La SARL au Maroc, pilier des petites et moyennes entreprises. Par Dounia El Hamel, Doctorante.

La SARL au Maroc, pilier des petites et moyennes entreprises.

Par Dounia El Hamel, Doctorante.

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L’objet de cet article est de vous présenter les caractéristiques essentielles de cette forme sociétaire inspirée du modèle allemand, sa flexibilité pour les associés, et les implications juridiques clés telles que la responsabilité limitée. Il détaille également le fonctionnement d’une SARL marocaine, de la désignation des gérants à la gestion des contrats et des obligations fiscales, pour une compréhension approfondie de son rôle dans le tissu économique du pays.

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Les sociétés à responsabilité limitée (SARL) sont largement répandues au Maroc et constituent principalement des petites et moyennes entreprises.

Cette forme sociétaire trouve son origine en Allemagne et est inspirée de la Gesellschaft mit beschränkter Haftung (GmbH). Elle a été instaurée par une loi en date du 29 avril 1892 [1].

La SARL se situe à mi-chemin entre les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux. Elle possède une nature juridique mixte, se positionnant à mi-chemin entre les sociétés de personnes, dont la forme archétypale est la société en nom collectif, et les sociétés de capitaux, dont le modèle emblématique est la société anonyme [2].

La SARL présente des caractéristiques essentielles.
En premier lieu, elle est de taille entre petite à moyenne et peut être administrée par un ou plusieurs gérants, avec un plafond de cinquante associés maximum [3]. Si ce seuil est dépassé en raison de successions, cessions de parts, etc., la société doit régulariser la situation en réduisant le nombre d’associés ou en la transformant en société anonyme. En cas de non-régularisation dans un délai de deux ans, la dissolution de la société interviendra automatiquement.
De plus, dans une SARL, les associés ne sont pas considérés comme des commerçants et leur responsabilité est limitée au montant de leurs apports [4]. Les associés au sein d’une SARL n’assument la responsabilité des dettes de la société que jusqu’à concurrence de leurs apports. C’est cette disposition qui explique en grande partie le vif succès et l’attrait que suscite ce type de structure auprès des investisseurs désireux de restreindre leur responsabilité. Néanmoins, il est important de noter que cette forme de société n’est pas admissible pour les activités bancaires, d’investissement, d’assurance, de crédit, de capitalisation et d’épargne.
De plus, il est formellement interdit aux gérants ou aux associés de contracter des emprunts auprès de la société, de générer des découverts en compte courant ou d’autres engagements pour le compte de la société, et de solliciter la société comme caution ou aval pour leurs engagements envers des tiers [5].

Une SARL doit arborer une dénomination sociale, choisie par les associés. Ces derniers peuvent opter pour le nom d’un ou plusieurs associés parmi eux. Cette dénomination doit nécessairement être préfixée ou suivie immédiatement par les initiales SARL ou la mention "société à responsabilité limitée" ou encore "société à responsabilité limitée d’associé unique".

Au cours de son existence, la société est en mesure de conclure des contrats, d’émettre des factures, des lettres, des publications, des annonces ou tout autre document destiné à des tiers. Chaque document doit impérativement contenir, en plus de la dénomination sociale, d’autres indications telles que le montant du capital social, le siège social et le numéro d’immatriculation au registre de commerce. Par ailleurs, il convient de souligner que la SARL est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS).

I. Les acteurs clés au sein de la SARL.

Au cœur du fonctionnement des Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) se trouvent des acteurs clés qui jouent des rôles essentiels dans la prise de décisions et la gestion quotidienne de l’entreprise. Parmi ces acteurs, on retrouve les gérants, les associés, les assemblées générales et les commissaires aux comptes. Chacun de ces éléments contribue de manière significative à la dynamique interne de la SARL, contribuant ainsi à son efficacité opérationnelle et à sa conformité aux réglementations en vigueur. Dans cette exploration, nous examinerons en détail le rôle et l’impact de chaque acteur sur le fonctionnement global de la SARL.

A. Les gérants dans la SARL.

Le gérant constitue l’élément central au sein de la SARL, revêtant une importance primordiale. Les associés d’une SARL ont la possibilité de nommer un ou plusieurs gérants. Il est à noter que la gérance est réservée aux individus physiques [6].

Le choix du gérant peut s’opérer parmi les associés ou par recrutement de tiers par la société. Cependant, ces gérants ne doivent pas être légalement empêchés [7] d’exercer la fonction de gérance. Il n’existe aucune restriction liée à l’âge pour occuper ce rôle, et aucune exigence n’est formulée concernant le niveau scolaire ou de compétence, à l’exception de certains secteurs nécessitant un diplôme, comme les pharmacies, les optiques, entre autres.

