Travail temporaire : modification de la répartition des coûts.

Par Renaud Deloffre, Magistrat.

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Explorer : # tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles # répartition des coûts # entreprises de travail temporaire # prévention des risques

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Un décret publié le 5 juillet 2024-723 modifie la répartition du coût des accidents du travail et des maladies professionnelles entre les entreprises de travail temporaire et les entreprises utilisatrices. Auparavant, la répartition se faisait selon des catégories d'incapacité permanente, mais maintenant elle concerne tous les coûts moyens, qu'il s'agisse d'incapacité permanente ou temporaire.
Description rédigée par l'IA du Village

Un décret du 5 juillet 2024 modifie sensiblement les modalités de répartition des coûts des AT/MP (Accident du travail/Maladies professionnelles) entre les entreprises de travail temporaire et les entreprises utilisatrices, et ce, dans un sens favorable à la prévention des risques.

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À l’attention des lecteurs s’intéressant à la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles mais, également au contentieux de la protection sociale, il convient de signaler la parution au journal officiel du 7 juillet d’un décret n° 2024-723 du 5 juillet 2024 relatif à l’imputation du coût des accidents du travail et des maladies professionnelles des salariés des entreprises de travail temporaire.

On sait que l’article L241-5-1 du Code de la Sécurité sociale prévoit que, selon des modalités à déterminer par un décret d’application, le coût de l’AT/MP est partagé entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice et que le juge peut procéder à une répartition différente en fonction des données de l’espèce.

Plusieurs décrets successifs d’application de cet article L241-5-1 sont intervenus et ont été codifiés dans l’article R242-6-1 du Code de la Sécurité sociale dont la dernière version, antérieurement à l’entrée en vigueur du décret précité du 5 juillet 2024, prévoyait pour les entreprises en tarification mixte ou individuelle et pour les coûts d’incapacité permanente au moins égale à 10% et sauf lorsque l’entreprise utilisatrice est défaillante pour faire l’objet d’une procédure collective de paiement, la répartition du coût moyen à hauteur des deux tiers pour l’entreprise de travail temporaire et d’un tiers pour l’entreprise utilisatrice, avec des modalités spécifiques lorsque cette dernière relève de la tarification collective.

Dans cette dernière configuration, il était prévu par la version du texte antérieure au nouveau décret que le coût de l’AT/MP mis pour partie à la charge de l’entreprise utilisatrice comprenait un tiers du capital représentatif de la rente ou du capital correspondant à l’accident mortel et qu’il entrait dans le calcul des taux collectifs des différentes catégories de risques compte tenu du classement de l’établissement dans lequel le travailleur temporaire effectuait sa mission.

On comprend, sauf erreur, de cette formulation que lorsque l’entreprise utilisatrice relevait de la tarification collective (jusqu’à 19 salariés), le coût n’était pris en considération pour le calcul de sa tarification qu’en cas de décès du salarié et qu’il n’était pas directement supporté par l’entreprise mais entrait dans le calcul de son taux collectif ce qui n’entraînait aucune conséquence significative pour l’entreprise compte tenu de la mutualisation du risque sur l’intégralité des entreprises relevant de la même catégorie de risques.

Enfin l’article R242-6-1, dans des dispositions non modifiées sur ce point, prévoit les modalités applicables à l’entreprise utilisatrice assurant directement la charge totale de la gestion du risque AT/MP et qui doit verser à l’organisme de recouvrement dont elle relève le montant de la fraction du coût mis à sa charge.

On retiendra pour l’essentiel que dans l’état de la réglementation antérieur à l’entrée en vigueur du décret du 5 juillet 2024, si l’on met de côté la problématique des entreprises utilisatrices en tarification collective qui n’avait pas d’incidence concrète pour ces dernières :

  • L’entreprise utilisatrice ne supporte pour sa tarification qu’un tiers des coûts moyens d’incapacité permanente de catégorie 2 à 4, ce qui correspond aux taux d’incapacité permanente de 10 à 19% (catégorie 2), de 20 à 39% (catégorie 3) et de 40 et plus ou au décès de la victime (catégorie 4) à l’exclusion de tout autre coût moyen et notamment les coûts d’incapacité temporaire ainsi que les coûts moyens d’incapacité permanente de catégorie 1 correspondant à un taux d’incapacité permanente de moins de 10%.
  • Le juge du contentieux général devenu le pôle social du tribunal judiciaire peut être saisi d’une demande de répartition différente du coût de l’AT/MP soit dans le cadre d’une procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de la société d’intérim soit en dehors d’une telle procédure, étant rappelé que les litiges concernant la répartition de la charge financière de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice relèvent du contentieux général de la Sécurité sociale [1] et désormais de la compétence du Pôle social territorialement compétent.
  • Dans le cadre de la procédure en reconnaissance de sa faute inexcusable, la société de travail temporaire peut ainsi solliciter d’être garantie par la société utilisatrice des conséquences financières de la faute inexcusable commise par cette dernière, ce qui recouvre les indemnisations revenant à la victime, avancées par la caisse en application de l’article L452-3 du Code de la Sécurité sociale et réclamées par cette dernière à la société d’intérim au titre de son action récursoire mais elle peut également solliciter une répartition différente du coût d’incapacité permanente de catégorie 2 à 4 et notamment sa prise en charge intégrale par l’entreprise utilisatrice.
  • tant la société de travail temporaire que l’entreprise utilisatrice peuvent saisir le Pôle social, en dehors même de toute procédure en reconnaissance de faute inexcusable, d’une demande de répartition différente du coût de l’AT/MP.

