La saisie pénale est une mesure permettant de rendre temporairement indisponible un bien, soit pour servir de preuve dans une enquête, soit pour garantir sa confiscation ultérieure.
Cette mesure est prévue par le Code de procédure pénale dans divers cadres :
- enquête de flagrance [1],
- enquête préliminaire [2],
- information judiciaire [3],
- audience pour une peine complémentaire de confiscation [4],
- dans des procédures spécifiques [5].
Quels recours sont possibles ?
Les recours dépendent du type de saisie :
- Requête en nullité [6] : si une information judiciaire est en cours, cette demande est adressée à la Chambre de l’instruction de la cour d’appel ;
- Appel devant la Chambre de l’instruction : exercé par les parties et les tiers pour contester une saisie spéciale [7].
- Demande de restitution [8] : les tiers non poursuivis peuvent s’adresser au Procureur de la République ou au juge d’instruction pour récupérer leurs biens.
Comment exercer ces recours ?
I. Les conditions du recours.
A. Délai de contestation.
La personne dont les biens sont saisis doit agir rapidement, car les délais de recours peuvent être brefs :
Délai pour contester une saisie ordonnée par un juge des libertés et de la détention ou un juge d’instruction : l’appel doit être formé dans un délai de 10 jours suivant la notification de la saisie [9].
Délai pour invoquer la nullité d’une procédure : en cas de mise en examen, les parties disposent de six mois après le premier interrogatoire pour contester la régularité des actes antérieurs. Pour les actes postérieurs, ce délai court à partir du moment où les parties en prennent connaissance [10].
Pour les tiers non poursuivis : si un bien a été saisi sans qu’une procédure judiciaire ait été engagée contre le propriétaire dans les six mois, une demande d’annulation peut être adressée au juge des libertés et de la détention dans l’année suivant la découverte de la mesure [11].
B. Justification d’un intérêt et d’une qualité à agir.
Pour contester une saisie pénale, la personne concernée doit démontrer :
Un intérêt à agir, lorsque l’objet saisi implique directement la personne concernée ou lorsque la mesure porte atteinte au droit de propriété ou au droit à la vie privée et familiale.
Une qualité à agir, qui limite le recours aux personnes directement impliquées (propriétaire du bien saisi ou détenteur de droits sur celui-ci). La jurisprudence établit que seules les personnes titulaires d’un droit sur le local où les perquisitions et saisies ont été effectuées peuvent exercer un recours contre la saisie [12].
À titre d’exemple, un occupant d’un logement saisi n’a pas d’intérêt à contester la saisie si celle-ci n’entrave pas son statut d’occupant ni son droit de jouissance [13].
Ces personnes ne peuvent pas invoquer une atteinte portée par la saisie aux droits des tiers [14].
C. En cas de nullité, obligation de démontrer un grief.
Une saisie ne peut être annulée que si elle a causé un préjudice démontrable.
L’irrégularité d’un acte ne suffit pas : il faut prouver qu’elle a nui aux intérêts de la partie concernée [15].
Toutefois, la nécessité d’un grief n’est réservée qu’aux manquement aux règles de formalisme d’authentification [16].
Par exemple : une absence d’inventaire des biens saisis n’entraîne pas automatiquement l’annulation si aucun grief n’est prouvé [17].
II. Moyens de contestation.
Lorsqu’une saisie est réalisée dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire, elle doit respecter certaines formalités, sous peine de nullité [18].
Plusieurs conditions doivent être respectées.
1. Autorisation préalable de la saisie.
Toute saisie doit être ordonnée ou autorisée par une autorité compétente, par tout moyen [19].
Pour les saisies de droit commun, la décision de saisie doit être ordonnée :
- par le Procureur de la République en cas d’enquête de flagrance [20],
- par le juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur, en cas d’enquête préliminaire [21],
- par le juge d’instruction en cas d’information judiciaire [22].
Pour les saisies spéciales, la saisie doit être ordonnée par le juge des libertés et de la détention, saisi par requête du Procureur de la République, en cas d’enquête préliminaire ou de flagrance. Dans le cadre d’une information judiciaire, à l’exception des saisies de patrimoine, la décision de saisie est prise par le juge d’instruction.
Un officier de police judiciaire, à défaut de mandat du juge d’instruction, ne peut légalement effectuer une saisie sans le consentement exprès de la personne chez qui l’opération se déroule, sauf en cas de crime ou de délit flagrant [23].
2. Saisie par une autorité compétente.
En enquête de flagrance, l’agent de police judiciaire n’a pas un pouvoir de saisie même en cas de découverte d’objets utiles à la manifestation de la vérité [24], mais il peut appréhender matériellement des objets pour les remettre à l’officier de police judiciaire, ayant seul le pouvoir de saisie [25].
En revanche, en enquête préliminaire, les agents de police judiciaire peuvent procéder à une perquisition et à des saisies, à condition qu’ils agissent sous le contrôle de l’officier de police judiciaire, ce contrôle devant être mentionné expressément au procès-verbal de perquisition ou résulter d’une mention spécifique dans les pièces de la procédure [26].
3. Inventaire et placement sous scellés.
Les objets saisis doivent être immédiatement inventoriés et placés sous scellés. À défaut, la procédure peut être contestée si cela a porté préjudice aux droits de la défense.
4. Respect de la présence des parties ou de témoins.
Lors d’une perquisition ou d’une saisie, la présence de l’occupant ou de témoins indépendants est obligatoire [27]. Les agents de police judiciaire ne peuvent être ces témoins [28].
5. Motivation de la décision de saisie.
Une décision de saisie doit être motivée [29], en précisant la qualification de l’infraction et la nécessité de la saisie pour la procédure.
Une ordonnance non motivée ou reproduisant simplement la requête du procureur de la République peut être annulée [30]. Néanmoins, il reste possible pour le juge des libertés et de la détention, dans les motifs de sa décision, de reprendre les termes exacts de la requête du procureur tout en justifiant les éléments de fait et de droit qui rendent la mesure nécessaire [31].
En matière de saisies spéciales l’ordonnance du juge des libertés et de la détention doit être motivée [32]. Il en va de même des décisions du juge d’instruction, bien que les textes ne l’énoncent pas.
6. Inutilité de la mesure au moment de sa réalisation.
Si l’article 76, alinéa 4, ne fixe aucun délai entre la décision du juge des libertés et de la détention et l’exécution des mesures qu’il autorise, une saisie effectuée plusieurs mois après l’autorisation peut être annulée si elle est devenue inutile pour l’enquête [33].
7. Violation des droits de la défense.
Toute saisie en violation des droits de la défense peut être annulée.
Par exemple, la saisie de documents couverts par le secret professionnel ou affectant les droits de la défense, tels qu’un courrier de l’avocat à son client ou le brouillon de la réponse à ce courrier, en lien avec l’exécution de son suivi socio-judiciaire, peut être annulée [34].