La durée d’exercice des fonctions du gérant n’est pas imposée par la loi. Les associés ont la responsabilité de la définir dans les statuts ou à travers un acte postérieur. En l’absence de précision, le gérant, qu’il soit associé ou non, est désigné pour une période de trois ans. [8]. La désignation du gérant par les associés requiert obligatoirement l’approbation d’au moins trois quarts du capital social, signifiant que l’acceptation doit provenir d’une majorité significative des associés de la société.
Le ou les gérants ont la possibilité d’exercer leur fonction sans rémunération ni avantages, tout comme ils ont la faculté de bénéficier d’une rémunération déterminée par les associés, qu’elle soit en espèces ou sous forme d’avantages en nature [9].

Le montant de cette rémunération demeure libre et n’est pas soumis à de quelconques restrictions légales. Cependant, il est impératif que le montant fixé soit raisonnable et en accord avec les capacités financières de la société. En cas contraire, une rémunération excessive pourrait être considérée comme une faute, particulièrement si la société fait face à des difficultés, voire être assimilée à un détournement d’actifs.

Le gérant peut également cumuler la fonction de gérance avec des activités salariées. Cette double qualité est reconnue par la loi, toutefois, elle est encadrée par des critères établis principalement par la jurisprudence. Une distinction claire doit être maintenue entre les responsabilités liées à la gérance et celles associées au travail salarié. De plus, il est essentiel que le contrat de travail soit robuste et qu’il ne semble pas être établi dans le but d’accorder des avantages excessifs au gérant-salarié. Le gérant salarié doit se conformer aux exigences du salariat et se trouver sous la "subordination juridique" [10] d’un employeur, ce qui implique des directives, des contrôles et des sanctions appliquées par cet employeur. Une jurisprudence française [11] a établi les principes suivants : un gérant majoritaire ne peut simultanément occuper un poste de salarié au sein de sa propre société, car cela impliquerait un manque de subordination juridique appropriée nécessaire pour superviser de manière effective le gérant salarié. En revanche, pour un gérant minoritaire, la possibilité de cumuler les rôles de salarié et de gérant demeure envisageable.
Néanmoins, il est impératif de vérifier la réelle existence et coexistence de ces deux fonctions distinctes. En outre, il est interdit au gérant d’exercer une activité similaire à celle de la société, à moins d’être autorisé par les associés. [12].

De même, le gérant assume le rôle de porte-parole de la société, étant son représentant légal vis-à-vis des tiers. Il est chargé de conduire les opérations de gestion et de direction en rapport avec l’objet social, sauf dispositions contraires des statuts. Lorsqu’il y a plusieurs gérants, des chevauchements décisionnels peuvent survenir, générant des conflits. Il est donc impératif de définir clairement les attributions et les responsabilités de chacun d’entre eux. Les dirigeants ont l’obligation de servir l’intérêt de la société, même en l’absence de prescriptions statutaires explicites. Le gérant doit s’abstenir d’agir en dehors de l’objet social et se conformer aux conditions énoncées dans les statuts. Les associés ont la possibilité, dans les statuts, d’élargir ou de restreindre les pouvoirs du gérant.

En cas de dépassement de pouvoirs, de violation des statuts, de faute ou de négligence de la part des gérants, leur responsabilité civile peut être engagée. De plus, des sanctions pécuniaires, des réparations et même des peines d’emprisonnement peuvent être prononcées à leur encontre. De manière similaire, la société peut être liée par les actions du gérant qui excèdent l’objet social, sauf si elle peut prouver que la tierce partie avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de ce dépassement. [13].

D’un point de vue général, le droit pénal contient un ensemble d’infractions de droit commun que les gérants peuvent commettre en tant qu’auteurs ou complices. De tout ceci, il est manifeste que le choix du gérant n’est pas une décision aisée ; c’est une décision cruciale qui influe sur la réussite et la pérennité de l’entreprise. La révocation du gérant se fait par décision des associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales, sauf si le tribunal le révoque pour cause légitime à la demande de tout associé.

