Cars Macron : Le Conseil d'État valide le raisonnement de l'ARAFER. Par Benjamin Boiton, Avocat.

Cars Macron : Le Conseil d’État valide le raisonnement de l’ARAFER.

Par Benjamin Boiton, Avocat.

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Explorer : # libéralisation du transport # transport interurbain par autocar # régulation économique # impact économique

Retour sur la notion d’« atteinte substantielle » à l’équilibre économique d’une ligne de service public de transport par la création d’un service régulier interurbain de transport par autocar autorisé par la loi Macron.

(CE, 20 mars 2017, n°401751, CE, 23 décembre 2016, n°s 399081 et 399723).

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La loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a bouleversé le secteur du transport routier de personnes en libéralisant sur le territoire national le transport de passagers par autocar.

Jusqu’à cette loi, les compagnies d’autocar ne pouvaient proposer que des trajets franco-français sur une liaison internationale.

Désormais, les entreprises de transport public routier de personnes établies sur le territoire national peuvent assurer des services réguliers interurbains, sans se rendre à l’étranger, à condition qu’une distance de 100 kilomètres au moins sépare deux arrêts (articles L.3111-17 et suivants du code des transports).

Flixbus, Eurolines, Migratour, autocars Faure, OuiBus, Starshipper et Frethelle sont les principaux opérateurs de transport par autocar en France ayant instauré de nouvelles liaisons interurbaines depuis la loi Macron.

Tout nouveau service de transport interurbain par autocar doit faire l’objet, préalablement à son ouverture, d’une déclaration auprès de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER).

Cette déclaration est publiée sans délai.

Toute autorité organisatrice de transport (AOT) d’une ou plusieurs lignes de service public réalisant sans correspondance la même liaison que celle déclarée par l’opérateur d’autocar peut alors s’opposer ou limiter le service projeté si elle estime que celui-ci porte une « atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d’être concurrencées ou à l’équilibre économique du contrat de service public de transport concerné » (L. 3111-18 du code des transports).

L’AOT doit transmettre à l’ARAFER son projet d’interdiction ou de limitation du service dans un délai de deux mois à compter de la publication de la déclaration. L’ARAFER dispose alors d’un délai de 2 mois, prorogeable un mois, pour rendre un avis conforme.

A défaut d’avis rendu dans ces délais, l’avis est réputé favorable.

Si l’ARAFER n’est pas saisie par une ou plusieurs AOT, le service de transport par autocar peut être instauré sans limitation.

A ce jour, l’ARAFER a rendu 80 avis relatifs à des projets de décisions de Régions françaises visant à interdire ou limiter de tels services de transport.

L’analyse de l’ARAFER suit les étapes suivantes (décision de l’ARAFER n°2016-137 du 12 juillet 2016) :

étape 1 : existence d’un service conventionné. Cette étape consiste à vérifier l’existence d’une ligne de service public réalisant, sans correspondance, soit la même liaison que celle déclarée par l’opérateur soit une liaison similaire à la liaison déclarée (lorsque les villes d’origine et de destination sont distantes d’au plus 5 km).

étape 2 : vérification de la conformité du périmètre demandé par l’AOT avec l’article L. 3111-18 du code des transports. Pour apprécier l’atteinte portée aux services qu’elle organise, l’AOT peut retenir comme périmètre d’analyse la ligne ou les lignes de service public de transport susceptibles d’être concurrencées voire le contrat de service public de transport dans son ensemble. L’Autorité considère que la maille la plus fine d’appréciation de l’existence d’une atteinte substantielle à l’équilibre économique ne peut être qu’une ligne conventionnée dans sa totalité, et non un segment de ligne ou une liaison.

étape 3 : analyse de la substituabilité. Cette étape consiste à analyser la substituabilité entre le service conventionné et le service librement organisé du point de vue de la demande. Il s’agit d’apprécier si les clients du service conventionné considèrent ou non que le service librement organisé est une offre de transport alternative qu’ils pourraient utiliser, et dans quelle proportion. Les critères analysés par l’ARAFER sont, notamment : la localisation des arrêts desservis, les temps de parcours proposés, les horaires, les fréquences.

