L’instauration de la procédure de traitement de sortie de crise.
Dans le contexte sanitaire dont chacun se souvient, la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire a alors instauré, en son article 13, une procédure dite de « traitement de sortie de crise » pour les entreprises en difficulté.
Cette nouvelle procédure collective, issue d’un amendement gouvernemental, était destinée aux « petites entreprises en cessation de paiements mais qui fonctionnaient dans des conditions satisfaisantes avant la crise », avec pour objectif de « leur permettre de rebondir rapidement grâce à une restructuration de leur dette » [1].
L’objectif central était de traiter les difficultés causées ou accentuées par la pandémie de la Covid-19, excluant ainsi son application aux entreprises confrontées à des problèmes structurels majeurs impliquant, entre autres, des licenciements économiques.
Cette procédure simplifiée, dont les contours ont été définis par deux Décrets [2], était entrée en vigueur le 18 octobre 2021 et devait s’appliquera initialement jusqu’au 1er juin 2023.
En la remettant en place, la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 permet désormais la mise en œuvre de celle-ci jusqu’au 21 novembre 2025 inclus.
Conditions d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise.
A qui s’adresse la procédure de traitement de sortie de crise ?
La procédure de traitement de sortie de crise s’adresse aux entreprises individuelles, incluant les micro-entreprises, exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Elle concerne également les sociétés et les associations.
Cette procédure est restreinte aux débiteurs respectant deux critères cumulatifs :
- Le nombre de salariés doit être inférieur à vingt. Le nombre de salariés à prendre en compte est le nombre de salariés employés par le débiteur à la date de la demande d’ouverture de la procédure
- Le bilan doit être inférieur à 3 000 000 euros de total du passif, hors capitaux propres. Ce critère s’apprécie à la date de clôture du dernier exercice comptable.
En outre, le débiteur doit disposer de comptes apparaissant réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise.
Le débiteur doit être en état de cessation des paiements, toutefois il doit disposer des fonds disponibles pour payer les créances salariales.
Enfin, il doit justifier être en mesure d’élaborer un projet de plan de continuation dans un délai de 3 mois.
Ouverture de procédure de traitement de sortie de crise.
La demande d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise ne peut émaner que du chef d’entreprise. Elle est déposée au greffe du tribunal de commerce (pour les activités commerciales et artisanales) ou tribunal judiciaire (pour les activités agricoles, libérales et civiles) selon les cas.
La demande d’ouverture doit être accompagnée de quinze pièces signées et certifiées sincères et véritables par le débiteur, dont la liste est fixée par Décret [3], et notamment :
- Les comptes annuels du dernier exercice
- L’état du passif exigible et de l’actif disponible ainsi qu’une déclaration de cessation des paiements
- Une situation de trésorerie
- Un compte de résultat prévisionnel
- La justification du paiement des créances salariales
- L’état chiffré des créances et des dettes.
Dans le cas où l’une ou l’autre des pièces ne peut être fournie ou ne peut l’être qu’incomplètement, la demande indique les motifs qui empêchent cette production.
La demande d’ouverture doit comprendre les modalités d’établissement de l’inventaire : soit le débiteur s’engage à l’établir, soit il demande à en être dispensé, soit il sollicite la désignation d’un officier public ou d’un courtier de marchandises assermenté pour y procéder.
L’ouverture de la procédure est examinée en présence du ministère public.
Lorsqu’il apparaît que le débiteur ne remplit pas les conditions requises pour l’ouverture d’une procédure de traitement de sortie de crise, le tribunal rejette la demande.
S’il fait droit à la demande, le tribunal désigne un seul organe, un « mandataire », qui peut être un administrateur judiciaire ou un mandataire judiciaire. Le tribunal a la possibilité, « par décision spécialement motivée », de désigner une autre personne.
Déroulement de la procédure de traitement de sortie de crise.
Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée de trois mois maximum. Au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes.
La période d’observation suit les dispositions des articles L631-1 et suivants du Code de commerce. Cela implique notamment la suspension des actions individuelles des créanciers visant le paiement de sommes d’argent et des actions en résiliation basées sur le défaut de paiement.
