La garantie d’évolution de la rémunération d’une salariée au retour de son congé maternité.

Par Laura Chambon, Juriste.

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Explorer : # congé maternité # Égalité salariale # droit du travail # réintégration professionnelle

Les dispositions de l’article L. 1225-26 du Code du travail prévoyant une garantie d’évolution de la rémunération de la salariée à son retour de congé maternité sont d’ordre public. Par conséquent, l’employeur ne peut pas y déroger en octroyant à la salariée une prime exceptionnelle en lieu et place du bénéfice de l’augmentation générale accordée durant son congé maternité.

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Chambre sociale, 14 février 2018, n°16-25.323 : Attendu, selon le texte susvisé, qu’en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise ; qu’il ne peut être dérogé à ces dispositions d’ordre public qui mettent en œuvre les exigences découlant de l’article 2 § 7, 2ème alinéa de la directive 76/207/CEE du 9 février 1976 devenu l’article 15 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail ; Qu’en statuant ainsi après avoir relevé que l’employeur avait remplacé l’augmentation de salaire due en vertu de la loi à la salariée à son retour de congé de maternité par le versement d’une prime exceptionnelle, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ».

En l’espèce, une salariée fait l’objet d’une réintégration sur son poste de travail à la suite de son retour de congé maternité. Durant son congé maternité, une augmentation de 2,2% des salaires a été accordée au personnel. La salariée demande donc à bénéficier de cette augmentation.
L’employeur ne lui accorde pas cette augmentation mais lui octroi en contrepartie, une prime exceptionnelle d’un montant de 400 euros.

La salariée saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur et afin d’obtenir également, le bénéfice des augmentations de salaire intervenues durant son congé maternité.

Les juges du fond déboutent la salariée de ses demandes, considérant que cette dernière avait en réalité bénéficié de l’augmentation au travers d’une prime exceptionnelle. Les juges du fond considèrent également qu’à cette occasion, la salariée n’allègue pas que son consentement aurait été vicié.

La salariée forme un pourvoi en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 février 2018 (n°16-26.323) casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. La Cour considère en effet que l’article L. 1225-26 du Code du travail prévoyant une garantie d’évolution de la rémunération de la salariée à son retour de congé maternité est d’ordre public. Par conséquent, il n’est pas possible de déroger aux dispositions prévues par cet article. Ainsi, il n’était pas possible de considérer que l’employeur avait respecté son obligation de garantie d’évolution de la rémunération de la salariée à son retour de congé maternité en remplaçant l’augmentation de salaire par une prime exceptionnelle. La Cour considère également que le manquement de l’employeur était en l’espèce, suffisamment grave et rendait impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur devait être prononcée.

A l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente (C. trav. Art. L. 1225-25).

La salariée qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité a droit à l’entretien professionnel (C. trav. Art. L. 1225-27).

De même, la salariée qui reprend son activité bénéficie d’un examen médical de reprise, pratiqué par le médecin du travail à la demande de l’employeur.

Réintégration du salarié sur son poste de travail :

A l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi assorti d’une rémunération équivalente.

Si celui-ci n’existe plus ou n’est plus vacant, il doit être réintégré dans un emploi similaire (Cass. soc. 4-12-1986 n° 83-44.549).

Par un emploi similaire on doit comprendre un emploi n’entraînant pas de modification de son contrat de travail et correspondant à sa classification (Cass. soc. 1-2-2012 n° 10-20.906).

Garantie de rémunération :

L’article L. 1225-26 du Code du travail dispose la rémunération de la salariée est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise.

Cet article s’applique en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles prévues par l’article L. 1225-26 du Code du travail.
Ainsi, si un accord collectif prévoit des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé maternité plus favorables, ce sont ces stipulations qui s’appliquent.

Cette garantie d’évolution de rémunération consiste à majorer la rémunération, c’est-à-dire, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée du congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle, c’est-à-dire ayant le même coefficient pour le même type d’emploi (Circ. 19-4-2007) ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise.

Les salariés n’ayant pas eu d’augmentation sont inclus dans le calcul de la moyenne (Circ. 19-4-2007).

Le dispositif légal de rattrapage salarial instauré par la loi au bénéfice des salariées reprenant le travail après un congé de maternité est d’ordre public, c’est-à-dire qu’il ne peut y être dérogé par accord.

Par conséquent, et comme il en ressort de l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 14 février 2018 (n°16-25.232), l’employeur ne peut pas s’exonérer de cette obligation en versant une prime à la salariée à son retour de congé maternité.

La Cour de cassation apporte une seconde précision dans l’arrêt du 14 février 2018. En effet, en considérant que l’employeur ne peut pas remplacer l’augmentation de salaire due en application de l’article L. 1225-26 du Code du travail par une prime exceptionnelle, elle affirme que le rattrapage vise obligatoirement la rémunération du salarié.

Par mesure de sécurité, il est conseillé à l’employeur ayant procédé à la garantie d’évolution de la rémunération de la salariée à son retour de congé maternité d’attester de cette augmentation dans un écrit qui sera transmis à la salariée.

