Le constat d’une urgence et d’un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté.
Cet arrêté municipal avait été qualifié par un élu lui-même de punition de « l’occupation abusive des espaces publics » par des « marginaux ». Cette décision administrative s’inscrit dès lors dans la lignée de différents arrêtés municipaux, édicté depuis plusieurs années comme par exemple à Besançon, Saint-Etienne ou encore Bayonne, visant à lutter contre la présence de personnes mendiantes.
La question de la légalité, ou tout du moins du doute sérieux quant à celle-ci, d’un tel arrêté n’est donc pas nouvelle pour le juge administratif qui exerce classiquement un contrôle de la nécessité, de la proportionnalité et du caractère adapté de telles mesures de police administrative [1].
Le Tribunal administratif de Poitiers saisi d’un référé-suspension par la Ligue des droits de l’homme, soutenue par la Fondation Abbé Pierre et la Fédération nationale Droit au logement, a tout d’abord reconnu l’urgence à statuer sur cette demande de suspension de l’exécution de cet arrêté « anti-marginaux ».
Tout d’abord, le Juge des référés a en effet constaté, fort logiquement, qu’au regard de la limitation importante et durable de la liberté d’utiliser et d’occuper l’espace public ainsi que de l’atteinte indéniablement grave à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion, la condition d’urgence nécessaire à l’intervention du jugé du référé-suspension était remplie.
Dans un second temps, le juge des référés du Tribunal administratif de Poitiers a ensuite retenu qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté municipal litigieux nécessitant que la suspension de son exécution soit prononcée, partiellement en l’espèce.
Le maire d’Angoulême a tenté de justifier la prise de cet arrêté municipal par les nombreuses nuisances, provoquées par des groupes d’individus, qui ont données lieu à différentes plaintes et mains courantes déposées par les riverains.
Toutefois, le Juge des référés a constaté que, si ces affirmations étaient vérifiées concernant différentes zones et quartiers visés par l’arrêté, elles ne l’étaient pas en ce qui concerne le quartier de la Gare SNCF, pourtant concerné par l’arrêté « anti-marginaux ».
Dès lors, l’interdiction de « toute occupation abusive et prolongée (…) de nature à porter atteinte à la tranquillité publique et au bon ordre public » a été jugée non nécessaire dans le quartier de la Gare et donc comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté litigieux.
Le juge des référés a en outre considéré que l’interdiction de la « station assise ou allongée (…) ainsi que la station debout » est trop générale. Au regard de son caractère particulièrement imprécis, l’arrêté du maire d’Angoulême, qui constitue une mesure de police administrative, porte une atteindre disproportionnée à la liberté d’aller et venir mais aussi à la liberté de réunion.
L’objectif à valeur constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public ne saurait justifier une telle atteinte selon le juge des référés du Tribunal administratif de Poitiers.
La suspension seulement partielle de l’arrêté.
Par conséquent, le Juge des référés du Tribunal administratif de Poitiers a décidé de suspendre partiellement l’exécution de l’arrêté du 11 juillet 2023, d’une part, en ce qu’il s’applique à des espaces publics, tel que le quartier de la Gare, où aucune preuve de nuisances et plaintes n’est suffisamment rapportée et, d’autre part, en ce qu’il interdit de manière trop générale et disproportionnée toute position statique assise, allongée ou débout.
Cette ordonnance du Juge des référés du Tribunal administratif de Poitiers s’inscrit dès lors dans la position classique du juge administratif qui censure les mesures de police administrative disproportionnées au regard de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public poursuivi, en matière de mendicité ou de marginalité, pour reprendre les termes des élus [2].
Il est notable toutefois de constater que le juge administratif recherche un équilibre permanent entre la protection de l’ordre public, dont les auteurs de ces arrêtés municipaux se prévalent, et les libertés fondamentales d’aller et venir et de réunion.
Cet équilibre conduit en l’espèce à ce que la suspension de l’arrêté du maire de Poitiers ne soit que partielle et non pas totale.
Ainsi, il faudra désormais attendre la décision des juges du fond du Tribunal administratif de Poitiers pour obtenir une réponse définitive sur la légalité de cet arrêté « anti marginaux », mais il est fort possible qu’il survive sur plusieurs secteurs de la Commune.