Rattrapage salarial au retour d’un congé maternité : l’employeur doit respecter la loi.

Par Virginie Morgand, Juriste.

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Explorer : # Égalité salariale # congé maternité # rattrapage salarial # droits des femmes

A l’heure où les inégalités salariales sont un combat pour le gouvernement français avec un plan d’action annoncé par la ministre du Travail pour les éradiquer, l’arrêt du 14 février 2018 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation doit retenir l’attention (Cass. soc. 14 février 2018, n°16-25323).

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La loi n°2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes a été votée pour mettre en place des dispositions pour réduire les inégalités salariales selon trois objectifs :

  • aboutir à la suppression des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes dans les 5 ans à venir ;
  • accélérer l’accès des femmes et des jeunes filles à la formation professionnelle et à l’apprentissage en incitant les partenaires du secteur à promouvoir la mixité ;
  • concilier vie professionnelle et vie familiale en renforçant notamment les droits des femmes en congé de maternité.

C’est ce dernier objectif qui est au centre de l’arrêt du 14 février 2018.

En effet, la loi du 23 mars 2006 vient protéger la femme en congé maternité par l’article L. 1225-26 du Code du travail, qui dispose qu’une salariée de retour d’un congé maternité ou d’adoption a droit aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues ou décidées pendant la durée de son congé par des salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise.

Cette disposition assure la protection de la carrière professionnelle d’une femme à son retour d’un congé maternité ou d’adoption car ce dernier est un point de rupture dans le déroulement de la carrière des femmes en termes d’évolution professionnelle en ce qui concerne les augmentations salariales. De ce fait, la loi a instauré un mécanisme de rattrapage salarial afin qu’elles ne puissent pas perdre lesdits avantages.

Ainsi, le 14 février 2018, dans un arrêt de principe, la chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L.1225-26 du Code du travail au motif que l’employeur ne peut remplacer une augmentation de salaire, due en vertu de la loi, à la salariée à son retour de congé de maternité par le versement d’une prime exceptionnelle.

En l’espèce, une salariée était engagée le 28 août 2006 en qualité de chargée de communication. Cette dernière décidait de prendre un congé maternité en 2008. A son retour de congé, la salariée demandait à bénéficier de la garantie d’évolution salariale due en application de l’article L. 1225-26 du Code du travail. Son employeur lui versait alors une prime exceptionnelle de 400 euros en remplacement de ladite augmentation de salaire.

La salariée saisissait la juridiction prud’homale afin d’obtenir l’augmentation de salaire dont l’ensemble des salariés ont bénéficié.

La cour d’appel, comme le conseil de prud’hommes, rejetait les prétentions de la salariée. Selon les juges du fond, la salariée avait sciemment accepté dans un courriel de percevoir cette augmentation sous la forme d’une prime exceptionnelle. Ne constatant pas l’invocation d’un vice de consentement pouvant emporter inexécution de cette obligation, ils jugeaient que l’employeur avait satisfait à ses obligations contractuelles.

La Cour de cassation refuse cette interprétation et sanctionne les juges du fond pour violation de la loi au visa de l’article L. 1225-26 du Code du travail. Cette règle est d’ordre public et il ne peut y être dérogé. Dès lors, un accord convenu entre les parties ne peut qu’être entaché de nullité.

Pour justifier que cette garantie de rattrapage salarial est d’ordre public, la Haute juridiction se fonde sur l’article 2 § 7, alinéa 2 de la directive 76/207/CEE du 9 février 1976 devenu l’article 15 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail :
« Une femme en congé de maternité a le droit, au terme de ce congé, de retrouver son emploi ou un emploi équivalent à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables et de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle elle aurait eu droit durant son absence »

En conséquence, au retour du congé maternité d’une salariée, l’employeur doit verser à cette dernière les augmentations de salaires perçues par l’ensemble des salariés de l’entreprise pendant sa période de congé maternité. Il ne peut en aucun cas remplacer cette augmentation par le versement d’une prime exceptionnelle.

Antérieurement, la Cour de cassation avait déjà refusé le versement de primes pour le paiement des heures supplémentaires en ces termes : « le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d’une part, doivent s’exécuter dans le cadre d’un contingent annuel et, d’autre part, ouvrent droit à un repos compensateur » (Cass. soc. 15 mars 2017, n°15-25102).

La portée de cet arrêt est considérable car, pour la première fois, la Haute juridiction se prononce sur l’octroi d’une garantie d’évolution salariale au retour d’un congé maternité d’une salariée. Cette solution trouve sa force par l’application des dispositions européennes pour préciser le caractère d’ordre public des dispositions de l’article L.1225-26 du Code du travail.

Virginie MORGAND, Juriste Droit Social

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