étape 4 : estimation du risque d’atteinte à l’équilibre économique. Le nombre estimé de voyageurs se reportant du service conventionné vers le nouveau service (étape 3) est ensuite valorisé pour exprimer le risque d’atteinte en termes de perte potentielle de recettes.

étape 5 : appréciation du caractère substantiel du risque d’atteinte à l’équilibre économique. Il s’agit d’apprécier si l’estimation réalisée à l’étape 4 permet de conclure à une atteinte substantielle ou non.

Selon l’ARAFER, il s’agit de comparer la perte de recettes commerciales induite par le report de clientèle du service conventionné vers le service librement organisé par autocar avec d’une part, les recettes commerciales que génère le service conventionné sur le périmètre d’analyse (les recettes directes du trafic) et, d’autre part, le montant des concours publics à la charge de l’AOT sur le même périmètre, qui couvrent l’écart entre l’ensemble des coûts, en ce compris la marge de l’exploitant, et les recettes directes du trafic.

Pour l’ARAFER, quand bien même le manque à gagner sur les recettes tirées de l’exploitation du service conventionné pourrait être significatif, l’atteinte à l’équilibre économique de ce dernier ne peut être correctement appréciée que par rapport à l’engagement financier que l’autorité organisatrice de transport y consacre, et non par rapport à des recettes perçues auprès des usagers qui ne seraient qu’accessoires dans le financement du service.

L’analyse se fait au cas par cas.

L’ARAFER a par exemple considéré qu’un impact compris entre 5 % et 7 % du montant des concours publics versés par l’AOT ne pouvait être qualifié de substantiel (avis n° 2016-049 et n° 2016-071).

A l’inverse, elle a estimé qu’un impact pouvant atteindre 15 % à 18 % du montant des concours publics versés par l’AOT devait être considéré comme substantiel (avis n° 2016-037, n° 2016-040 et n° 2016-042).

Le Conseil d’État s’est prononcé à trois reprises sur la légalité d’avis défavorables de l’ARAFER, tous relatifs à des projets de décisions de la Région Acquitaine – Limousin – Poitou – Charente (CE, 20 mars 2017, n°401751, CE, 23 décembre 2016, n°s 399081 et 399723).

Dans ces affaires, la Région estimait que les nouvelles dessertes projetées par les sociétés Starshipper et FlixBus France entre Brive-la-Gaillarde et Périgueux, Limoges et Brive-la-Gaillarde et, enfin, Niort et Poitiers portaient une atteinte substantielle à l’équilibre économique des lignes ferroviaires qu’elle organise au titre du service public des TER.

L’ARAFER a rendu 3 avis défavorables aux projets de la Région après avoir comparé la perte de recettes commerciales induite par le report de clientèle du service de TER vers le service de transport par autocar avec, d’une part, les recettes commerciales du service de TER et, d’autre part, le montant de la compensation versée par la région au service de TER.

Pour le Conseil d’État, ce raisonnement n’est pas contestable dans la mesure où l’équilibre du service de TER dépend « pour une part importante des subventions publiques dont il bénéficie ».

Au fond, le Conseil d’État valide la grille d’analyse de l’ARAFER et notamment l’étape 5 précitée.

Dans la première affaire, la perte de recettes maximales du service de TER du fait du report d’usagers vers l’autocar a été évaluée à 190.000 euros alors que les subventions publiques versées par la région sont de 13 millions d’euros et les recettes commerciales de 1.1 millions d’euros.

Pour le Conseil d’État, l’impact de 1.5% sur le montant des concours publics versés par l’AOT ne peut pas être qualifié de substantiel.

Dans la deuxième affaire, la perte de recettes maximales du service de TER du fait du report d’usagers vers l’autocar a été évaluée à 81.545 euros alors que les subventions publiques versées par la région sont de 3,6 millions d’euros et les recettes commerciales de 652.000 euros.

L’impact sur le montant des concours publics versés par l’AOT n’était ici que de 2,3%.

Dans la troisième affaire enfin, la perte de recettes maximales du service de TER du fait du report d’usagers vers l’autocar a été évaluée à 340.000 euros alors que les subventions publiques versées par la région sont de 10,7 millions d’euros, soit un impact de 3.2%, et les recettes commerciales de 4,7 euros.

Benjamin BOITON
Avocat au Barreau de Lyon
Droit public économique

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