Selon la chambre sociale de la Cour de cassation, la déclaration d’inaptitude définitive d’un salarié fait obstacle à son licenciement pour un autre motif que l’inaptitude, même si une procédure disciplinaire a été engagée antérieurement à la déclaration d’inaptitude.
En l’espèce, le Salarié engagé exerçait les fonctions de responsable secteur. Il est placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 21 octobre 2016.
Le 24 janvier 2017, il est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 7 février 2017.
Le médecin du travail le déclare inapte à son poste en un seul examen lors d’une visite de reprise le 6 février 2017, soit la veille de sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Cette déclaration d’inaptitude précisait que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Par courrier en date du 16 février 2017, la Société notifiait au salarié son licenciement pour faute lourde.
Contestant son licenciement, le Salarié a saisi la juridiction prud’homale.
Par un arrêt en date du 11 mars 2021, la Cour d’appel déboutait le salarié de ses demandes indemnitaires et salariales, et constatait que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Les juges du fond retenaient que : « la circonstance que l’inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi ait été constatée par le médecin du travail le 6 février 2017 ne privait pas la société de se prévaloir d’une faute lourde de son salarié au soutien du licenciement qu’elle a estimé devoir prononcer à l’issue de la procédure disciplinaire initiée le 24 janvier précédent. »
Le salarié formait un pourvoi en cassation.
Il invoquait le caractère d’ordre public des règles relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé, qui excluent que le salarié déclaré inapte fasse l’objet d’un licenciement disciplinaire postérieurement à l’avis d’inaptitude.
En effet, le reclassement des salariés déclarés inaptes est prévu à l’article L. 1226-2 du Code du travail :
« Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. »
Le licenciement de ces salariés déclarés inaptes est encadré par l’article L. 1226-2-1 du Code du travail :
« L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »
L’employeur n’a donc la possibilité de licencier le salarié que dans trois cas :
s’il justifie de son impossibilité de proposer un emploi de reclassement ;
si le salarié a refusé cet emploi ou si l’avis du médecin du travail mentionne que le maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ; ou
si son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
La Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au visa des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail, et fait droit aux demandes indemnitaires et salariales.
Elle affirme que ces articles : « font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que l’employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause. »
Ainsi, seule l’inaptitude médicalement constatée et l’impossibilité de reclassement peuvent valablement fonder le licenciement du salarié déclaré inapte.
La position adoptée par la Cour de cassation dans cet arrêt peut paraître stricte au regard de la chronologie des faits.
En effet, même dans l’hypothèse où une procédure disciplinaire a été engagée avant la déclaration d’inaptitude, la faute d’un salarié ne pourra justifier son licenciement, lequel devra obligatoirement reposer sur l’inaptitude et l’impossibilité de reclassement.