À quoi sert un député ?

Par Raphael Piastra, Maître de Conférences.

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Explorer : # vote de la loi # contrôle du gouvernement # Évaluation des politiques publiques # inflation législative

À quoi sert un député ? Cette question est d’une actualité brûlante étant donné les circonstances présentes. En effet, du fait de la sixième dissolution de la Vᵉ République, nous allons mettre en place une nouvelle législature parlementaire.
Cet article a l’ambition de présenter le rôle du député.
Selon l’alinéa 1 de l’article 24 C : « le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques (…) ». Ce sont là, les trois missions constitutionnelles du Parlement que nous allons envisager.

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1) Vote de la loi.

« Il faut éclairer l’histoire par les lois et les lois par l’histoire », Montesquieu.

Selon l’article 34 C soit la loi fixe les règles (droits civiques, droits civils, impôts, régime électoraux, droits des fonctionnaires,...), soit elle détermine les principes fondamentaux (Défense Nationale, décentralisation, environnement, droit du travail,…).

Le processus de vote de la loi se fait selon un certain nombre d’étapes qui sont pour l’essentiel :

  • Initiative de la loi : projet si c’est le gouvernement (80% des textes), proposition si ce sont les parlementaires.
  • Dépôt du texte : soit devant l’Assemblée (la majorité des cas), soit devant le Sénat
  • Examen du texte en commission permanente (8 au Sénat, 8 à l’Assemblée Nationale) avec amendements.
  • Examen et vote du texte en séance publique avec amendements. Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement par les deux assemblées du Parlement (sur la base d’une navette) en vue de l’adoption d’un texte identique. Un texte adopté en termes identiques par les deux assemblées est définitif : il constitue le texte de la loi.
  • Si désaccord entre les assemblées, le Premier Ministre met en place une Commission Mixte Paritaire (7 députés, 7 sénateurs). Soit accord sur un texte de synthèse, soit désaccord et le Premier Ministre retient le dernier texte de l’Assemblée.
  • Selon l’article 10 C le président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée. Il peut, avant l’expiration de ce délai, demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles.
  • Après sa promulgation, la loi doit être publiée au Journal Officiel. Elle peut entrer en vigueur le lendemain de sa publication ou à une date fixée par la loi elle-même.
  • La Constitution confie l’exécution des lois au Premier ministre (art. 21) qui dispose de l’administration et détient le pouvoir réglementaire (décrets, arrêtés, circulaires). Il est aidé des autres membres du Gouvernement et les tribunaux veillent à ce que cette exécution s’effectue conformément à la loi. Les préfets et les maires y participent aussi.

De 2003 à 2023, plus de 1 000 lois ont été promulguées, soit une moyenne de 50 lois par an. Avec 56 lois, l’année 2023 est légèrement au-dessus de cette moyenne. 2021 marque un record, avec 67 lois.

Il existe en France, plus que partout ailleurs dans l’UE, une inflation législative qui a amené le président Chirac à estimer en 2000 que : « Toujours plus nombreux, les textes de loi sont aussi plus bavards, au risque d’en devenir inconsistants ».

2) Contrôle du Gouvernement.

« Le Parlement contrôle l’action législative du gouvernement », Philippe Séguin, président de l’AN 1993-1997.

Le Parlement contrôle le Gouvernement par des moyens d’information et d’investigation et par la mise en jeu de sa responsabilité. Cette mission a été réaffirmée par la révision constitutionnelle de juillet 2008 (art. 24), qui l’a placée au même niveau que l’élaboration de la loi.

Au titre des moyens d’information et d’investigation, on compte par exemple : les questions (écrites et orales), les diverses commissions (d’enquête, d’information), les contrôles sur pièces et sur place sur l’utilisation de l’argent public par les rapporteurs spéciaux des commissions des Finances (ex : à la Cour des Comptes au printemps 2023). Enfin, l’Assemblée Nationale peut mettre en jeu la responsabilité du Gouvernement sur la base de l’article 49. L’article 49-1 de la Constitution prévoit que le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, sur son programme ou, éventuellement, sur une déclaration de politique générale.

Selon le deuxième alinéa de l’article 49, l’Assemblée nationale peut mettre en cause

« la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure ».

L’article 49-3 :

« Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ».

A ce jour, il y a eu une seule motion de censure votée en 1962 contre le gouvernement Pompidou. Le général de Gaulle répliqua par la première dissolution de la Vè qui lui attribua une confortable majorité absolue.

3) Evaluation des politiques publiques.

Afin de mettre en œuvre la fonction d’évaluation des politiques publiques qui lui est explicitement reconnue par l’article 24 de la Constitution depuis la révision du 27 juillet 2008, l’Assemblée nationale a créé, par la réforme du Règlement du 27 mai 2009, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC).

Trois axes d’action :

  • assurer l’évaluation des politiques publiques transversales
  • être tenu informé des conclusions des missions d’information
  • formuler des propositions pour l’ordre du jour de la semaine réservée par priorité au contrôle et à l’évaluation.

Un comité d’évaluation des politiques publiques existe au Sénat avec un rôle similaire. Ces comités sont présidés par les présidents de chaque chambre et sont composés de 36 membres représentant les composantes de l’hémicycle.

Depuis 2009 les comités parlementaires d’évaluation ont produit de nombreux rapports sur des thèmes divers : principe de précaution, quartiers défavorisés, autorités administratives indépendantes, politiques publiques de lutte contre le tabagisme, médecine scolaire, lutte contre l’usage des substances illicites, modernisation numérique de l’État...

Au sein de l’UE, la France a longtemps été très en retard quant l’évaluation des politiques publiques. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, elle a gagné du terrain. Ainsi, sur un échantillon de 262 lois votées de 2008 à 2020, on constate que, pour chacune, 18 travaux évaluatifs en moyenne sont cités en amont du vote. Ce nombre est plus élevé pour les projets de loi que pour les propositions de loi ou les mesures des lois de finances. Seules 14 lois n’ont donné lieu à aucune citation d’évaluation.

A l’inverse, certaines lois suscitent plus d’une centaine de citations, le record allant à la loi Pacte de 2019. Les chiffres sont à la hausse puisqu’on dénombre 25 citations pour chaque loi en 2020 contre seulement 8 en 2008 [1].

Raphael Piastra, Maitre de Conférences en droit public des universités

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[1https://www.strategie.gouv.fr ; 30/06/2022.

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