Entrepreneurs, commerçants, artisans ; l’E.I.R.L. est faîte pour vous !

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Explorer : # protection du patrimoine # entrepreneur individuel # responsabilité limitée # régime fiscal

Une nouvelle loi va permettre de limiter les risques pour les entrepreneurs, commerçants, artisans, indépendants en isolant, du patrimoine privé, les risques de l’activité professionnelle.

Cette initiative, révolution de notre droit, créé un véritable patrimoine d’affectation au sein duquel l’entrepreneur pourra choisir de loger les biens qu’il souhaite soumettre aux risques de son activité et aux droits de ses créanciers professionnels.

Les notaires, conseils familiaux et patrimoniaux de l’entrepreneur, apporteront, aux côtés des conseils comptables, leur expertise pour faire les bons choix avec ce nouveau statut.

Par Vincent Pilarczyk, Diplômé Notaire ; Hubert Mroz, Diplômé Notaire, Chargé d’enseignements Skema Business School, et Emmanuel Deramecourt, Notaire associé, membres de l’Institut Notarial de l’Entreprise et des Sociétés (INES) et de Notaires Conseils d’Entrepreneurs.

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1) Qu’est ce que l’EIRL ?

L’EIRL, déclinaison d’ « Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée » est un dispositif juridique nouvellement voté par le Parlement (1). Il s’agit d’un nouveau statut qu’un chef d’entreprise peut adopter pour l’exercice de son activité. L’intérêt essentiel est de lui permettre de limiter les conséquences des risques de l’entreprise sur son patrimoine personnel.

C’est un nouveau dispositif de protection du patrimoine de l’entrepreneur.
Son contenu est totalement innovant et l’EIRL était de longue date appelée des vœux des praticiens du droit des affaires

2) Qui peut opter pour l’EIRL ?

Le dispositif est ouvert à tout entrepreneur indépendant, qu’il soit commerçant, artisan, agriculteur, libéral (profession libérale) ou auto-entrepreneur. L’EIRL est donc ouvert à tout entrepreneur individuel, personne physique.

Les personnes morales sont de fait exclues du dispositif.

L’EIRL n’est pas non plus accessible aux gérants ou dirigeants de société (SARL, SA, SAS, SNC, etc) qui souhaiteraient utiliser le dispositif pour protéger leur patrimoine personnel des risques de la société qu’ils dirigent.

3) L’EIRL : comment ça marche ?

La mise en place de l’EIRL s’est voulue très simple.

Il s’agit pour l’entrepreneur d’effectuer une déclaration écrite détaillée aux termes de laquelle l’entrepreneur déclare affecter à un patrimoine professionnel tous les biens et droits dont il est titulaire et qui sont nécessaires à l’exercice de son activité (clientèle, immeuble, liquidités, outillage, matériel, droit au bail, etc).

Ce patrimoine professionnel étant ainsi identifié et enregistré, c’est lui et lui seul qui répondra des dettes professionnelles de l’entrepreneur. Une fois cette déclaration effectuée, le patrimoine personnel ne pourra plus répondre des dettes professionnelles nées après l’option pour l’EIRL.

4) Qu’est-ce qui est protégé avec l’EIRL ?

La loi prévoit que seul le patrimoine professionnel ainsi affecté (et rendu public avec le registre du commerce ou encore le répertoire des métiers) répondra des dettes professionnelles. Cela signifie qu’après le dépôt de la déclaration, le patrimoine purement personnel (dont le logement, les comptes bancaires et autres biens non professionnels) est protégé, dans son intégralité, des dettes professionnelles.

Il faut cependant noter que des créanciers professionnels pourront sans doute continuer à demander l’affectation de certains biens ou des garanties sur le patrimoine personnel (hypothèque par exemple) pour être garantis du remboursement de financements professionnels.

5) Quelles précautions faut-il prendre et quelles sont les obligations de l’EIRL ?

Même si les choses paraissent simples, il existe des contraintes à respecter.
En effet, pour bénéficier légalement de la protection, il est impératif pour l’entrepreneur de suivre scrupuleusement le formalisme attaché à cette déclaration, ainsi que d’obtenir et joindre des rapports d’évaluation (2).

Il est également indispensable de bien scinder les comptes bancaires personnels des comptes bancaires professionnels. Cela est très souvent fait en pratique, mais pas toujours. Dans tous les cas, il est impératif pour l’EIRL d’ouvrir un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’exercice de l’activité.

Il devra également tenir et déclarer une comptabilité autonome.
Il est prévu par la loi que la protection du patrimoine personnel disparait en cas de fraude ou de « manquement grave » aux obligations auxquelles l’EIRL est assujetti, mais également en cas de non respect de la législation fiscale ou sociale.

Compte tenu des règles très spécifiques à respecter et de l’anéantissement de la protection en cas de non respect de celles-ci, l’entrepreneur sera bien inspiré de prendre contact avec son conseil comptable et son notaire afin d’être assisté dans la préparation de sa déclaration. Il sera nécessaire dans tous les cas de recueillir de leur part des rapports d’évaluation des biens affectés au patrimoine professionnel.

6) Que se passe t-il en cas de problèmes (difficultés financières/décès) ?

Certaines précisions sur le dispositif font encore défaut pour répondre de façon certaine à cette question.

Même si l’EIRL figure désormais dans la loi, l’ensemble de son régime juridique n’est pas encore totalement adopté.

Il est possible toutefois d’indiquer qu’en cas de décès de l’entrepreneur, les dettes professionnelles n’auraient pas de répercussions sur la succession ni sur les héritiers. La protection jouerait du vivant de l’entrepreneur comme après son décès.