Un gérant peut démissionner à tout moment, soit de sa propre initiative, soit suite à sa révocation. Pour que la démission soit valide, elle doit être portée à la connaissance des associés. La révocation équivaut à une cessation anticipée de fonction. Si elle n’est pas fondée, le gérant peut réclamer des dommages et intérêts pour les préjudices subis de la part de la société. La proposition de révocation peut provenir non seulement d’une majorité, mais également d’un associé minoritaire. Celui-ci peut adresser une requête justifiée au président du tribunal de commerce, agissant en qualité de juge de référé, pour solliciter la révocation. Si la révocation est approuvée, elle doit être rendue publique. Cette divulgation vise à informer le public du changement de gérant et peut être effectuée par le biais d’une annonce légale dans un journal ou par l’enregistrement au registre de commerce. De plus, afin d’éviter toute responsabilité et tout acte illégitime, l’ancien gérant peut, avec prudence, désigner un remplaçant. Cette démarche de publicité peut être entreprise en demandant l’intervention du président du tribunal de commerce, en sa qualité de juge de référé, pour désigner un mandataire responsable des formalités de publicité nécessaires.

B. Les associés.

Les associés d’une société à responsabilité limitée (SARL) peuvent être des personnes physiques ou morales. Cependant, il est important de noter qu’une SARL ne peut pas avoir comme unique associée une autre SARL constituée d’une seule personne, conformément à l’article 47 de la loi numéro 5-96 au Maroc.
Cet article stipule que :

« Le nombre des associés d’une société à responsabilité limitée ne peut être supérieur à cinquante (50). Si la société compte plus de cinquante associés, elle doit être transformée en société anonyme dans les deux ans. Sinon, elle sera dissoute, à moins que le nombre d’associés atteigne le nombre légalement autorisé pendant ce délai ».

Les associés d’une SARL n’ont pas la qualité de commerçants. Ainsi, il est possible qu’une personne incapable devienne associée par l’intermédiaire de son représentant légal. Chaque associé possède le droit de participer aux votes en fonction du nombre de parts sociales qu’il détient. Les assemblées générales ordinaires ou extraordinaires des associés jouent un rôle crucial, notamment en contrôlant la gestion, modifiant les statuts, approuvant les comptes annuels, décidant de l’affectation des bénéfices et de la constitution de réserves, traitant des sujets tels que l’augmentation et la réduction du capital, la révocation du gérant, la modification de l’objet social, le changement de siège social, la liquidation ou la dissolution de l’entreprise, l’agrément pour l’entrée d’un nouvel associé, et la décision sur des opérations de fusion, d’absorption, de transmission, d’augmentation des engagements des associés, etc. Il est important de noter que les associés ne peuvent pas modifier la nationalité de la société. [14].

Tout associé non-gérant a le droit de poser des questions écrites au gérant concernant tout événement susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation de la société. Le gérant doit répondre à ces questions et les réponses doivent être communiquées au commissaire aux comptes, le cas échéant. Cependant, chaque associé est limité à poser deux questions par exercice.

Les associés, individuellement ou en groupe représentant au moins le quart du capital social, ont la possibilité d’intenter une action en responsabilité contre les gérants en cas d’infractions. Cette action est à la charge de ces associés, qui peuvent être représentés devant le tribunal par un ou plusieurs associés choisis parmi eux. La prescription de cette action est de 5 ans, sauf en cas de crime, où elle est de 20 ans. Le délai de prescription commence à partir de la date du fait dommageable ou de sa révélation si celui-ci a été dissimulé.

Si les associés détiennent au moins le dixième en nombre et en parts sociales, ou s’ils possèdent la moitié des parts sociales, ils ont le droit de demander la convocation d’une assemblée générale. Si le gérant ne répond pas à leurs demandes, tout associé peut demander au président du tribunal, en sa qualité de juge de référé, de désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale et de fixer son ordre du jour. En outre, un ou plusieurs associés possédant au moins 5 % du capital social peuvent demander l’inscription d’un ou plusieurs projets de résolution à l’ordre du jour.

C. Les assemblées générales.

Les décisions au sein des assemblées générales des associés de la société à responsabilité limitée (SARL) sont prises par le biais de votes ou de consultations écrites. Les statuts peuvent définir les modalités entre les assemblées générales et les consultations écrites, voire de les combiner. Néanmoins, certaines décisions requièrent la présentation en assemblée générale, notamment l’approbation du rapport de gestion, de l’inventaire et des états financiers établis par le ou les gérants. Il est obligatoire de tenir une assemblée générale annuelle au moins une fois par an, et le gérant doit convoquer les associés à cette occasion à la clôture de chaque exercice comptable.
Le gérant ou, en l’absence de celui-ci, le commissaire aux comptes, convoque les associés avec un préavis de 15 jours avant la réunion de l’assemblée générale, par lettre recommandée avec accusé de réception. La convocation doit contenir l’ordre du jour. Toute irrégularité dans la manière de convoquer l’assemblée peut rendre celle-ci nulle, sauf si tous les associés étaient présents ou représentés.

