Le devoir de conseil impose au courtier non seulement de présenter les caractéristiques des contrats d’assurance, mais aussi de les adapter aux besoins spécifiques de chaque client. Ce devoir, consacré par l’article L521-4 du Code des assurances, englobe une analyse personnalisée de la situation de l’assuré, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel. Il ne s’agit pas uniquement de remettre des documents contractuels ou des informations générales ; le courtier doit également s’assurer que l’assuré comprend les risques auxquels il est exposé, les garanties offertes par les contrats qu’il envisage de souscrire, ainsi que les exclusions éventuelles qui peuvent limiter ou annuler ces garanties. Ce devoir de conseil est primordial, car il permet à l’assuré de prendre des décisions éclairées.
Le devoir de conseil du courtier : un cadre strict sous haute surveillance.
Le devoir de conseil du courtier est une obligation qui a pris une importance essentielle dans la relation entre l’assuré et son intermédiaire en assurance. Ce devoir est encadré de manière stricte par le Code des assurances et renforcé par une jurisprudence constante, qui en précise les contours et les implications. Il ne se limite pas à une simple transmission d’informations sur les produits d’assurance (devoir d’information). Le courtier doit, au contraire, adapter son conseil à la situation particulière de chaque client, en tenant compte de ses besoins spécifiques, de son profil et de ses attentes (devoir de conseil).
L’article L521-4 du Code des assurances énonce clairement que le courtier doit fournir des informations exactes, précises et adaptées. Cela signifie que le conseil ne doit pas être générique, mais personnalisé. Il s’agit pour le courtier d’étudier minutieusement la situation personnelle et professionnelle de son client afin de lui proposer le contrat d’assurance qui répond le mieux à ses besoins réels. Cette obligation va au-delà de la simple description des caractéristiques techniques des produits, telles que le montant des primes ou la couverture des risques. Le courtier doit s’assurer que l’assuré comprend parfaitement les implications de son contrat, y compris les exclusions de garantie, les franchises et les obligations qui lui incombent, comme le paiement régulier des primes ou la déclaration rapide des sinistres.
Un manquement à ce devoir de conseil peut avoir des conséquences lourdes pour l’assuré, et le courtier peut alors voir sa responsabilité engagée. En effet, la jurisprudence rappelle fréquemment que le courtier doit non seulement conseiller son client, mais également le mettre en garde contre des risques spécifiques. La Cour de cassation a ainsi jugé à plusieurs reprises que le courtier qui se contente de présenter un produit sans évaluer si celui-ci est adapté aux besoins de l’assuré commet une faute. Dans un arrêt du 12 juillet 2005 (Cass. civ. 1ʳᵉ, n°03-14.913), la Cour de cassation a souligné l’obligation pour le courtier de s’assurer que le contrat souscrit correspond bien aux attentes de l’assuré. Dans cette affaire, la responsabilité du courtier avait été engagée parce qu’il n’avait pas alerté son client sur les conséquences d’une couverture inappropriée.
La question du devoir de conseil a été encore renforcée par la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a apporté des précisions importantes. Dans un arrêt du 29 septembre 2022, la CJUE [1] a élargi la définition de l’intermédiaire d’assurance, estimant qu’il suffit pour un professionnel de "participer à la création d’un contrat" pour être considéré comme un intermédiaire, même si son intervention est limitée. Cet arrêt a eu pour effet de renforcer le périmètre des obligations pesant sur les courtiers. Désormais, ceux-ci peuvent voir leur responsabilité engagée dès lors qu’ils participent à la formation du contrat, peu importe qu’ils aient eu un rôle secondaire ou qu’ils n’aient pas été directement impliqués dans la gestion du contrat au quotidien. Cette évolution souligne l’importance pour le courtier de veiller à bien conseiller son client, même lorsque son rôle semble limité à la phase de souscription.
En pratique, le devoir de conseil s’étend également à la capacité du courtier à s’adapter aux évolutions légales et réglementaires qui affectent le secteur de l’assurance. Avec l’entrée en vigueur de la Directive Distribution d’Assurances (DDA) en 2018, les obligations des courtiers en matière de conseil ont été renforcées. Cette directive, transposée en droit français, impose aux courtiers de formaliser par écrit les conseils qu’ils prodiguent à leurs clients. Ils doivent justifier de la manière dont ils ont identifié les besoins de l’assuré et expliquer pourquoi ils ont recommandé un produit particulier. Ce conseil écrit permet d’encadrer encore plus strictement les pratiques des courtiers, en augmentant leur responsabilité en cas de litige.
Par ailleurs, il est important de distinguer le devoir de conseil de l’obligation d’information. Cette dernière impose au courtier de fournir des informations objectives et complètes sur les caractéristiques du produit d’assurance, mais elle ne requiert pas une analyse spécifique des besoins du client. Le devoir de conseil, en revanche, est une obligation de moyen renforcée qui implique que le courtier propose un produit d’assurance adapté aux besoins spécifiques de son client, après une analyse personnalisée. La jurisprudence a souvent rappelé cette distinction essentielle.
Ainsi, l’obligation de conseil ne se limite pas à la phase de souscription du contrat. Le courtier doit rester vigilant tout au long de la relation contractuelle. Il lui incombe de suivre les évolutions de la situation de son client et de s’assurer que le contrat d’assurance reste adapté à ses besoins. Cela peut impliquer, par exemple, de proposer des modifications du contrat ou de suggérer de nouvelles garanties si les besoins du client changent (changement d’activité professionnelle, évolution familiale, nouveaux risques, etc.).
En conclusion, le devoir de conseil du courtier est une obligation complexe et exigeante, qui dépasse la simple délivrance d’informations. Le courtier doit être capable de personnaliser son conseil, de s’adapter aux besoins de chaque client et d’anticiper les risques. La jurisprudence récente, tant au niveau national qu’européen, montre que les juridictions sont de plus en plus attentives aux manquements des courtiers et n’hésitent pas à sanctionner les défauts de conseil. Pour l’assuré, il est donc essentiel de s’assurer que son courtier respecte pleinement ce devoir de conseil, faute de quoi il dispose de recours pour engager la responsabilité du courtier et obtenir réparation en cas de préjudice.