A défaut d’une telle preuve, il lui sera difficile de prouver, en cas de litige, que l’augmentation de salaire qu’il lui a accordée, résultait bien de l’application de la garantie.

Tel a été le cas pour exemple, d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Rouen au sein duquel la Cour a considéré qu’il n’était pas établi que la hausse de salaire, acté par les bulletins de paie de la salariée, correspondait à l’application de la garantie d’évolution de la rémunération en application de l’article L. 1225-26 du Code du travail (CA Rouen 11-1-2011 n° 10/01606).

Source : Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2018, n°16-25.323.

Laura Chambon
Juriste droit social SL CONSULTING CONSILIUM
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  • par Nad , Le 22 avril 2020 à 20:37

    Bonjour à vous,

    Je suis éducatrice spécialisée en Institut Médico Éducatif auprès d’enfants autistes convention collective 66, je suis actuellement en congé maternité, ma question est la suivante j’aurais du changer de coefficient en décembre 2019 pendant mon congé maternité mais celà n’a pas été fait, est ce normal ? Comment puis je le signifier à mon employeur qui à ce jour n’a répondu à aucune de mes questions

    Merci par avance pour votre réponse.

  • par Marie , Le 28 février 2019 à 02:58

    Bonjour,

    qu’en est il si pendant l’absence de la salariée en congé maternité, aucune augmentation n’a eu lieu auprès des collaborateurs mais qu’apres son retour les collaborateurs bénéficient d’augmentations individuelles rétroactives sur la période d’absence de ladite salariée ?
    doit elle bénéficier de la moyenne de ces augmentations ?

    merci

    Marie

  • par Anonyme , Le 5 avril 2018 à 16:26

    Bonjour,

    Pouvez-vous m’indiquer comment cela doit fonctionner dans mon cas :
    - mon anniversaire d’embauche était en début d’année et j’ai fait mon entretien annuel. Dans ma société il faut attendre un comité, qui n’a lieu qu’après fin des négociations annuelles groupe, pour pouvoir avoir une éventuelle augmentation. Ce comité n’a lieu que vers mars-avril au mieux. Du coup, si on a une augmentation, elle est bien sur rétroactive à la date anniversaire
    - je suis partie en congés maternité courant mai (n’ayant toujours pas de nouvelles pour une éventuelle augmentation)
    - courant juin j’ai appris que suite au comité carrière ayant eu lieu en mai (sur la base de mon entretien annuel de janvier) j’avais une augmentation de X%
    - j’ai repris le travail en octobre de la même année.

    Est-ce que j’aurai du avoir une augmentation ? ou est-ce que si le pourcentage qui m’a été "accordé" est supérieur à celui de l’éventuel rattrapage je n’ai droit à rien ?
    Merci d’avance

  • Dernière réponse : 13 mars 2018 à 08:40
    par JFC , Le 12 mars 2018 à 14:24

    Bonjour,

    quels sont les recours en cas de discrimination salariale ?

    Par ailleurs, si une femme revenant de congé maternité obtient une note négative suite à son entretien annuel et/ou ne perçoit pas ses primes sur objectif à cause de ce congé maternité est-ce illégal ? ou calculé au pro rata de son temps d absence ?

    Merci bien

    • par Laura Chambon, Juriste droit social, SL Consulting Consilium , Le 13 mars 2018 à 08:40

      Bonjour,
      Si vous pensez qu’une situation est susceptible de constituer une discrimination, vous pouvez saisir l’inspection du travail ou encore, si vous avez des Délégués du personnel dans votre entreprise, sachez que ces derniers disposent d’un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des salariés et à leurs libertés individuelles.
      De même, vous pouvez également saisir le Défenseur des droits qui est une autorité institutionnelle indépendante.
      Enfin, vous disposez d’un recours contentieux en saisissant le Conseil de Prud’hommes d’une demande en réparation du préjudice subi du fait d’une discrimination. Il suffira dans ce cas, de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

      Bien évidemment, toute action en lien avec l’état de grossesse ou la maternité d’une salariée constitue une discrimination. Par conséquent, s’il s’avère que la note négative à un entretien annuel ou la non-perception d’une prime est motivée totalement ou partiellement par la maternité de la salariée, cela constitue une discrimination.

      En revanche, la prime calculée au prorata du temps de présence nécessite une analyse particulière puisqu’il n’est pas exclu que certains salariés absents de l’entreprise se voit écarter de l’attribution d’une prime ou bénéficient d’un montant minoré en raison de leurs absences. Tout dépend ici, de la rédaction de la source (accord, engagement unilatéral de l’employeur, etc.) qui institue cette prime.

      Attention toutefois, le critère de l’absence ou de la présence effective peut être pris en compte si et seulement si toutes les absences qui ne sont pas assimilées à du temps de travail effectif pour tous les droits du salarié par la Loi sont également prises en compte pour minorer le montant de la prime ou exclure certains salariés de son bénéfice.

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