Pendant les assemblées, les associés peuvent être représentés par leur conjoint [15], un autre associé [16] ou une tierce personne [17] si un mandataire a été désigné pour voter en leur nom. Ce mandataire ne peut pas diviser le droit de vote, ce qui signifie qu’il ne peut pas voter pour une partie des parts sociales et l’associé pour l’autre.

Le gérant répond aux questions écrites des associés pendant les assemblées. Le président de l’assemblée consigne les délibérations dans un procès-verbal qui inclut des informations telles que la date, le lieu, les participants, les documents consultés, les sujets discutés, les résolutions adoptées et les résultats des votes. Ce procès-verbal doit être établi et signé par le président de l’assemblée.

Le président de l’assemblée doit remplir les critères fixés dans les statuts pour présider l’assemblée. Lorsqu’il s’agit d’une consultation écrite, le procès-verbal doit mentionner les réponses.
Les décisions prises lors des assemblées générales ou des consultations écrites sont adoptées par un ou plusieurs associés détenant plus de la moitié des parts sociales. Si cette majorité n’est pas atteinte et sauf indication contraire dans les statuts, une seconde assemblée peut être convoquée. Dans ce cas, les décisions sont prises à la majorité des votes émis, indépendamment du nombre de votants [18].

Les décisions relatives à la modification des statuts exigent au moins les trois quarts du capital social. Cependant, l’augmentation des engagements sociaux d’un associé ne peut pas être décidée par majorité, et la décision d’augmenter le capital par incorporation de bénéfices ou de réserves requiert au moins la moitié des parts sociales.

L’assemblée générale fixe les modalités de paiement des dividendes, et à défaut, cette tâche revient au gérant. La distribution des bénéfices doit être effectuée dans les 9 mois suivant la clôture de l’exercice, sauf si le président du tribunal, en tant que juge de référé, prolonge ce délai sur demande du gérant.

Si des bénéfices sont distribués sans avoir été réellement acquis, les associés doivent restituer ces montants à la société. Une action en répétition peut être engagée dans un délai de 5 ans à compter de la distribution des dividendes.
Les conventions conclues entre le gérant et la SARL, également connues sous le nom de "conventions réglementées", jouent un rôle central dans la gestion de l’entreprise. Ces accords règlent les relations commerciales entre le gérant et la société. La transparence et l’équité sont essentielles dans ces accords pour éviter les conflits d’intérêts. Les conventions doivent être conformes à la législation et aux principes de bonne gouvernance. Elles garantissent la protection des intérêts de la société et de ses associés, tout en promouvant la transparence et l’éthique dans les transactions commerciales.

Ces conventions peuvent couvrir divers aspects tels que la rémunération du gérant, les prêts octroyés par la société au gérant, la location d’équipement ou d’espaces, ainsi que d’autres transactions semblables.
En vertu de la loi et de la réglementation en vigueur, les conventions conclues directement ou indirectement entre la société et l’un des gérants ou associés doivent obtenir l’approbation de l’assemblée générale. Lors d’une consultation écrite ou lors de l’assemblée, le gérant ou, le cas échéant, le ou les commissaires aux comptes, présentent un rapport sur les conventions en question. Les gérants ou les associés concernés ne peuvent pas participer au vote, ni être comptabilisés dans le calcul du quorum et de la majorité.

Toutefois, les conventions conclues par un gérant non associé et en l’absence du commissaire aux comptes requièrent une approbation préalable de l’assemblée générale. Les conventions non approuvées par l’assemblée générale engendrent des conséquences pour le gérant, et le cas échéant, pour l’associé contractant. Ce dernier doit supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences préjudiciables du contrat pour la société.

Si la SARL a un seul associé, la convention conclue entre l’associé et la société doit simplement être enregistrée dans le registre des délibérations. Il est essentiel que les accords entre le gérant et la SARL respectent la législation en vigueur ainsi que les principes de bonne gouvernance. Cela assure la sauvegarde des intérêts de la société et de ses associés tout en promouvant la transparence et l’éthique dans les opérations commerciales.

D. Le commissaire aux comptes.

La nomination d’un ou de plusieurs commissaires aux comptes est une option, mais elle devient impérative dans une seule circonstance : lorsque le chiffre d’affaires à la fin d’un exercice comptable dépasse la somme de 50 millions de dirhams, hors taxes. La désignation du commissaire aux comptes peut être décidée par une réunion des associés détenant la majorité des parts sociales, c’est-à-dire au moins 75% du capital social. Alternativement, un ou plusieurs associés détenant 25% du capital peuvent demander sa nomination auprès du président du tribunal.

