L’économie des avis en ligne.
Les plateformes comme Yelp, TripAdvisor, Google Reviews, Amazon Reviews, et bien d’autres ont créé des marchés où les consommateurs peuvent publier leurs avis et évaluer les entreprises. Ces plateformes captent l’attention des consommateurs à la recherche d’informations et influencent directement les décisions d’achat. Ce type de marketing est souvent appelé "marketing de recommandation" ou "marketing de bouche-à-oreille numérique". Il exploite la puissance des avis des clients pour influencer les décisions d’achat d’autres consommateurs.
L’économie des avis en ligne s’est développée autour de plusieurs aspects clés qui ont transformé la manière dont les entreprises interagissent avec les consommateurs et comment ces derniers prennent leurs décisions d’achat. Selon une analyse de Harvard Business School [3], une augmentation d’une étoile sur Yelp (une plateforme d’avis en ligne) peut se traduire par une augmentation de 5 à 9% du chiffre d’affaires d’un restaurant.
Les avis en ligne ont ainsi donné naissance à une forme de marketing d’influence où les entreprises collaborent avec des influenceurs et des blogueurs populaires pour obtenir des critiques positives ou des recommandations. Cela est particulièrement courant dans les industries comme le voyage, la mode et la technologie.
Une différence entre testeurs rémunérés et testeurs non rémunérés.
Les testeurs rémunérés perçoivent généralement une rémunération pour chaque test effectué, en moyenne 7 euros par test, selon Testapic [4]. Cette rémunération est considérée comme un revenu imposable qu’ils doivent déclarer aux impôts. Cela inclut les paiements en espèces, les chèques, les virements bancaires ou toute autre forme de compensation reçue en échange des services de testeur.
Les testeurs non rémunérés, eux, ne perçoivent pas d’argent mais reçoivent gratuitement les produits à tester, qu’ils peuvent généralement garder après le test. Jusqu’à présent, ces produits gratuits n’étaient pas considérés comme un revenu imposable à déclarer. Cependant, avec la nouvelle loi DAC7 entrée en vigueur en 2024, même les testeurs non rémunérés devront déclarer la valeur estimée des produits reçus gratuitement si elle dépasse un certain seuil.
Tester des produits en ligne : la possibilité d’être rémunéré ou non pour cette activité.
De nos jours, tester des produits s’avère être une opportunité lucrative pour de nombreux consommateurs à la recherche d’un complément de revenu ou d’avantages intéressants. Le rôle d’un testeur de produit, qu’il soit rémunéré ou non, consiste à évaluer divers articles qui lui sont envoyés à son domicile ou de manière virtuelle, allant des cosmétiques aux produits électroniques, en passant par les vêtements, les jeux et bien d’autres. Ce processus implique souvent de s’inscrire en ligne auprès d’une entreprise ou d’une plateforme spécialisée, de remplir un profil détaillé, puis de tester les produits et de fournir un retour d’expérience.
On peut par exemple citer Amazon Vine [5] qui est un programme sur invitation destiné à sélectionner les avis les plus perspicaces des clients d’Amazon qui peuvent passer au statut de testeurs Vine. Ces testeurs reçoivent ensuite gratuitement des produits de diverses marques vendues sur Amazon et partagent leurs avis pour aider les autres clients à prendre des décisions d’achat éclairées.
En échange de ces services, le testeur peut être rémunéré sous différentes formes, que ce soit par chèque, virement bancaire, produits gratuits ou bons d’achat. Cependant, il est important de noter que la réception de "cadeaux" en nature ou rémunérations peut avoir des implications sociales et fiscales. Les cadeaux reçus en tant que testeur de produit peuvent être considérés comme des avantages imposables. Par exemple, si la valeur des produits ou des rémunérations dépasse un certain seuil, le testeur peut être tenu de déclarer ces avantages dans sa déclaration de revenus et de les soumettre à l’impôt sur le revenu.
On ajoutera qu’en dehors des particuliers qui peuvent réaliser ces prestations à titre de complémentarité, certains influenceurs peuvent réaliser cette activité à titre principal, ou encore une fois à titre complémentaire via des placements de produits, par exemple. Porté par Bruno Le Maire, la "Loi influenceurs" du 9 juin 2023 a déjà clarifié le statut de ces nouveaux acteurs du marketing digital qui sont désignés comme des personnes qui, contre rémunération ou avantages en nature, "mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer" en ligne "des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque" (Article 1 de la Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux).
Une question éthique, sociale et fiscale : à partir de quel seuil soumettre les testeurs de produits à la fiscalité ?
La question de savoir à partir de quel seuil soumettre les testeurs de produits à la fiscalité suscite un débat complexe, mettant en balance plusieurs considérations importantes.
D’un côté, soumettre les testeurs de produits à la fiscalité est nécessaire pour garantir une équité fiscale en traitant tous les revenus de manière égale. Les revenus tirés de cette activité, qu’ils soient monétaires ou en nature, sont considérés comme un gain financier et doivent donc être inclus dans le calcul des impôts comme tout autre revenu. De plus, la taxation contribue au financement des services publics essentiels, tels que les infrastructures, les services sociaux et l’éducation, bénéficiant ainsi à l’ensemble de la société. Enfin, en assujettissant les testeurs de produits à la fiscalité, cela garantit une concurrence juste et équitable sur le marché du travail.