Cet état du droit antérieur est sensiblement modifié par le nouveau texte.

Le décret du 5 juillet 2024 supprime d’abord la limitation de l’application de la répartition aux coûts d’incapacité permanente classés dans une catégorie correspondant à une incapacité permanente au moins égale à 10% à la suite de l’AT/MP puisqu’il prévoit que désormais la répartition interviendra « quelle que soit l’incapacité qui en résulte ».

On peut raisonnablement déduire de cette expression, malgré sa légère ambiguïté, que l’intention du pouvoir réglementaire a été de supprimer complètement l’exigence d’un taux minimum d’incapacité permanente posée par l’ancien texte, de sorte que tous les coûts moyens, qu’il s’agisse des coûts d’incapacité permanente ou temporaire et quelle qu’en soit leur catégorie, font l’objet de la répartition entre les deux entreprises.

Le décret du 5 juillet 2024 modifie ensuite la répartition du coût de l’AT/MP entre les deux entreprises puisqu’à la répartition deux tiers/un tiers est substituée la répartition par moitié du coût moyen, toujours sous réserve d’une répartition différente par le juge.

Enfin, on indiquera pour être complet que s’agissant désormais des entreprises utilisatrices en tarification collective, le coût de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle mis pour partie à la charge de l’entreprise utilisatrice en application de l’article L241-5-1 comprend la moitié des prestations et indemnités autres que les rentes versées, ainsi que la moitié du capital représentatif de la rente ou du capital correspondant à l’accident mortel, et que ce coût continue à entrer dans le calcul des taux collectifs des différentes catégories de risques compte tenu du classement de l’établissement dans lequel le travailleur temporaire effectuait sa mission.

L’entreprise utilisatrice en tarification collective n’est donc toujours pas affectée de manière significative puisque le risque est mutualisé et qu’elle ne subit du fait de l’AT/MP que l’augmentation du taux collectif correspondant à son code risque.

On voit que, sauf pour les entreprises utilisatrices en tarification collective, le nouveau texte va manifestement dans le sens d’une plus grande responsabilisation de l’entreprise utilisatrice puisqu’il fait supporter à cette dernière, qui organise le travail de l’intérimaire et génère donc l’essentiel des risques d’AT/MP auxquels ce dernier est exposé, une part de coûts qu’elle ne supportait pas antérieurement et augmente sensiblement la part mise à sa charge, ce qui devrait l’inciter à une meilleure prévention de ces risques.

Par ailleurs, le texte contient des dispositions régissant son application dans le temps puisqu’il prévoit que l’article R242-6-1 du Code de la Sécurité sociale dans sa rédaction issue du présent décret entre en vigueur pour la détermination des cotisations relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles à compter de l’année 2026 mais que :

  • 1° Pour déterminer les cotisations de l’année 2026, le calcul du coût des accidents du travail ou des maladies professionnelles classés en 2022 ou en 2023 demeure effectué selon les modalités prévues par ce même article dans sa rédaction en vigueur à la date de publication du présent décret.
  • 2° Pour déterminer les cotisations de l’année 2027, le calcul du coût des accidents du travail ou des maladies professionnelles classés en 2023 demeure effectué selon les modalités prévues par ce même article dans sa rédaction en vigueur à la date de publication du présent décret.

Il s’ensuit que la nouvelle rédaction s’applique à partir du calcul des cotisations 2026 mais uniquement pour les coûts imputés en 2024 puisque ceux imputés sur les comptes des entreprises en 2022 et 2023 restent déterminés selon les anciennes modalités, c’est-à-dire selon l’ancienne répartition 2 tiers/1 tiers.

Il s’ensuit en outre que la nouvelle rédaction s’appliquera également au calcul des cotisations 2027 sauf pour les coûts imputés en 2023 qui restent calculés selon les anciennes modalités tandis que coûts imputés ou devant être imputés en 2024 et 2025 doivent être calculés selon les nouvelles modalités.

Renaud Deloffre
Conseiller à la Chambre de la Protection Sociale de la Cour d’Appel d’Amiens
Docteur de troisième cycle en sciences juridiques

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[12e Civ., 15 décembre 2016, pourvoi n° 15-29.149, Bull. 2016, II, n° 279.

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  • par LM-D , Le 9 juillet 2024 à 15:38

    Cher Renaud Deloffre,

    Merci beaucoup pour votre rapide article (comme à vos habitudes) sur ce sujet qui confirme mon interprétation. Ce sont tant les incapacités temporaires que permanentes qui sont visées par ce nouveau décret. Sacré révolution ! La question que l’on peut désormais se poser c’est : Est-ce que ce changement important de répartition aura un impact sur la qualité à agir de l’entreprise utilisatrice post notification PEC et IP ? A suivre...

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