Le commissaire aux comptes ne doit pas être sujet à une récusation judiciaire. Sa mission consiste à auditer les registres, à vérifier la conformité des comptes sociaux ainsi que la situation financière du patrimoine de la société. Il a le droit de mener des investigations au sein de la société et peut prodiguer des avis dans son domaine d’expertise. Il établit des rapports portant sur la régularité, l’exactitude et la fidélité des comptes. De plus, il est tenu de signaler au tribunal toute constatation de faits susceptibles de mettre en péril la continuité de l’exploitation de l’entreprise sous sa supervision.

II. La structure et le fonctionnement de la SARL.

Dans cette partie dédiée à La Structure et au Mécanisme d’une Société à Responsabilité Limitée (SARL), nous explorerons les éléments essentiels qui définissent son existence juridique et son mode de fonctionnement. De la personnalité morale qui la distingue, en passant par les statuts qui établissent son cadre légal, jusqu’aux mécanismes de gestion et de prise de décisions, nous plongerons dans les aspects clés qui forgent l’identité et l’opérationnalité de la SARL.

A. La personnalité morale.

La société à responsabilité limitée (SARL) acquiert la personnalité juridique dès son inscription au registre de commerce. À partir de ce moment, elle possède une existence distincte avec des actifs et des passifs propres. Pour cela, elle doit satisfaire des exigences de fond et de forme, notamment la réalisation des apports et l’accomplissement des formalités de publicité. La liquidation marque la clôture de sa personnalité juridique.

B. Les statuts de la SARL.

Les statuts de la SARL peuvent être établis soit en tant qu’acte sous seing privé, soit notarié. Le contenu des statuts doit être rédigé en conformité avec la loi, daté et doit comprendre les éléments essentiels sous peine de nullité de la société.
Ces éléments sont les suivants :

  • L’identification et le domicile des personnes physiques, ainsi que la forme juridique pour les personnes morales. Il doit être précisé s’il s’agit d’une SARL à associé unique (SARL. AU) ou d’une SARL avec plusieurs associés.
  • L’objet social de la société, c’est-à-dire son domaine d’activité.
  • La dénomination sociale de la société.
  • Le siège social de la société, c’est-à-dire son adresse légale.
  • Le montant du capital social. Il est important de noter que le capital social peut être modifié en fonction de la situation financière de l’entreprise. Les associés peuvent décider d’une augmentation ou d’une réduction du capital en fonction des besoins de la société.
  • Les apports de chaque associé. Les statuts doivent également spécifier les différentes natures d’apports réalisés par les associés, notamment les apports en nature qui doivent être évalués.
  • La répartition des parts sociales entre les associés.
  • La durée pour laquelle la société est constituée. Généralement, la durée de vie de la société ne peut excéder 99 ans. Cette période peut être prolongée ou réduite en cours d’activité. Les associés doivent effectuer ces modifications avant l’échéance initialement prévue. À défaut, une démarche auprès d’un mandataire désigné par le président du tribunal de commerce est nécessaire pour éviter la dissolution automatique de la société à son terme.
  • Les informations relatives aux associés, incluant leurs prénoms, noms, adresses. Si applicable, les tiers impliqués doivent également être mentionnés.
  • Les détails concernant le dépôt des statuts auprès du greffe du tribunal.
  • La signature de tous les associés. Les omissions ou erreurs concernant les informations obligatoires peuvent être corrigées par une décision extraordinaire des associés. Cette correction doit également être enregistrée au greffe.

En respectant rigoureusement ces éléments, les statuts de la SARL seront conformes à la loi et établiront de manière claire et précise les bases de fonctionnement de la société.

C. Les apports de la SARL.

Lors de la création d’une SARL, les associés apportent des contributions à la société en échange de la détention de parts sociales. Les parts sociales doivent entièrement être souscrites et complètement libérées.
Les fonds issus de cette libération sont déposés dans un compte bancaire dans les huit jours suivant leur réception. Les apports peuvent prendre la forme d’apports en numéraire, c’est-à-dire d’argent, ou d’apports en nature, portant sur des biens meubles, des biens immobiliers ou en industrie si l’apporteur exerce une activité liée à l’objet social de la société.
Les modalités de souscription de l’apport en industrie, ainsi que la contribution de l’apporteur aux pertes, sont définies par les statuts. La part de l’apporteur en industrie dans sa participation aux pertes est établie par les statuts, sans dépasser celle de l’associé ayant le moins apporté. Les statuts régissent également les procédures de souscription [19] des parts sociales.

