic bénévole) veulent que le copro du bat B (assainissement sans pb ) qui n’a aucun usage de ces canalisations participe au financement
      au titre que l’eau du ciel tombe sur une partie commune ( pas de pb d’eau de ruissellement mais des toits et usées)
      au titre que les canalisations se rejoignent dans la rue pour atteindre le tabouret municipal

      qu’en pensez vous ?

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