Epilogue du gage sur stock du Code de commerce : l’ordonnance du 29 janvier 2016.

Par Florent Avry, Elève-avocat.

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Explorer : # gage sur stock # réforme du droit des sûretés # liberté contractuelle # pacte commissoire

L’ordonnance n° 2016-56 du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks du Code de commerce autorise l’option avec le gage sur stock de droit commun et rompt avec le droit positif, tel qu’interprété par la Cour de cassation dans son récent arrêt du 7 décembre 2015.

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Alors que la doctrine termine à peine de commenter la décision de l’Assemblée plénière du 7 décembre 2015, le gouvernement est venu préciser par voie d’ordonnance le caractère facultatif du gage sur stock du Code de commerce et rompt ainsi avec une solution qui prévalait depuis le 19 janvier 2013 [1] et qui agitait la doctrine depuis la grande réforme de 2006 [2].

L’ordonnance du 23 mars 2006 portant réforme du droit des suretés avait en effet consacré l’existence un gage sur stock de droit commun en l’émancipant de l’exigence de dépossession ce qui permettait notamment de gager des choses futures.

Mais, au grand regret de la doctrine, l’ordonnance introduisait également un gage sur stock aux articles L. 527-1 et suivants du Code de commerce. Ce régime spécial qui concerne « tout crédit consenti par un établissement de crédit ou une société de financement à une personne morale de droit privé ou à une personne physique dans l’exercice de son activité professionnelle » [3] est beaucoup plus contraignant que son homologue de droit commun.

En effet, l’écrit qui constate un gage de stock commercial doit comporter certaines mentions obligatoires et doit être inscrit au greffe du tribunal de commerce dans les 15 jours à peine de nullité. Mais surtout, le pacte commissoire est interdit dans le gage de stock du Code de commerce alors qu’il est possible dans le gage de stock du Code civil [4].

Pour ces raisons, la question s’est posé de savoir si le gage sur stock du Code de commerce pouvait contractuellement être écarté au profit du gage sur stock du Code civil.

Si de premier abord le fameux principe « Specialia generalibus derogant » selon laquelle les règles spéciales dérogent aux règles générales semblait devoir primer, la doctrine considéraient majoritairement que l’optique libérale dont était issue la réforme devait faire primer le principe de liberté contractuelle [5].

Pourtant, la Cour de cassation, malgré l’opposition des juges du fond, avait récemment jugé que le « gage portant sur des éléments visés à l’article L. 527-3 du code de commerce et conclu dans le cadre d’une opération de crédit, les parties, dont l’une est un établissement de crédit, ne peuvent soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession » [6].

Comme la Cour le souligne, la prohibition du pacte commissoire et les conditions spécifiques concernant l’acte constitutif du gage des stocks ou sa publicité sont « la marque de l’ordre public et l’expression de la volonté des rédacteurs de l’ordonnance de créer, à côté du gage de droit commun, un régime particulier de gage sans dépossession des stocks réservé aux établissements de crédit et, depuis 2013, aux sociétés de financement, interdisant aux parties de librement soumettre leur gage à l’un ou l’autre des deux régimes » [7].

Néanmoins, ainsi que le Cour le prévoyait, cette solution était susceptible d’évoluer par l’intervention du gouvernement.

En effet, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a habilité le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour rapprocher le régime applicable au gage de stocks défini par le Code de commerce du régime de droit commun du gage des meubles corporels défini dans le Code civil [8].

L’objectif poursuivi est bien entendu de favoriser l’octroi de crédit par les établissements de crédit ou de financement [9] en autorisant la stipulation de pacte commissoire.

L’ordonnance n° 2016-56 du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks a donc voulu aligner le gage sur stock du Code de commerce avec le droit commun. Plus particulièrement, l’article L. 527-8 du Code de commerce autorise désormais la stipulation de pacte commissoire, qui permet au créancier de devenir propriétaire des stocks gagés en cas d’inexécution des obligations garanties par le gage.

En outre, les parties bénéficient expressément d’une option entre le régime du gage des stocks prévu par le Code de commerce et le régime de droit commun du gage de meubles corporels prévu par le Code civil.

L’article L527-1 du Code de commerce dans sa version qui entrera en vigueur au 1er avril 2016 dispose ainsi : « Les parties demeurent libres de recourir au gage des stocks prévu au présent chapitre ou au gage de meubles corporels prévu aux articles 2333 et suivants du code civil » [10].

Au-delà de l’option possible pour le droit commun, le formalisme initial est également allégé.
Le futur article L527-2 prévoit que :
« La convention prévue à l’article L. 527-1 est établie par un écrit qui comporte, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° La désignation des créances garanties ;
2° La description des biens gagés, présents ou futurs, en nature, qualité, quantité et valeur, ainsi que l’indication du lieu de leur conservation ;
3° La durée de l’engagement ; toutefois, lorsque la créance garantie est à durée indéterminée, le gage peut l’être également ;
4° Si le gage est avec dépossession, l’identité du tiers qui a pu être constitué gardien des biens gagés »
 [11].

Seules subsistent ainsi des différences minimes avec le régime de droit commun qui se justifient par les circonstances dans lesquelles ce gage de stock commercial est généralement consenti.

Cette réforme va donc dans le sens du vœu de souplesse exprimé par les acteurs économiques pour faciliter le financement des entreprises [12]. Reste à savoir si en dépit de la simplification opérée, l’option désormais conférée n’aura pas pour effet un abandon du gage sur stock commercial, ce qui poserait de nouveau la question de l’intérêt du maintien de ce régime spécial.

f-avry chez hotmail.fr

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Notes de l'article:

[1Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 février 2013, 11-21.763, Publié au bulletin.

[2Ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés.

[3Article L527-1 du Code de commerce.

[4Article L527-2 du Code de commerce et Article 2348 du Code civil.

[5P. Crocq, RTD civ. 2011, 785.

[6Arrêt n° 627 du 7 décembre 2015 (14-18.435) - Cour de cassation - Assemblée plénière.

[7Note explicative relative à l’arrêt n° 627 rendu en assemblée plénière le 7 décembre 2015.

[8Compte rendu du Conseil des ministres du 27 janvier 2016 - Gage des stocks.

[9Ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement.

[10Article L527-1, modifié par Ordonnance n°2016-56 du 29 janvier 2016 - art. 1.

[11Article L527-2, modifié par Ordonnance n°2016-56 du 29 janvier 2016 - art. 1.

[12Gazette du Palais, 16 février 2016 n° 7, P. 11 - La réforme du gage des stocks - Stéphane Piédelièvre.

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