Une fois que l’attestation confirmant l’immatriculation de la société est délivrée, le mandataire de la société peut retirer les fonds provenant de la libération des parts sociales. Si la société n’a pas été constituée dans les six mois suivant son premier dépôt de fonds, le mandataire ou les apporteurs peuvent demander au président du tribunal du lieu du siège social d’autoriser le retrait des montants apportés.

Il n’y a pas d’exigence de capital minimum pour constituer une SARL, ce qui résulte d’une modification apportée par la loi 24-10 amendée à la loi n° 5-96 sur les sociétés en nom collectif, en commandite simple et en participation. Cette modification vise à simplifier les formalités pour faciliter la création de SARL.

Les apports en nature doivent être évalués par un commissaire aux apports. Sa nomination est effectuée par les futurs associés ou, en l’absence de décision, par le président du tribunal agissant en qualité de juge de référé, suite à la demande d’un ou plusieurs associés. Si tous les associés approuvent, le recours à un commissaire aux apports n’est pas nécessaire si la valeur totale des apports en nature ne dépasse pas la moitié du capital social et qu’aucun apport individuel en nature ne dépasse pas 100 000,00 DH. En cas de divergence entre la valeur fixée par les associés et la réalité, ou si la valeur diffère de celle établie par le commissaire aux apports, les associés engagent leur responsabilité personnelle solidairement pendant cinq ans vis-à-vis des tiers. Le rapport d’évaluation doit être annexé aux statuts.

D. Les parts sociales.

La part sociale est un instrument de propriété représentant une portion du capital social. Il est important de noter que la SARL est strictement empêchée d’émettre ou de cautionner l’émission de valeurs mobilières, sous peine de nullité. Contrairement aux titres négociables, les parts sociales ne sont pas susceptibles d’être représentées sous une forme négociable, ce qui contribue à leur nature fermée.

En général, les parts sociales peuvent être transmises librement, que ce soit par héritage ou par cession entre conjoints, parents et alliés jusqu’au second degré inclus, à moins que les statuts ou la loi ne stipulent le contraire.

Cependant, l’entrée d’un nouvel associé externe exige une majorité plus élevée.
En principe, l’acquisition par une SARL de ses propres parts sociales est interdite, conformément à l’article 79, alinéa 5 de la loi 5-96. Néanmoins, lorsqu’une assemblée générale extraordinaire décide de réduire le capital social sans motif de pertes, le gérant peut acquérir un certain nombre de parts en vue de leur annulation. Cette pratique découle du désir de la société de racheter les parts sociales d’un associé souhaitant quitter l’entreprise, ou bien d’effectuer un rachat en vertu d’une clause de rachat obligatoire initiée par les associés pour empêcher l’entrée d’un associé indésirable ou pour exclure un associé perturbateur.

E. Le capital social.

Les associés peuvent décider d’augmenter le capital lors d’une assemblée générale extraordinaire, car cela implique une modification des statuts. Toutefois, l’augmentation du capital par incorporation des bénéfices ou des réserves doit être approuvée par les associés représentant au moins la moitié des parts sociales.

Toute modification des statuts exige la majorité des associés représentant au moins 3/4 des parts sociales du capital, que ce soit pour une augmentation ou une réduction.

L’augmentation du capital peut se faire de plusieurs façons :

  • Par apport en numéraire ou en nature : Les parts sociales en numéraire doivent être souscrites intégralement et libérées complètement, tandis que les parts en nature doivent être évaluées par un commissaire aux apports. Les fonds doivent être déposés dans un compte bancaire bloqué et une attestation de blocage doit être obtenue. Le rapport du commissaire aux apports doit être déposé au greffe du tribunal de commerce.
  • Par compensation avec des créances liquides et exigibles sur la société : Dans ce cas, souvent lié aux comptes courants d’associés, les associés renoncent à leurs dettes envers la société en échange de parts sociales. Cette opération doit être certifiée par un expert-comptable ou par le commissaire aux comptes si la société en possède un.
  • Par incorporation au capital de réserves, de bénéfices et de primes d’émission.

Il est crucial que la réduction du capital ne porte pas atteinte à l’égalité entre les associés.

Lorsqu’un projet de réduction du capital est envisagé, il doit être notifié au commissaire aux comptes s’il est présent, au moins 45 jours avant la date de l’assemblée générale extraordinaire. Le projet de réduction du capital doit être exposé à l’assemblée générale en détaillant les raisons et les modalités.

