Les temps d'attente du chauffeur : rémunérés ou pas ? Par Alain Dahan, Avocat

Les temps d’attente du chauffeur : rémunérés ou pas ?

Par Alain Dahan, Avocat

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Explorer : # temps de travail # chauffeurs routiers # rémunération # droit du travail

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La réponse à la question de savoir si le temps qu’un chauffeur de poids-lourd peut passer sur un site, dans l’attente du chargement ou du déchargement de son fret, doit être rémunéré ou non, dépend des circonstances.

Soit on considère que le temps d’attente correspond à une mise à disposition, donc à un travail effectif dument payable.

Soit on considère qu’il s’agit de temps de repos non rémunéré.

Dans un arrêt du 28 septembre 2010, la chambre sociale de la cour de cassation maintient la position qu’elle avait adoptée dans une précédente décision du 7 avril 2010, décision qui avait fait l’objet de nombreux commentaires et relatif à un chauffeur qui avait attendu pendant 5 heures sur une zone de fret dans l’attente d’un chargement.

Dans l’affaire du 28.10.10 concernant un chauffeur qui avait contesté son licenciement pour insuffisance professionnelle et avait, à cette occasion, formulé diverses demandes financières, la cour de cassation a ainsi jugé :

« Attendu que, pour décider que les heures d’attente constituaient un temps de travail effectif et faire droit à la demande du salarié en rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, ainsi qu’en une indemnité pour non-respect du droit au repos compensateur et pour travail dissimulé, l’arrêt retient que celui-ci étant conducteur grand routier, il ne pouvait, pendant celles-ci, vaquer à ses occupations personnelles ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans constater que, pendant son temps d’attente, le salarié se trouvait effectivement à la disposition de l’employeur et était tenu de se conformer à ses directives, sans possibilité de vaquer à ses occupations personnelles, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

On précisera que les fondements juridiques de sa motivation sont les suivants :

Article L3121-1 du code du travail.

« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».

Article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d’application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises.

Extrait :

« 1° La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

La durée du travail effectif ci-dessus fixée est égale à l’amplitude de la journée de travail, définie au paragraphe 1 de l’article 6, diminuée de la durée totale des coupures et du temps consacré aux repas, à l’habillage et au casse-croûte, dans le respect des dispositions de l’article L. 212-4 du code du travail selon lesquelles le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux coupures sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis au premier alinéa de l’article L. 212-4 sont réunis.

Les modalités selon lesquelles les temps de coupure et les temps de restauration sont considérés comme du temps de travail effectif en application des dispositions de l’article L. 212-4 du code du travail peuvent être déterminées, pour la branche, par accord collectif de branche ou, pour l’entreprise ou l’établissement, par accord d’entreprise ou d’établissement. Les accords conclus à l’issue des négociations engagées dans le cadre du présent alinéa peuvent également déterminer les contreparties qui sont le cas échéant attribuées aux personnels roulants pour ces temps de coupures ou de restauration, auxquels ces salariés sont assujettis, et que ces accords ne considéreraient pas comme du temps de travail effectif (...). »

Article 3.1 de l’accord du 23 novembre 1994 sur le temps de service, les repos récupérateurs et la rémunération des personnels de conduite marchandises "grands routiers" ou "longue distance".

« L’objectif des parties signataires du présent accord est de prendre en compte les services passés par les personnels de conduite au service de l’entreprise, dans l’exercice de leur métier.

L’ensemble de ces temps, ou temps de service, comprend par nature, des périodes d’activité d’intensité variable.

A ce titre, sont pris en compte pour 100 p. 100 de leur durée :

- les temps de conduite ;

- les temps d’autres travaux, tels que chargement, déchargement, entretien du véhicule, formalités administratives ... ;

- les temps à disposition tels que surveillance des opérations de chargement et déchargement, sans y participer, et/ou temps d’attente, durant lesquels, bien que n’étant pas tenu de rester à son poste, le conducteur ne peut disposer librement de son temps.

En revanche, ne sont pas pris en compte au titre du temps de service l’ensemble des interruptions, repos, temps pendant lesquels le conducteur n’exerce aucune activité et dispose librement de son temps ».

Avant même l’arrêt déjà cité du 7 avril 2010, la chambre sociale avait rendu une décision similaire le 12 mars 2009 dans les termes suivants :

« Mais attendu qu’est un travail effectif au sens de l’article L. 212-4, devenu L. 3121-1 du code du travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;

Et attendu qu’ayant constaté que le salarié, disposant de liaisons téléphoniques lui permettant d’être informé de l’heure d’arrivée du camion relais ainsi que de sa propre heure de départ, et bénéficiant sur place de la possibilité de prendre son repos en toute quiétude, pouvait vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d’appel, répondant aux conclusions des parties sans être tenue de suivre ces dernières dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ».

Dans cette affaire, le salarié pouvait passer son temps d’attente dans sa caravane personnelle stationnée sur le site.

Il est donc vrai que selon les situations, la nature du temps d’attente dépendra du fait de savoir si l’employeur a donné ou non des directives à respecter durant cette période particulière et si le salarié a la possibilité de vaquer à des occupations personnelles (qu’il use ou non de cette possibilité).

Concédons que, dans la pratique, une telle notion n’est pas toujours aisée à déterminer.

Alain DAHAN, Avocat à Toulouse

maitre.dahan.alain chez free.fr

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