Enlèvement international d’enfants et l’éxécution provisoire des décisions de retour.

Par Caroline Elkouby Salomon, Avocat.

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Explorer : # enlèvement international d'enfants # exécution provisoire # droit international # procédure civile

Les décisions ordonnant le retour immédiat des enfants sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sont-elles exécutoires à titre provisoire nonobstant un éventuel appel ?

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L’article 1210-5 Code de procédure civile dispose que les demandes de retour sont instruites et jugées « en la forme des référés ».

Avant que n’entre en vigueur le décret n°2011-1043 du 1er septembre 2011 donnant naissance à l’article 492-1 du Code de procédure civile (CPC) et instituant un véritable régime des ordonnances rendues en la forme des référés (autrement appelés « faux référés » parce que statuant au fond mais comme en référé), les juges aux affaires familiales saisis d’une demande en retour constataient tantôt l’exécution provisoire comme en référé, tantôt l’ordonnait, tantôt encore, l’en dispensait.

Un arrêt de Cour de cassation (civ 1ère, 20 jan. 2010, D 2010, AJ 325) était venu trancher partiellement le débat en décidant que la décision de retour n’était pas exécutoire de droit par provision en ce qu’elle n’était pas une décision relative à l’exercice de l’autorité parentale. Rappelons que l’article 1074-1 du Code civil dispose que les décisions qui tranchent sur l’autorité parentale bénéficient, entre autres, de l’exécution provisoire de droit sans avoir à être prononcée. Il est vrai que la décision de retour ne statue pas sur le fond du droit de garde, celui-ci ne pouvant être ordonné que par le juge du lieu de la résidence habituelle de l’enfant déplacé. On peut regretter que la Cour n’ait pas eu à se prononcer sur l’existence d’un texte spécial au déplacement illicite qui eut permis l’exécution provisoire de la décision de retour.

Pour certains commentateurs, cette jurisprudence serait brisée par l’entrée en vigueur de l’article 492-1 du CPC applicable, en principe, aux ordonnances rendues en la forme des référés. Cela semble peu probable car ce texte indique qu’elles sont exécutoires par provision « à moins que le juge n’en décide autrement  ». Il laisse ainsi au juge une latitude quant à l’exécution provisoire de ces décisions, latitude qui ne correspond pas aux objectifs de la Convention qui a pour but d’assurer le retour immédiat des enfants dans le pays de leur résidence habituelle. En effet, cette nouvelle liberté offerte par le Code de procédure civile a déjà été exercée dans des instances où le retour avait été ordonné (Jaf Nanterre, 13 septembre 2013 RG : 13/09885), ce qui rend totalement inefficace le retour en cas d’appel.
Compte tenu de la nécessaire efficacité à donner aux décisions de retour, il convient donc de se demander si un texte spécial ne pourrait pas être appliqué à la place du texte du droit commun qu’est l’article 492-1 du CPC. La Convention de La Haye doit répondre à un impératif de célérité. Son préambule annonce que les États contractants sont résolus à « établir des procédures en vue de garantir le retour immédiat de l’enfant ». Aussi la question n’a-t-elle pas été posée de savoir si la décision de retour n’était pas exécutoire par provision par application de la Convention internationale du 25 octobre 1980. Si l’on s’en réfère à ses dispositions et notamment, à son article premier, on ne peut que prendre acte que c’est un retour « immédiat », qui est ordonné. En cela, l’absence d’exécution provisoire d’une décision annihile caractère « immédiat » du retour et viole en conséquence l’article 1er de la Convention. On s’en référera également aux dispositions de l’article 11 de la même Convention qui précise que les autorités administratives ou judiciaires doivent procéder d’urgence en vue du retour de l’enfant.

Par ailleurs, le règlement européen du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis (article 11 également) précise aussi qu’ « une juridiction saisie d’une demande de retour d’un enfant agit rapidement (…) en utilisant les procédures les plus rapides prévues par le droit national …. Toute décision ordonnant le retour de l’enfant rendue par une juridiction compétente en vertu du présent règlement est exécutoire conformément au chapitre III section 4 e d’assurer le retour de l’enfant ». L’article 42 du même règlement dispose également que « le retour de l’enfant (…) résultant d’une décision exécutoire rendue dans un État membre est reconnu et jouit de la force exécutoire dans un autre État membre sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise ». Il envisage également l’hypothèse où le droit national ne prévoit pas la force exécutoire de plein droit en prévoyant que «  nonobstant l’éventuel recours, d’une décision ordonnant le retour de l’enfant(…) La juridiction d’origine peut déclarer la décision exécutoire ».

Ainsi, tant au regard des dispositions de la Convention internationale de La Haye du 25 octobre 1980 que de celles du règlement européen du 27 novembre 2003, le juge aux affaires familiales saisi d’une demande en retour viole, à mon sens, les instruments internationaux susvisés ou, tout du moins, contrevient à leurs objectifs, en décidant que sa décision n’est pas susceptible d’exécution provisoire en vertu de l’article 492-1 du Code de procédure civile. Les conventions internationales et les règlements européens étant d’application directe en droit français, leurs objectifs ne devraient pas être contournés par les dispositions procédurales de l’ordre interne.

Remerciements à Noémie ASSUIED

Caroline ELKOUBY SALOMON
Avocat au Barreau de Paris
Spécialisée en droit de la famille, des personnes et du patrimoine
Associée du cabinet BES Avocats
www.bes-avocats.com

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