Extrait de : Signes distinctifs : marques, appellations d’origine et noms de domaine

Il est désormais possible d’enregistrer des marques dénigrantes ou scandaleuses aux États-Unis.

Par Marie-Andrée Weiss, Avocat.

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Explorer : # liberté d'expression # marques dénigrantes # premier amendement

Le champ lexicologique des personnes désireuses d’enregistrer une marque aux États-Unis s’est considérablement élargi en 2017.

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La section 2(a) du Trademark Act interdit l’enregistrement de marques « consist[ant] en ou comport[ant] un contenu immoral, trompeur ou scandaleux, ou un contenu qui peut dénigrer ou suggérer à tort un lien avec des personnes, vivantes ou mortes, des institutions, des croyances ou des symboles nationaux, ou jeter sur eux le mépris ou le discrédit ».

Si la section 2(a) du Trademark Act n’est pas abolie, la Cour Suprême a déclaré en juin 2017 ses dispositions interdisant l’interdiction de marques dénigrantes contraires au Premier Amendement de la Constitution qui protège la liberté d’expression (Matal c. Tam). Le groupe de rock The Slants (‘Les Bridés’), dont les membres sont tout d’origine asiatique, ont gagné le droit d’enregistrer leur marque fédérale THE SLANTS.

Il est désormais possible d’enregistrer une marque dénigrante aux États-Unis et les demandes d’enregistrement de ces marques affluent depuis la décision de la Cour Suprême.

Les demandes d’enregistrement de marques immorales ou scandaleuses devraient bientôt suivre puisqu’en décembre 2017 la Cour d’appel fédérale du Federal Circuit a déclaré les dispositions de la section 2(a) qui interdisent l’enregistrement de ces marques contraires au Premier Amendement.

Dans cette affaire, Eric Brunetti souhaitait enregistrer la marque FUCT, mais il s’était heurté au refus du bureau des marques des États-Unis, l’USPTO, puis du Trademark Trial and Appeal Board, qui considéraient la marque scandaleuse.

Une marque est scandaleuse si une grande partie du public considère que la marque choque le sens de la vérité, de la décence ou de la bienséance, ou bien qu’elle est honteuse, offensante, ou déshonorante.

Le Federal Circuit nota qu’une marque vulgaire est considérée comme scandaleuse par une jurisprudence bien établie, et la marque FUCT est l’équivalent phonétique du passé simple du verbe « fuck », un terme considéré comme vulgaire. Mr. Brunetti utilisait en outre la marque sur des vêtements représentant des scènes sexuelles, ne laissant aucun doute quant à la signification de la marque.

La cour fédérale appliqua ensuite un raisonnement similaire à celui utilisé par la Cour Suprême dans l’affaire des Slants : le Premier Amendement protège les discours commerciaux, une marque est un discours commercial, elle ne peut par conséquent être interdite par une loi sauf si le gouvernement peut prouver que limiter ce discours est nécessaire.

La Cour Suprême avait utilisé dans l’affaire THE SLANTS le strict scrutiny test, le « test de l’examen rigoureux », le plus difficile à prouver. La Cour Suprême avait choisi ce test parce que les marques ont « souvent un contenu expressif » et ne sont pas de simples discours commerciaux, qui ne sont pas protégés de manière absolue par le Premier Amendement.

Le gouvernement avait concédé que ce test ne devait pas s’appliquer en l’espèce, et le Federal Circuit utilisa l’intermediate scrutiny test, le « test de l’examen intermédiaire », appliqué aux discours commerciaux. La Cour conclut que le gouvernement n’a pas d’intérêt à protéger le public contre les marques scandaleuses.

Le Federal Circuit nota que les marques scandaleuses peuvent servir des causes louables, telles les marques « FUCK CANCER » ou « FUCK RACISM », mais pas toutes, et que la marque FUCT était apposée sur des produits dégradants pour les femmes.

La cour admit que l’utilisation de marques scandaleuses dans le commerce la rend « inconfortable » et qu’elle ne souhaite pas leur prolifération. Peu importe pour le Premier Amendement, dont la force est d’autoriser tous les discours sans juger de leur valeur.

Marie-Andrée Weiss
Avocat au barreau de Strasbourg et de New York, Cabinet Fidal Strasbourg, http://www.fidal.com

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