En effet, dans le cadre d’un plan de départs volontaires (PDV) assortissant un plan de sauvegarde de l’emploi, le motif économique de la rupture d’un commun accord du contrat de travail d’un salarié protégé n’a pas à être contrôlé par l’administration, dès lors que le salarié a accepté les conditions du plan de départs volontaires, qu’il soit protégé ou non.
I. Faits et procédure.
Dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi comportant un plan de départs volontaires, l’inspecteur du travail a autorisé la rupture d’un commun accord du contrat de travail d’un salarié protégé, après en avoir contrôlé le motif économique au regard du secteur économique de la dermatologie de prescription.
En opposition avec le contrôle du motif économique au regard d’une partie seulement de l’activité du groupe, et non de l’activité commune à tout le groupe, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant à l’indemnisation des préjudices subis.
Par jugement avant dire droit du 30 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Grasse a sursis à statuer jusqu’à ce que le tribunal administratif de Nice se prononce sur la légalité de la décision de l’inspecteur du travail, en tant qu’elle a retenu que le secteur d’activité du groupe auquel appartient la société était celui de la dermatologie de prescription en particulier.
Par jugement du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nice écarte le moyen tiré de l’illégalité de la décision de l’inspecteur du travail du 30 août 2018 au motif que le bien-fondé du motif économique est sans influence sur la légalité d’une décision de l’autorité administrative se prononçant sur une demande d’autorisation de la rupture d’un commun accord d’un contrat de travail dans le cadre d’un plan de départs volontaires assortissant un plan de sauvegarde de l’emploi homologué par l’administration.
C’est pourquoi, le salarié protégé se pourvoit en cassation sur le fondement de l’article L1233-3 alinéa 4 du Code du travail, qui précise que :
« Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude ».
II. Moyens.
En effet, le salarié protégé demandeur au pourvoi devant le Conseil d’État, considère, en application de l’article L1233-3 alinéa 4 du Code du travail, que lorsqu’une entreprise appartient à un groupe, son secteur d’activité doit être apprécié au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient.
Or, en l’espèce, le salarié relève que le secteur de la dermatologie de prescription qui a été retenu par l’inspecteur du travail afin de contrôler le bien-fondé du motif économique de la rupture d’un commun accord de son contrat de travail, ne correspond pas au secteur d’activité de l’ensemble des entreprises du groupe auquel appartient la société.
De plus, le salarié avance que ses fonctions représentatives lui confèrent une protection exceptionnelle selon laquelle il appartient à l’inspecteur du travail de rechercher sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si la situation de l’entreprise ou, le cas échéant, celle du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises, établies sur le territoire national, du groupe auquel elle appartient, justifie son licenciement en tant que salarié protégé.
III. Solution.
L’administration qui se prononce sur une demande d’autorisation de la rupture d’un commun accord d’un contrat de travail d’un salarié protégé, dans le cadre d’un plan de départs volontaires, doit-elle en contrôler le bien-fondé du motif économique ?
Le Conseil d’État répond par la négative sur le fondement des articles L1231-1, L1233-2, L1233-3 et L1257-2 du Code du travail.
Tout d’abord, en application des articles L1231-1, L1233-2, L1233-3, le Conseil d’État souligne que face à une rupture conventionnelle ou bien, à une rupture d’un commun accord s’inscrivant de manière plus large au sein d’un accord collectif, l’appréciation de la cause économique du licenciement est exclue, ainsi que, par extension, la caractérisation du secteur d’activité.
De même, au regard de l’article L1257-1 du Code du travail, le Conseil d’État considère que la vérification du bien-fondé du motif économique du projet de licenciement collectif n’incombe pas à l’administration, mais seulement au juge du licenciement.
Enfin, s’il appartient à l’inspecteur du travail de rechercher si la situation du secteur d’activité justifie le licenciement du salarié protégé dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, tel n’est pas le cas dans le cadre d’une rupture de la relation de travail procédant de l’accord du salarié et de l’employeur, quand bien même le salarié serait protégé.
Par conséquent, le Conseil d’État considère que le bien-fondé du motif économique est sans influence sur la légalité d’une décision de l’autorité administrative qui se prononce sur une demande d’autorisation de la rupture d’un commun accord d’un contrat de travail dans le cadre d’un plan de départs volontaires assortissant un plan de sauvegarde de l’emploi homologué par l’administration, tout comme le statut de salarié protégé est sans influence dans cette même appréciation du motif économique dans le cadre d’une rupture d’un commun accord.
Ainsi, le tribunal administratif de Nice n’a pas commis d’erreur de droit et le pourvoi du salarié est rejeté.
La décision du Conseil d’État permet de consacrer à la fois l’autonomie de la volonté du salarié qui a consenti aux conditions du plan de départs volontaires proposé par l’employeur, au-delà de quelconque statut protecteur, et à la fois, la force obligatoire de cet accord amiable.
Source :
Conseil d’État, 4ème - 1ère chambres réunies, 03/04/2024, n°469694