D’un autre côté, certains soulèvent des préoccupations quant à la justesse de cette imposition. Le statut de testeur de produits est souvent associé à une activité secondaire ou à un revenu d’appoint, avec des contreparties potentiellement modestes. Imposer leurs revenus pourrait être considéré comme une pénalisation injuste pour les personnes qui tentent spécifiquement d’améliorer leur quotidien. Par ailleurs, il est difficile d’évaluer le bénéfice réel du testeur d’un produit ou d’un service qu’il a obtenu gratuitement et dont il n’a pas nécessairement besoin. Même si la revente des produits physiques est possible, la conversion en espèces n’est pas automatique, ni sans coûts de transaction. D’autres soutiennent également que les testeurs de produits jouent un rôle important dans l’amélioration des produits et que taxer leurs revenus les dissuaderait de participer à leur amélioration. La complexité des règles fiscales concernant les testeurs de produits pourrait enfin conduire à des incohérences et à un manque d’équilibre dans le traitement fiscal des revenus associés.
Nouvelles obligations déclaratives depuis la loi DAC7.
La directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal entre les États membres de l’UE (Directive DAC7), tente d’apporter une réponse à la question de la déclaration fiscale des revenus des testeurs de produits en ligne.
L’objectif principal de cette nouvelle directive est de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. En effet, DAC7 comprend la collecte et le traitement de données sur les commerçants et leurs revenus qui opèrent via des places de marché numériques en ligne et d’autres plateformes. Une coopération entre les Etats membres permet de garantir une fiscalité correcte et transparente au sein de l’UE. Les commerçants seront désormais tenus de déclarer toutes les commissions qu’ils reçoivent de leurs activités.
La directive DAC7 s’applique aux "opérateurs de plateforme" [6], c’est-à-dire les entités permettant la mise en relation par voie électronique entre vendeurs/prestataires et acheteurs pour réaliser des transactions. Ainsi, depuis le 1ᵉʳ janvier 2023, les opérateurs de plateforme, mettant à la disposition d’utilisateurs un dispositif permettant une mise en relation, par voie électronique, afin d’effectuer, directement ou indirectement, certaines prestations limitativement énumérées par le texte, sont dans l’obligation de souscrire auprès de l’administration fiscale une déclaration relative aux opérations réalisées par les vendeurs et les prestataires utilisateurs de plateformes par leur intermédiaire.
Quelles modalités ?
Les plateformes devront collecter et transmettre chaque année à l’administration fiscale :
- Les informations d’identification de chaque vendeur/prestataire (nom, adresse, NIF, etc.)
- Le montant total des rémunérations/contreparties versées par vendeur
- La déclaration relative à la directive DAC7 est une obligation de déclaration annuelle, devant être souscrite au plus tard le 31 janvier de l’année suivante pour les opérations de l’année écoulée. La 1ʳᵉ déclaration était ainsi à déposer avant le 31 janvier 2024 au titre des opérations de l’année 2023. Les plateformes devront également informer chaque année les vendeurs/prestataires des informations les concernant qui ont été transmises à l’administration.
Des sanctions, pouvant aller jusqu’à 50 000 euros d’amende [7], sont prévues en cas de manquement à ces nouvelles obligations déclaratives.
Ainsi, la loi DAC7 introduit de nouvelles contraintes déclaratives importantes pour les plateformes en ligne, y compris celles faisant appel à des testeurs rémunérés ou non, dans un objectif de transparence fiscale accrue sur ces nouveaux modes de revenus.
Les zones d’ombre et les cas d’exonération.
Les testeurs rémunérés doivent déclarer leurs revenus comme tout autre gain financier. En tant que testeurs réguliers de produits pour des plateformes ou des marques, les obligations en matière de déclaration fiscale vont ainsi devenir cruciales avec l’évolution du marketing de recommandation et de la réglementation. Toutefois, la directive DAC7 soulève plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses… et manque également de praticité.
En effet, si les testeurs de produits rémunérés sont concernés et que les plateformes doivent déclarer leurs rémunérations dès qu’elles dépassent un certain seuil, mais ce dernier n’est pas précisé, ajoutant une couche de complexité et de transparence fiscale. Cette fiscalisation vise à garantir une équité et à encadrer les nouveaux métiers du marketing digital.
Par ailleurs, pour les testeurs non rémunérés recevant seulement des produits gratuits, l’application de DAC7 dépendra cette fois de la valeur estimée de ces produits et des seuils fixés par chaque État membre. En France, on peut imaginer que l’administration applique les seuils déjà préexistants dans d’autres domaines, par exemple celui où les particuliers n’ont pas à déclarer les ventes d’objets d’occasion inférieures à 5 000 euros par an lors de brocante. L’instauration d’un seuil européen pour les testeurs de produits aurait permis d’exclure immédiatement les activités vraiment occasionnelles et de faible ampleur.
Au-delà de l’aspect purement déclaratif, cette fiscalisation accrue des revenus vise aussi à lutter contre une potentielle concurrence déloyale par rapport aux acteurs traditionnels de la publicité. Elle participe à l’encadrement et à la professionnalisation de ce nouveau métier en plein essor.
En conclusion, la réglementation fiscale des testeurs de produits évolue pour s’adapter à l’essor du marketing d’influence, nécessitant une vigilance accrue de la part des testeurs et des plateformes. Cette professionnalisation vise à équilibrer les obligations fiscales tout en reconnaissant l’importance des avis en ligne dans l’économie moderne. La directive DAC7, bien qu’elle apporte un cadre, laisse certaines zones d’ombre, surtout pour les testeurs occasionnels. En France, l’application de cette directive pourrait s’inspirer des seuils existants pour d’autres revenus non commerciaux, mais des clarifications sont nécessaires.