Référé précontractuel : pas de contrôle de la compétence de la collectivité qui lance la procédure.

Par Sébastien Palmier, Avocat.

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Explorer : # référé précontractuel # compétence de l'acheteur public # validité de la signature du contrat

Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la compétence de l’acheteur public qui lance la procédure !

CE 9 juin 2020, Métropole Nice-Côte d’Azur, req. n°436922.

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Dans cette affaire, le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence selon laquelle il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la compétence de l’acheteur public qui lance la procédure. La seule circonstance que la procédure de passation du contrat est engagée et conduite par une personne publique qui n’est pas encore compétente pour le signer n’emporte pas l’irrégularité de la procédure de passation de la procédure est irrégulière.

Enseignement n°1 : Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la compétence de l’acheteur public qui lance la procédure.

Dans un arrêt du 30 juin 1999, Demathieu et Bard, n°198993, le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de rappeler que le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour vérifier si l’acheteur public est effectivement compétent pour signer le contrat : « que si la S.A. Demathieu et Bard soutient que le marché a été signé par une collectivité publique incompétente en matière d’investissements routiers, il n’appartient pas au juge, statuant sur le fondement de l’article L22 précité, de contrôler la compétence de la collectivité publique au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée ».

Dans un arrêt du 19 novembre 2004, n°266975, Commune d’Auxerre c/ Société Saur France, le Conseil d’Etat a confirmé sa jurisprudence en rappelant que le moyen tiré de l’incompétence de la collectivité publique pour signer le contrat est inopérant devant le juge du référé précontractuel : « Considérant que, si la société Saur France soutient que la délégation a été signée par une collectivité publique désormais incompétente en matière de traitement et d’épuration des eaux usées, il n’appartient pas au juge, statuant sur le fondement de l’article L551-1 du Code de justice administrative, de contrôler la compétence de la collectivité publique au regard de l’objet de la délégation dont la passation est engagée ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence de la Commune d’Auxerre est inopérant et ne peut qu’être écarté ».

Dans son arrêt du 9 juin 2020, le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence en indiquant qu’il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler si, au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin. Plus précisément, le Conseil d’Etat considère que le juge du référé précontractuel ne saurait déduire de la seule circonstance que la procédure de passation du contrat est engagée et conduite par une personne publique qui n’est pas encore compétente pour le signer que cette procédure est irrégulière.

En effet, lorsqu’une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l’exécution d’un contrat de la commande publique, notamment parce qu’elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu’une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu’elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le conclure.

Il appartient seulement à la personne publique de faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu’après qu’elle sera devenue compétente à cette fin. Une personne publique peut par ailleurs signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l’absence de vice propre, entachée d’irrégularité.

Enseignement n°2 : Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la validité de la signature du contrat.

Dans un arrêt du 27 mars 2006, SA Les Compagnons paveurs, n°282035, le Conseil d’Etat a rappelé que le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour contrôler la validité de la signature d’un marché public : « Considérant qu’en vertu de ces dispositions, la Société Les Compagnons Paveurs a demandé au magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier d’enjoindre à la ville de Nîmes de refaire une nouvelle procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation, dans le cadre du réaménagement de l’espace public Arènes-Esplanade-Feuchères, du marché portant sur le lot n° 2 pour la fourniture et l’exécution de travaux de dallage, béton, revêtement pierre, mobilier urbain et serrurerie ; qu’il résulte de l’instruction qu’après le rejet de cette demande par une ordonnance en date du 7 juin 2005, la ville de Nîmes a achevé la procédure de passation du contrat qui a été signé le 5 juillet 2005 ; qu’il n’appartient pas au juge des référés, saisi en application des dispositions précitées de l’article L551-1 du Code de justice administrative, de contrôler la validité d’une telle signature ; que si la société requérante soutient que d’une part, le marché comporterait des contradictions sur la date de sa signature et sur le montant des travaux et que d’autre part, les pages de l’acte d’engagement n’auraient pas été paraphées par les parties, ces circonstances, à les supposer établies, ne suffisent pas à faire regarder la signature du contrat comme inexistante ».

En conséquence, le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour rechercher si le signataire d’un contrat justifie d’une qualité pour le signer [1]. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a en effet considéré que : « Considérant [……….] que si la société Campenon Bernard SGE soutient que ni le représentant de l’administration ni celui des entreprises cosignataires n’avaient qualité ni reçu délégation pour signer ce marché, il n’appartient pas au juge, statuant sur le fondement de l’article L22 précité, de contrôler la validité de la signature du contrat en cause ».

Enseignement n°3 : Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler le respect par un établissement public du principe de spécialité.

Dans un arrêt du 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la côte d’Amour et de la presqu’île guérandaise, n°209319, le Conseil d’Etat a également eu l’occasion de préciser que le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour contrôler le respect, par le pouvoir adjudicateur, du principe de spécialité s’agissant d’un établissement public : «  Considérant toutefois qu’il n’appartient pas au juge, statuant sur le fondement de l’article L22 précité, de contrôler le respect, par un syndicat intercommunal à vocation multiple soumis aux dispositions de l’article L1411-1 du Code général des collectivités territoriales, du principe de spécialité des établissements publics mais le seul respect des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles cet établissement est soumis ; qu’ainsi, en se fondant sur la seule circonstance que la commission de délégation avait été amenée à porter une appréciation sur des offres dont le contenu répondait à une variante méconnaissant le principe de spécialité des établissements public, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a entaché son ordonnance d’une erreur de droit  ».

CE 9 juin 2020, Métropole Nice-Côte d’Azur, req. n°436922 [2].

Considérant ce qui suit :

« 4. Il incombe au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L551-1 du Code de justice administrative, d’apprécier si ont été commis des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles d’avoir lésé ou ont risqué de léser, fût-ce de façon indirecte, l’entreprise qui le saisit. Il ne lui appartient pas de contrôler si, au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin.

5. Le juge du référé précontractuel ne saurait davantage déduire de la seule circonstance que la procédure de passation du contrat est engagée et conduite par une personne publique qui n’est pas encore compétente pour le signer que cette procédure est irrégulière, au motif notamment, s’agissant d’une délégation de service public, que la commission de délégation de service public qui a procédé à l’appréciation des offres serait nécessairement, dans une telle hypothèse, irrégulièrement composée et que la procédure de passation serait nécessairement conduite par une autorité qui n’est pas habilitée à cette fin. En effet, lorsqu’une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l’exécution d’un contrat de la commande publique, notamment parce qu’elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu’une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu’elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le conclure. Il en va notamment ainsi lorsque le contrat en cause a pour objet la gestion d’un service public. Il appartient seulement à la personne publique de faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu’après qu’elle sera devenue compétente à cette fin. Une personne publique peut par ailleurs signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l’absence de vice propre, entachée d’irrégularité ».

Me Sébastien PALMIER-Spécialiste en Droit Public
Cabinet Palmier & Associés- Experts en marchés publics
http://www.sebastien-palmier-avocat.com

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Notes de l'article:

[1CE 8 février 1999, Sté Campenon Bernard SGE, n°188100.

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