Les affaires portées devant les tribunaux par les ayants-droits d’auteur ne manquent évidemment pas. Elles font d’ailleurs parfois l’objet de procédures multiples et très longues tant la matière donne place à l’interprétation (voir notamment la saga judiciaire autour du film documentaire “Être et avoir” concernant la question de savoir si les œuvres reproduites au mur d’une salle de classe de campagne étaient ou non accessoire au film ou constituait une contrefaçon de l’œuvre ainsi représentée).
Pourtant, il est des affaires dont l’issue ne laisse aucun doute. Tel est le cas dans un litige de contrefaçon de droit d’auteur porté devant la justice américaine concernant le film “Minuit à Paris” de Woody Allen, opposant les ayants-droits de l’écrivain américain William Faulkner, FAULKNER LITERARY RIGHTS, LLC (ci-après FLR) au producteur du film, SONY PICTURES CLASSIC (ci-après SONY) [1].
Dans le film, l’un des personnages, fervent admirateur de Faulkner, le cite lors d’un dialogue avec sa fiancée : “The past is not dead ! Actually, it’s not even past. You know who said that ? Faulkner. And he was right. And I met him, too. I ran into him at a dinner party”.
FLR estimait que cette citation constituait la contrefaçon des droits d’auteur de William Faulkner sur le passage “The past is never dead. It’s not even past.” (extrait du livre “Requiem for a Nun”).
Le juge appelé à juger du sérieux des faits justifiant l’action engagée à l’encontre de SONY laissa présager de sa décision en commençant par remercier les parties de ne pas avoir à comparer “The Sound and the Fury” – “Le bruit et la Fureur”, autre livre de William Faulkner – avec le film de science-fiction “Sharknado”, dont l’histoire, comme son nom l’indique, est centrée sur une tornade de requins-volants…
L’exception de courte citation (de minimis non curat lex) et l’examen du caractère substantiel sur les plans qualitatifs et quantitatifs de la reproduction au regard de l’œuvre prise dans son ensemble sont examinés par le juge dans le cadre du moyen de défense basé sur le “fair use” (usage loyal) figurant au Copyright Act [2].
Le juge relève divers éléments : les contextes factuels de la citation sont très différents d’une œuvre à l’autre, les genres des œuvres diffèrent également (film/livre), la citation représente 8 secondes dans un film de 90 minutes, ne constitue pas une reprise substantielle ni qualitativement ni quantitativement du livre de Faulkner pas plus qu’elle ne contribue en tant que telle à la valeur commerciale du film.
L’action en contrefaçon de droit d’auteur est donc rejetée.
Cette interprétation, conforme aux dispositions et à l’esprit de la Convention de Berne [3] dont sont membres les États-Unis et la France, aurait certainement également été retenue en France.
En effet, la loi prévoit expressément que “lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées” (article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle).
L’on peut certes se méprendre sur l’étendue de ses droits, mais cette action suscite l’incompréhension, le film ayant au contraire valorisé l’œuvre de Faulkner et explicitement cherché à rendre hommage à l’auteur en lui-même. Comme l’indique le juge lui-même, “How Hollywood’s flattering and artful use of literary allusion is a point of litigation, not celebration, is beyond this court’s comprehension”…