Chefs d'entreprise : à l'heure de la cession. Par Marc Chastaing, Consultant.

Chefs d’entreprise : à l’heure de la cession.

Par Marc Chastaing, Consultant.

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Explorer : # cession d'entreprise # transmission d'entreprise # repreneur # financement

La cession est l’une des étapes, peut-être parmi les plus délicates, de la vie de l’entreprise. Il s’agit en effet d’une procédure dont les motivations et les objectifs peuvent être de nature très différents, et qui a la particularité de mêler des ressorts financiers, fiscaux, législatifs, stratégiques mais aussi sociaux… et affectifs.

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Quand vient l’heure de la cession…

On croit souvent que la cession d’une entreprise intervient à l’heure où son dirigeant part à la retraite. Selon l’observatoire CRA (Cédants & Repreneurs d’Affaires) de la transmission des TPE PME (1), s’il s’agit bien du motif principal des cessions, il est loin d’être exclusif : il ne concerne en effet que 62% des cas. Une donnée que confirme la dernière étude de l’observatoire de la BDCE, qui observe que 54% des cessions interviennent avant les 55 ans du dirigeant en place.

Ainsi l’heure de la cession n’est pas seulement déterminée par l’âge de son dirigeant : il s’agit souvent, surtout, d’une étape stratégique dans la vie et le développement de l’entreprise. Elle doit donc être préparée en tant que telle, dans chacune de ses dimensions.

Des objectifs aux financements en passant par la fiscalité : une opération aux multiples tenants

Prendre la décision de céder son entreprise peut répondre à des objectifs très différents : le dirigeant peut vouloir se désengager totalement, ou partiellement seulement, de son affaire. Il peut aussi choisir cette option pour réinjecter des capitaux dans son entreprise, en cédant tout ou partie des parts qui lui appartiennent – sans pour autant abandonner le management.

La nature du repreneur visé peut aussi varier : il peut s’agir d’une transmission familiale, réalisée à titre gratuit. Il peut aussi s’agir d’une cession à un collaborateur, ou à ses salariés. Cette fameuse « reprise d’entreprise par les salariés », très en vogue dans les discours, est encore rare dans les faits. Le projet de loi Hamon souhaite d’ailleurs la favoriser en obligeant les entreprises de moins de 50 salariés à informer ces derniers en amont de tout projet de cession – une proposition particulièrement soumise à controverse. Mais le plus souvent, il s’agit d’une cession à l’extérieur, c’est-à-dire à un autre dirigeant ou une autre entreprise. Ces cas représentent, selon le CRA, 44% des cessions (quand 34% des entreprises seulement sont cédées en interne).

Les problématiques liées à l’évaluation financière de l’entreprise et à la fiscalité de l’opération sont complexes. Plusieurs organismes (CRA, APCE et CCI notamment) peuvent accompagner cédants et repreneurs dans ces démarches. Le financement peut quant à lui être affaire de fonds propres, prêts bancaires, business angels ou fonds dits de capital-transmission, des acteurs clés dans les processus de cession. Ils sont en effet spécialisés dans la préparation, la mise en place, le financement et le suivi des opérations financières liées à la transmission d’entreprises : LBO, MBO et OBO principalement. Ces acteurs, qui ont pour vocation de permettre la transition entre deux propriétaires, rachètent des parts avant de les céder au nouvel actionnariat. Ils s’appuient sur des montages financiers mêlant apport de capital et endettement, « un montage assez similaire à celui utilisé pour l’acquisition d’un bien immobilier à usage locatif [… ], [où] le particulier apporte 10 à 15 % de la valeur du bien et […] emprunte le reste », explique Dominique Nicolas de l’AFIC, à propos des LBO. Fin 2012, CM – CIC Finance a par exemple investi 2 millions d’euros dans la société Le Créneau Industriel pour permettre la transition entre ses deux fondateurs et le reprenant Laurent Combaz (2), tout en sécurisant le développement de l’entreprise.

