Le Code du Travail prévoit dans son article L 1121-1 que « Nul ne peut porter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Au sein de l’entreprise, le salarié bénéficie comme l’ensemble des citoyens, du droit au respect de sa vie privée.
Ce principe déjà codifié par le Code Pénal et le Code de Procédure Civile, a été réaffirmé en 2001 par la Cour de Cassation : « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur » (Soc. 2 octobre 2001 n° 99-42942).
Quel est le sort des fichiers crées au temps et lieux du travail, avec les outils mis à la disposition par employeur ?
La Haute Cour a considéré que les dossiers et fichiers crées par un salarié grâce aux outils de travail, sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès sans la présence du salarié, à moins que celui-ci ait identifié ces dossiers comme étant personnels (Chb. mixte 18 mai 2007 - n°05-40803).
Il appartient au salarié d’identifier ses ficher comme « personnel » ou « privé ».
L’usage à des fins personnelles des outils mis à la disposition des salariés est une tolérance de l’employeur. Cette tolérance à pour limite la désorganisation du travail.
Une utilisation trop importante de la messagerie électronique à des fins personnelles peut-elle être un motif de licenciement ?
C’est ce que vient de décider le Conseil Prud’hommes d’Angers le 30 janvier 2009.
L’ancienne salariée estimait que son licenciement était abusif puisque ses emails étaient rédigés durant son temps de déjeuner, et qu’il y avait eu de la part de son ex employeur, une violation de sa vie privée.
La thèse soutenue par l’employeur et reprise par le Conseil de Prud’hommes était qu’il ne pouvait y avoir de violation de la vie privée puisque la découverte de l’envoi de ces mails était consécutive à une recherche de virus dans le système informatique, et qu’au surplus, les mails n’avaient pas été lus, mais simplement constatés.
Le problème est complexe.
L’employeur peut toujours interdire l’utilisation d’internet à des fins personnelles. Mais comment peut-il s’assurer du respect de cette interdiction, sauf à explorer le système informatique de l’entreprise et relever le nombre de connexion par poste, par jour, le nom des sites... ?
Le plus simple serait d’établir une charte ou inscrire dans le règlement intérieur de l’entreprise, la possibilité d’utiliser internet à des fins personnelles (messagerie, sites...) de façon raisonnable de manière à ne pas désorganiser le travail.
Cette charte pour des raisons évidentes de sécurité, doit préciser qu’il est formellement interdit d’accéder à des sites pour adultes, des sites de jeux (réseau ou argent), de partage de données...
L’employeur peut également avec l’aide de son service de maintenance informatique, bloquer l’accès à ces sites en mettant en œuvre une politique de protection et de sécurité.
L’employeur peut toujours demander à accéder au fichier « privé » du salarié, en sa présence ou sur autorisation d’un Juge.
L’employeur peut également avoir accès aux fichiers de ses salariés avec le concours de l’administrateur réseau s’il justifie d’une urgence ou de l’existence d’un virus, même en l’absence du salarié.
Il ne faut pas oublier que l’on est soumis au droit du travail, et qu’en vertu du lien de subordination qui existe, l’employeur donne des instructions, et s’assure que ses employés remplissent les missions qui leur on été confiées.
L’élément déterminant sera donc la notion de désorganisation du travail.
Si le temps passé à surfer sur internet ou à envoyer des messages privés, réduit considérablement le temps consacré au travail, de façon à ce que les missions confiées au salarié s’en trouve désorganisées, le licenciement sera justifié.
Karine Geronimi
Avocat au Barreau de Paris