En cas de faillite de l’EIRL, le souhait du législateur est de ne pas faire rejaillir les difficultés de l’entreprise sur le patrimoine personnel. Le futur complément qui sera apporté au régime juridique devrait conforter cette attente.

7) Quelle différence entre EIRL, EURL/SARL, auto-entrepreneur ? Quelles différences avec les autres techniques de protection du patrimoine ?

La grande innovation du dispositif est de laisser la possibilité de créer un « patrimoine professionnel affecté », distinct du patrimoine personnel. Jusqu’alors, pour créer un second patrimoine et isoler les biens personnels des dettes professionnelles, il fallait créer une personne « morale » autonome : une société (EURL, SARL, SAS, etc).

La constitution d’une société présente, encore et malgré tout, beaucoup d’avantages que le présent article ne peut aborder, mais elle ne paraît plus nécessaire pour isoler les dettes professionnelles.

Retenons que tout entrepreneur individuel a intérêt à étudier l’option pour l’EIRL, y compris les auto-entrepreneurs. En effet, le statut d’auto-entrepreneur n’est qu’un statut fiscal et social particulier (faible fiscalité et faibles charges) et l’auto-entrepreneur reste entièrement responsable, sur son patrimoine personnel, des dettes nées dans la cadre de sa (petite) entreprise.

8) Quel est le régime fiscal de l’EIRL ?

C’est l’autre grande innovation de ce dispositif. L’entrepreneur ayant opté pour le statut de l’EIRL peut décider d’assujettir les revenus de son activité à l’impôt sur les sociétés (IS) jusqu’alors réservé aux sociétés. Rappelons que le taux de l’IS est de 15% à concurrence de 38.120 € de bénéfices et de 33,33% au-delà.

A cet effet, nombre d’entrepreneurs individuels déjà installés vont pouvoir trouver intérêt à passer en EIRL et à opter pour l’IS. Ils devront toutefois bien prendre garde, avec leurs conseils habituels, aux conséquences fiscales de cette option pour l’IS.

9) Quel est le régime « social » de l’EIRL ?

Sur le principe, rien ne change par rapport à l’entreprise individuelle telle que nous la connaissons actuellement. L’EIRL dépendra, comme l’entrepreneur individuel « classique » du régime des non salariés (dit « régime TNS »).

Cependant, une innovation est tout de même notable en la matière pour les EIRL qui auraient décidé d’opter pour l’IS comme dit précédemment. En effet, et comme c’est le cas pour les sociétés soumises à l’IS, les charges sociales ne seraient calculées que sur les seuls bénéfices de l’entreprise prélevés par l’entrepreneur. Tant que le solde des bénéfices restera sur le compte de l’entreprise, ou affecté au patrimoine de l’entreprise, il échappera aux cotisations sociales.

Cela ne permet donc pas d’échapper aux charges sociales, mais de choisir le moment où elles seront exigibles, si elles doivent effectivement l’être.

10) A partir de quand je peux passer en EIRL et combien cela coûte t-il ?

Même si l’EIRL a été adoptée et le texte de loi publié… aucune déclaration d’EIRL ne peut être enregistrée tant que l’autre partie du régime juridique n’aura pas été votée ! Cela nous oblige donc à patienter encore quelques mois.

On pourrait regretter l’effet d’annonce attaché à l’adoption de la première partie du statut de l’EIRL, inapplicable pour le moment.

Cette nouvelle loi a malgré tout le mérite de fixer les bases d’un dispositif qui était attendu depuis longtemps.

De la même manière, rien n’est précisément arrêté en ce qui concerne le coût de la déclaration. Il faudra au moins compter le coût de l’intervention d’un professionnel chargé d’évaluer les biens affectés. Notons que la loi a d’ores et déjà posé, pour les notaires, le principe d’une rémunération fixe, identique pour tous, outre les conseils apportés.

Article publié dans La Gazette Nord-Pas-de-Calais le 3 juillet 2010 www.gazettenpdc.fr


- (1) Loi n°2010-658 du 15 juin 2010 relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
- (2) Experts comptables, notaires, commissaires aux comptes, association de gestion, en fonction des biens affectés.

Note :

" L’intervention de votre notaire est utile, voire necessaire..."

Lors de l’affectation d’une fraction de patrimoine à une activité professionnelle donnée (déclaration d’affectation à une EIRL), le notaire sera votre interlocuteur naturel pour vous expliquer de manière claire et concrète les enjeux et les conséquences du recours à cette forme d’exercice professionnel.

Ensemble, vous pourrez analyser votre situation, et déterminer si le recours à l’EIRL est la meilleure solution pour vous, ou si d’autres schémas juridiques , financiers, sociaux et fiscaux correspondent mieux à votre besoin, en fonction de votre patrimoine, de votre activité, de votre situation familiale...

Si vous souhaitez affecter à une EIRL un bien immobilier nécessaire à l’activité, l’expertise faite par un notaire, et l’affectation par acte notarié seront obligatoires

L’association ’Notaires Conseil d’Entrepreneurs’ regroupe des notaires qui ont décidé de mettre leurs compétences, leur savoir-faire, leur expertise, au service des entrepreneurs. Ils ont choisi de mutualiser leurs compétences et leurs connaissances pour leur prodiguer le meilleur conseil, en toute sécurité, dans une relation de long terme.

Note de Frédéric ROUSSEL,
Notaire associé,

Président de « Notaires Conseils d’Entrepreneurs - NCE »
http://www.notaires-nce.fr

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