Une opération source d’opportunités… mais aussi de risques

Quelle que soit la nature du repreneur ou du financement, l’objectif partagé par le cédant et le repreneur est généralement, a minima, de pérenniser l’existence de l’entreprise, et, si possible, de lui permettre de se développer davantage. Certaines success stories l’illustrent bien : en 2009, Christophe Charpilienne reprend Sénéchal, entreprise de bâtiment spécialisée dans le second œuvre. Malgré la crise, le repreneur parvient à multiplier par deux le chiffre d’affaires de Sénéchal en 4 ans. Christophe Charpilienne explique : « cette croissance a été réalisée en préservant les grands équilibres de l’entreprise, sa rentabilité, la qualité de ses travaux, le tout, sans remettre en cause ses fondamentaux ». Une stratégie complétée aussi par une extension des métiers (peinture de logements, isolation thermique…), et géographique. La reprise d’une PME par une autre entreprise peut également bénéficier aux deux entités : en 2004, Hager, société de matériel électrique, prend une participation majoritaire chez Atral, PME qui fabrique des automatismes et alarmes sans fil. L’objectif pour Hager est alors de se positionner sur ce créneau porteur. Pour Atral, il s’agit de s’appuyer sur un portefeuille client plus large et l’assise financière d’un grand groupe. Près de 10 ans plus tard, l’intégration a tenu ses promesses et Atral a continué à se développer.

Mais la cession est une opération qui n’est pas sans risques, comme peuvent en témoigner certains… Quand Jean-Michel Germa a cédé la majorité des parts de son entreprise pionnière de l’éolien, La Compagnie du Vent, celle-ci était leader sur son marché. La société travaille alors sur la préparation de l’important projet du parc éolien offshore dit des Deux-Côtes, au large du Tréport. Il faut à ce moment faire entrer des capitaux pour financer son développement : c’est ainsi que GDF Suez en devient en 2007 actionnaire majoritaire. Jean-Michel Germa conserve des parts, et en reste le dirigeant. Mais, contre toute attente, GDF Suez, au lieu de soutenir sa filiale sur cet important projet, récupère l’ensemble des travaux préparatoires réalisés par La Compagnie du Vent et la relègue à l’arrière-plan, pour présenter un autre projet en partenariat avec Areva et Vinci – projet qui n’a pas été retenu car jugé pas assez compétitif. Un manque à gagner pour la PME écartée que Jean-Michel Germa chiffre à 245 millions d’euros, qui fait peser un risque non négligeable sur sa survie à moyen terme, et, plus immédiatement, sur ses emplois. Jean-Michel Germa, qui a été révoqué au passage, livre désormais une bataille judiciaire contre le groupe qui a racheté son entreprise, afin de faire valoir les intérêts de la société qu’il a créée : « Je reste bien entendu ouvert au dialogue dans l’intérêt du projet des Deux Côtes. Mais je n’accepterai jamais que l’intérêt social et économique de La Compagnie du Vent ne soit pas pleinement préservé », a-t-il déclaré.

De la responsabilité du repreneur

Passer la main n’est jamais une action anodine : il faut accepter de perdre, totalement ou partiellement, le contrôle de l’entreprise que l’on a souvent fait naître, et grandir. Pour le meilleur… ou pour le pire : le guide du Medef sur « Transmettre son entreprise » parle bien des « risques de démembrement, délocalisation ou trop fort impact social » liées aux cessions. Ce qui confère au repreneur une responsabilité particulièrement importante : il doit protéger une activité déjà existante, faute de quoi c’est une entité toute entière qu’il met en danger… et ses salariés avec elle !

(1) http://www.cra.asso.fr/IMG/pdf/Observatoire_2013_04.pdf

(2) http://www.cmcic-capitalfinance.com/fr/a-propos-de-CM-CIC-Capital-Finance/actualites/communiques/2012-12-20_Transmission-transition-en-douceur-pour-Le-Creneau-Industriel.pdf

Marc Chastaing

Consultant indépendant, Stratégie & Développement des entreprises, Belgique

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