Dans le cas où la réduction du capital n’est pas motivée par des pertes, les créanciers ayant des créances antérieures à la date du dépôt du procès-verbal de la délibération au greffe ont la possibilité de s’y opposer. Ils ont trente jours à partir de la remise de la délibération au greffe pour le faire par acte extrajudiciaire, et cette opposition sera portée devant le tribunal. Le président du tribunal peut, en statuant en référé, ordonner le remboursement des créances, la constitution de garanties, ou rejeter l’opposition.

La résolution d’augmentation ou de réduction du capital doit être déposée au greffe du tribunal de commerce, accompagnée du procès-verbal signé et légalisé de l’assemblée générale, ainsi que d’une déclaration modificative du registre de commerce. Cette décision doit également être publiée dans un journal d’annonces légales et dans le bulletin officiel.

F. L’expertise de gestion.

Il s’agit d’une démarche entreprise par un ou plusieurs associés détenant au moins le quart du capital social, consistant à solliciter du président du tribunal, agissant en tant que juge de référé, la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de réaliser un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Cette expertise en gestion confère aux associés le pouvoir de surveiller la conformité légale des opérations de gestion conformément à la loi.

L’expertise en gestion contribue à renforcer les principes de la transparence et du respect de l’intérêt social. Elle devient une référence pour orienter la conduite des dirigeants sociaux dans la gestion de la société et pour guider les associés dans leurs prises de décisions collectives. Elle joue également un rôle de régulation des conflits d’intérêts entre les associés et favorise l’établissement de la transparence organisationnelle au sein de la société. En réalité, la promotion de cette transparence demeure l’objectif central sous-tendu par la mise en place de l’expertise en gestion.

Dans l’ensemble, elle agit comme un moyen de préserver un équilibre des pouvoirs au sein de l’entreprise. L’ordonnance de cette expertise émane du juge de référé au tribunal, qui détient le pouvoir de définir la portée de la mission ainsi que les tâches à accomplir et de fixer la rémunération associée à cette expertise.

Le rapport issu de cette expertise doit être transmis au demandeur, au gérant ainsi qu’au commissaire aux comptes s’il est en place.

III. Les Défis Financiers et Les Évolutions de la SARL.

Dans le parcours dynamique d’une Société à Responsabilité Limitée (SARL), l’expérience comporte des phases cruciales marquées par des défis financiers et des transformations substantielles. Cette section explore ces moments décisifs qui façonnent le destin d’une SARL. Des difficultés financières éventuelles à la prise de décision concernant la dissolution, la transformation et la SARL à associé unique, cette série de défis offre des perspectives essentielles sur l’évolution de ces structures entrepreneuriales.

A. Les difficultés financières de la SARL.

Des problèmes financiers peuvent surgir au cours de la vie d’une entreprise. Parmi les désavantages de la SARL, on trouve sa faible assise financière [20], ce qui peut engendrer des contraintes notables. Cela conduit souvent les établissements financiers à exiger, lors d’accords de prêt, une participation personnelle de la part du dirigeant. Cette implication se traduit généralement par une forme de garantie personnelle qui engage le dirigeant sur le plan personnel. Les crises financières peuvent avoir un impact sur la pérennité et la continuité de l’entreprise. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en place des mesures de prévention et de sauvegarde avant que la situation ne dégénère en situation de cessation de paiement, c’est-à-dire avant que les dettes exigibles ne dépassent les actifs disponibles.

En cas de cessation de paiement, la solution consiste en une procédure de redressement. Cependant, si la situation est irrémédiablement compromise, la liquidation s’avère la meilleure option. Dans ces scénarios, le gérant est tenu d’informer le tribunal de la situation de cessation de paiement de la société, ou de signaler toute mauvaise gestion ayant conduit à une insuffisance d’actifs. Dans ce dernier cas, le tribunal peut poursuivre le gérant pour une action de comblement d’actif, le rendant responsable des dettes de la société, soit en totalité, soit en proportion. Le gérant peut également être frappé d’interdiction d’exercer des activités commerciales.

B. La dissolution de la société.

La décision de dissoudre une société n’est pas une démarche simple. Les associés cherchent généralement à valoriser leurs investissements, cependant, il peut être nécessaire de procéder à la dissolution de la société dans certaines circonstances.

En général, la principale préoccupation qui sous-tend cette décision est la dégradation de la situation financière de la société, laquelle peut tomber en dessous du quart de son capital social. Cette perte nécessite une modification des statuts dans les trois mois qui suivent l’approbation des comptes constatant cette diminution du capital social, et une décision doit être prise quant à la possibilité de démarrer une dissolution anticipée.

Si aucune mesure n’est prise par la société, deux options se présentent :
La société est tenue, au plus tard à la clôture de l’exercice suivant la constatation des pertes, de réduire son capital social d’un montant équivalent aux pertes non imputées sur les réserves.