Lorsque les comptes du débiteur n’ont pas été certifiés par un commissaire aux comptes, ou établis par un expert-comptable, le tribunal peut désigner un administrateur judiciaire, un mandataire judiciaire, un expert, un commissaire aux comptes ou un expert-comptable, dont il détermine la rémunération et dont la mission sera de contrôler la qualité des comptes ou le respect des obligations relatives aux créances salariales.
Dans les dix jours du jugement d’ouverture, le débiteur établit la liste des créanciers identifiés dans ses documents comptables ou avec lesquels il est lié par un engagement dont il peut justifier l’existence. Il n’y a donc pas de déclaration de créance comme pour les procédures collectives classiques. Le mandataire désigné vérifie la conformité de la liste aux documents comptables de l’entreprise.
Lorsqu’une créance n’a pas été mentionnée sur la liste et est portée à sa connaissance, le mandataire informe le créancier, s’il peut être identifié, par lettre simple de l’ouverture de la procédure et l’invite à préciser les caractéristiques de sa créance.
Lorsqu’une ou plusieurs créances omises sont de nature à remettre en cause la qualité des comptes du débiteur ou à compromettre l’exécution d’un plan de traitement de sortie de crise, le mandataire en informe sans délai le juge-commissaire.
Sous huit jours, le mandataire désigné communique aux créanciers les informations relatives à leurs créances. Dans un délai d’un mois [4], les créanciers peuvent faire connaître au mandataire leur demande d’actualisation des créances mentionnées ou toute contestation sur le montant et l’existence de ces créances. Le juge-commissaire statuera alors sur la créance.
Le mandataire établit la liste des créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant la procédure, dont il a connaissance.
Élaboration du plan.
Le débiteur prépare son plan avec l’assistance du mandataire désigné et le présente au tribunal.
La durée du plan est fixée par le tribunal. Classiquement, elle ne peut excéder dix ans. Lorsque le débiteur est une personne exerçant une activité agricole, elle ne peut excéder quinze ans.
Les règles sont celles applicables au plan de sauvegarde avec, toutefois, quelques particularités :
- Le plan ne peut comporter de dispositions relatives à l’emploi que le débiteur ne pourrait financer immédiatement. En conséquence, si le plan peut prévoir des licenciements, les conséquences financières en résultant devront être supportées par le débiteur. L’AGS n’intervient pas dans cette procédure
- Le montant des annuités prévues par le plan à compter de la troisième ne peut être inférieur à 8% du passif établi par le débiteur
- Le plan ne peut affecter que les créances nées antérieurement à l’ouverture de la procédure et mentionnées sur la liste établie par le débiteur. Les créances non mentionnées sur cette liste doivent donc être payées sans délai particulier, après l’adoption du plan
- Il peut affecter les créances nées d’un contrat de travail, les créances alimentaires, les créances d’origine délictuelle, ni celles d’un montant inférieur à 500 euros.
La consultation des créanciers aura lieu selon les règles classiques de consultation individuelle des créanciers [5].
Fin de la procédure.
Le tribunal peut être saisi à tout moment pour statuer sur le projet de plan et adopter celui-ci, permettant une issue positive à la procédure.
Dans des cas inverses, le ministère public peut saisir le tribunal à l’effet de mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise s’il apparaît que le débiteur ne sera pas en mesure de proposer un plan dans le délai de trois mois. Le tribunal peut également être saisi aux mêmes fins par le mandataire désigné ou le débiteur.
De même, lorsque le délai de trois mois prévu pour la période d’observation est écoulé, le tribunal doit mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise si aucun plan n’a été arrêté.
Dans ces cas, le tribunal ouvre alors, sur requête de l’entreprise, du mandataire ou du ministère public, une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire si les conditions sont réunies. Il n’y a pas conversion de procédure, mais bien ouverture d’une nouvelle procédure.
Discussions en cours :
Bonsoir,
‘Est-ce que, comme dans le cas d’un redressement, un nouveau compte bancaire doit être ouvert ? Dans le cas d’un rj il me semble que le compte courant de l’entreprise est figé / bloqué durant toute la période d’observation ? Est-ce pareil dans cette procédure ?
Excellent article synthétique et éclairant.
Je vous remercie pour votre retour.
Nicolas Milinkiewicz
Merci pour cet article très éclairant !
Muriel ASSULINE
Avocat au Barreau de Paris
Je vous remercie pour retour Consœur.
Nicolas Milinkiewicz