Une association avait fait en 2016 une demande d’enregistrement d’un dessin auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle, l’INPI. Le dessin représentait une jeune femme vue de profil, en grisaille, les cheveux longs et flottants, coiffée d’un bonnet phrygien orné d’une cocarde tricolore aux couleurs du drapeau français, encadrée de part et d’autre de guillemets bleus et rouges. Elle était ainsi clairement désignée comme Marianne, l’incarnation de la République française, que l’on peut voir dans les mairies, sur les timbres ou les formulaires officiels. Les initiales du nom de l’association étaient placées sous son menton, en bleu et en rouge, et le nom de l’association pouvait se lire en toutes lettres en bas du dessin.
L’INPI rejeta la demande d’enregistrement du dessin en octobre 2016 en raison de sa contrariété à l’ordre public, car ce dessin produisait l’impression qu’il émanait directement de l’État français, ou que l’État français l’approuvait.
L’association interjeta appel et fit valoir que le dessin ne pouvait être confondu avec le sceau de l’État, en raison de la manière dont Marianne était représentée et de l’ajout du nom et des initiales de l’association. Elle informa en outre la Cour qu’elle allait modifier la dénomination officielle du dessin ainsi que ses couleurs pour représenter désormais le dessin complètement en grisaille.
Ces changements ne furent pas suffisants pour la cour, d’autant plus que les critères de nouveauté et de caractère propre, les deux critères nécessaires, selon l’article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle, pour qu’un dessin ou modèle soit protégé, étaient ici inopérants puisque l’INPI avait refusé la protection au dessin car contraire à l’ordre public.
Selon la cour, Marianne est « manifestement » le symbole de la France, notant en outre que l’État français a inscrit Marianne comme emblème auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, afin de la placer sous la protection de l’article 6ter de la Convention de Paris qui protège les drapeaux et les emblèmes des États parties à cette Convention.
La cour d’appel de Paris rejeta le recours de l’association, car le dessin était bien composé d’éléments qui ensemble laissaient penser que le dessin « émane de l’État français ou qu’il bénéficie de la garantie de ce dernier », d’autant plus que le nom même de l’association, ‘Expressions de France’, dont l’objet est la ‘contribution participative de tous à la République’, est ainsi associé à Marianne, un signe étatique. Le dessin ne peut être protégé car contraire à l’ordre public.