La société est contrainte, au plus tard à la clôture de l’exercice suivant la constatation des pertes, de reconstituer son capital à une valeur au moins égale au quart du capital social.

Dans les deux cas, la résolution adoptée doit être rendue publique (publication dans un journal d’annonces légales, dépôt au greffe, inscription au registre de commerce). Toutefois, si aucune résolution n’a été adoptée ni par le gérant, ni par le commissaire aux comptes s’il en existe, ni par les associés dans une délibération valide, toute personne intéressée peut demander au tribunal la dissolution de la société. Cependant, le tribunal ne peut pas prononcer la dissolution immédiatement ; il accorde généralement un délai à la société pour régulariser sa situation, pouvant aller jusqu’à un an au maximum.

La société ne sera pas dissoute si l’un des associés est déclaré ou condamné pour : liquidation judiciaire, interdiction de gérer, mesure d’incapacité, ou décès d’un associé, sauf si les statuts prévoient le contraire.

C. La transformation de la société.

Les associés ont la possibilité de convenir de la transformation de la société en d’autres formes juridiques. Dans le contexte d’une SARL, les associés ont la liberté de choisir de la transformer en société en nom collectif. Cependant, cette transformation nécessite un accord unanime de tous les associés, car elle implique un changement vers une responsabilité solidaire et indéfinie. Les mêmes règles s’appliquent si les associés souhaitent devenir des commandités dans une société en commandite simple ou en commandite par actions. Dans ce cas, la transformation en statut de commanditaire peut être décidée en conformité avec les statuts. Pour une transformation en société anonyme, la majorité requise est de ¾ des parts sociales du capital social.

La décision de procéder à une transformation doit être prise après la présentation d’un rapport par le ou les commissaires aux comptes, le cas échéant, sur la situation de la société. Alternativement, elle peut être prise par un accord unanime entre les associés. Dans le cas où la demande de transformation provient du gérant, il peut faire appel au président du tribunal en tant que juge de référé pour désigner un commissaire aux comptes en vue de soutenir cette transformation.

D. La société à responsabilité limitée à associé unique.

Dans une société à responsabilité limitée à associé unique, la totalité des parts sociales est détenue par une seule personne. L’évaluation des apports en nature ne peut être effectuée que par un commissaire aux apports, dont la désignation est confiée à l’associé unique. Cependant, cette règle ne s’applique pas si la valeur de chaque apport n’excède pas cent mille dirhams et si la valeur totale de l’ensemble des apports en nature, qui ne nécessite pas l’évaluation d’un commissaire aux apports, ne dépasse pas la moitié du capital.

Dounia EL HAMEL
Doctorante en droit privé à la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales
Université IBN ZOHR - Agadir- Maroc
Laboratoire de recherche en sciences juridiques et développement durable

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Notes de l'article:

[1CHAPUT (Y.), La société à responsabilité limitée, Dalloz, connaissance du droit, 1994, p.2.

[2MOTIK (M.), Le droit des sociétés commerciales, Imp. El maarif al jadida, Rabat, 2005, p.73.

[3Art. 47, loi n°5-96

[4MOTIK (M.), op.cit., p.74.

[5Art. 66, Al. 1, loi n° 5-96.

[6Cette nécessité découle de la volonté d’avoir à la direction de l’entreprise une personne physique susceptible d’assumer une responsabilité pénale en cas de violations commises au sein de la société.

[7Les interdits par la loi sont les condamnés pénalement pour des infractions touchant à l’honnêteté patrimoniale ou bien l’incompétence.

[9Les avantages en nature tels que l’usage d’un véhicule ou le paiement de primes d’assurances-vie à la charge de la société.

[10CHAPUT (Y.), op.cit., P.11.

[11Cass. Soc. 8 oct. 1980, D. 1981. 257, note Reinhard, in Yves Reinhard, op. cit., p.97, cité par MOTIK (M.), le droit des sociétés commerciales, Imp. El maarif al jadida, Rabat, 2005, p.81.

[12Art. 7, al. 4, loi n° 5-96.

[13Art. 63, Al. 3, loi n°5-96.

[14Art. 75, Al. 1, loi n°5-96.

[15À moins que la société ne comprenne que les deux époux.

[16Sauf si les associés sont au nombre de deux.

[17Un associé ne peut se faire représenter par une autre personne que si les statuts le permettent.

[18Art 47, al.2, loi n°5-96.

[19Art. 51 de la loi 5-96

[20MOTIK (M.), op.cit., p.74.

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