Revirement : pas de réparation du déficit fonctionnel permanent par la rente accident du travail.

Par Gérard Daumas, Avocat.

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Explorer : # indemnisation # faute inexcusable # déficit fonctionnel permanent

Par deux arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation en Assemblée plénière opère un revirement de jurisprudence et affirme que la rente accident du travail ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

La conséquence pratique ? La victime d’une faute inexcusable de l’employeur n’aura plus à prouver l’absence d’indemnisation du déficit fonctionnel permanent pour obtenir une réparation complémentaire pour les souffrances physiques et morales endurées après consolidation.

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Les faits.

Les faits sont les suivants : deux salariés décèdent d’un cancer des poumons à la suite de l’inhalation de poussière d’amiante dans leur cadre professionnel. Les ayants droit saisissent la juridiction sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Dans les deux affaires, les juges en appel concluent à l’existence de la faute, cependant le champ de l’indemnisation diverge. Dans la première affaire, la Cour d’appel de Nancy considère qu’en plus de la rente accident du travail, les souffrances physiques et morales doivent être indemnisées (indépendamment de la réparation du déficit fonctionnel permanent).

Dans la seconde affaire, les juges raisonnent à l’inverse et appliquent la position constante de la Cour de cassation. De fait, seule la rente peut être versée à titre d’indemnisation (les indemnités complémentaires liées aux souffrance physique et morales étant déjà indemnisées par la rente elle-même au titre du déficit fonctionnel permanent).

Au regard des positions divergentes, la Cour de cassation s’est rassemblée en Assemblée plénière pour préciser le périmètre d’indemnisation de la rente accident de travail (prévue aux articles L434-1 et 434-2 du code de la sécurité sociale) et celui de l’indemnisation complémentaire issue de la faute inexcusable (L452-1 CSS). L’exclusion expresse du déficit fonctionnel permanent (DFP) de la rente AT, permet une indemnisation plus facile en pratique.

Avant les deux arrêts susmentionnés, la rente accident de travail invoquée devant la juridiction de la sécurité sociale prenait en charge :

Les conséquences professionnelles de l’incapacité : qui comprennent l’incidence professionnelle (IP) et/ou les pertes de gains professionnels.
Les conséquences personnelles de l’incapacité : qui comprenaient le déficit fonctionnel permanent (comprenant les souffrances physiques et morales).
Par ailleurs, en présence d’une faute inexcusable de l’employeur les victimes pouvaient obtenir l’indemnisation des souffrances physiques et morales endurées après consolidation subordonnées à un double preuve à la charge de la victime. Elle devait prouver en sus de la faute, l’absence d’indemnisation de ces mêmes postes par la rente au titre du déficit permanent fonctionnel (aux fins d’éviter une double indemnisation).

Il est à préciser que dans ce cadre l’indemnisation issue du déficit fonctionnel permanent venait s’imputer sur les sommes allouées au titre de l’IP ou la perte de gains professionnels. Ainsi, seules les personnes avec des revenus élevés n’obtenaient pas de sommes au titre du DFP, et pouvaient par conséquent se prévaloir de l’indemnisation complémentaire en présence d’une faute de l’employeur.

Depuis les deux arrêts du 20 janvier 2023, les juges énoncent clairement que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. De fait, l’objet de son indemnisation ne concerne que la sphère professionnelle.

L’indemnisation des souffrances physiques et morales (sphère personnelle) en présence d’une faute inexcusable, devient alors automatique. Les victimes sont dispensées de fournir la preuve de l’absence d’indemnisation au titre du DPF.

Seule la preuve de la faute inexcusable de l’employeur pèse sur les victimes. Ce mécanisme fait tomber par la même occasion l’avantage octroyé aux personnes avec de plus gros revenus.

Avec ce revirement de jurisprudence, les juges de cassation s’alignent expressément avec la position du Conseil d’Etat sur la question de la réparation des préjudices subis par le salarié dans le cadre de sa vie professionnelle [1].

Le contentieux de l’indemnisation est un domaine très rigoureux compte tenu des nombreux postes de préjudice réparables et leur rapide évolution.

Gérard Daumas,
Avocat au Barreau de Marseille
Cabinet Daumas Wilson

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Notes de l'article:

[1Conseil d’État - 5ème / 4ème SSR 23 décembre 2015 / n° 374628.

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