Depuis le 1er mai 2008, date d’entrée en vigueur en France de l’Accord de Londres selon les dispositions de la loi du 29 octobre 2007, la traduction du brevet européen rédigé en anglais ou en allemand n’est plus exigée pour sa prise d’effet en France.
L’abandon de cette exigence de la traduction est apprécié très largement par les juges, situation qu’illustre parfaitement un arrêt récent du 2 novembre 2011, n° 10-23162, de la Cour de Cassation.
Dans cette affaire, le brevet avait été déposé le 17 mars 1997 en langue anglaise, et sa délivrance publiée le 23 avril 2003, c’est-à-dire à bien antérieurement au 1er mai 2008, le déposant pouvait donc raisonnablement penser que la traduction était toujours exigée, ce qu’il fit en l’adressant à l’INPI, le 20 août 2009. Certes un événement important pour l’effet de ce brevet se plaçait postérieurement à cette date du 1er mai 2008 : le brevet ayant fait l’objet d’une opposition, la publication de sa version définitive n’était intervenue que le 13 mai 2009.
Pour rejeter le pourvoi contre l’arrêt de Paris qui avait rejeté le recours contre le refus de l’INPI de recevoir cette traduction, la Cour de Cassation, le 2 novembre 2011 retient que les dispositions de l’Accord de Londres et celles de la loi de 2007 « en tant que telles s’appliquent à compter du 1er mai 2008, date d’entrée en vigueur de ces textes, peu important que le texte du brevet européen dans sa version initiale ait été publié antérieurement ».
Donc plus besoin de traduction et peu importe la date de publication du brevet européen.
Cependant, la Cour de cassation pour arriver à cette conclusion considère :
« que les dispositions de l’article 1, alinéa 1er, de l’accord de Londres du 17 octobre 2000, ratifié par la France et celles de l’article 10 de la loi du 29 octobre 2007 s’analysent comme des règles ne touchant pas à l’existence même des droits sur un brevet européen ».
Mais si les règles juridiques applicables à la traduction du brevet ne touchent plus à l’existence du droit, l’INPI a-t-il encore le pouvoir de refuser son dépôt ?
En effet, l’article L411-4 du CPI prévoit que :
« Le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle prend les décisions prévues par le présent code à l’occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle ».
Autrement dit, la traduction n’affectant plus la délivrance, le rejet ou le maintien du brevet, son régime est-il encore soumis au contrôle de directeur de l’INPI ?
C’est un aspect de cette seconde problématique qui a été présenté à la Cour de Cassation et qui a donné lieu à son arrêt du 29 novembre 2011.
4 juin 2002 : dépôt de la demande de brevet européen en allemand ;
14 janvier 2009 : le brevet est délivré, c’est-à-dire postérieurement au 1er mai 2008.
La traduction bien que non exigée est déposée à l’INPI, semble-t-il pour faciliter l’information. Refus de l’INPI. Jusqu’ici rien d’étonnant.
Recours du déposant, mais cette fois la Cour d’appel de Paris se déclare incompétente en retenant selon ce qui en est rapporté à l’arrêt du 29 novembre :
« qu’en vertu des dispositions applicables, le dépôt d’une traduction d’un brevet européen est désormais sans lien avec la délivrance ou le maintien du titre de propriété industrielle et que la demande de la société S… n’a pas pour objet de permettre la délivrance ou d’assurer le maintien de son titre ».
La Cour de Cassation casse cet arrêt d’appel aux motifs :
« que la compétence de la juridiction judiciaire ne se limite pas aux seuls recours contre les décisions du directeur général de l’INPI ayant une incidence directe sur la délivrance ou le maintien des titres de propriété industrielle ».
La Cour d’appel a donc une compétence plus générale mais sur quels actes du Directeur de l’INPI ?
Cette demande de dépôt de la traduction du brevet nous en donnera peut-être une illustration prochainement.