Fonds de pension étrangers : traitement discriminatoire condamné, par Guillaume Rubechi, Avocat

Fonds de pension étrangers : traitement discriminatoire condamné, par Guillaume Rubechi, Avocat

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Explorer : # discrimination fiscale # libre circulation des capitaux # conventions fiscales internationales # organismes à but non lucratif (obnl)

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La jurisprudence a récemment reconnu dans une série de décisions importantes que le traitement fiscal des fonds de pension et organismes à but non lucratif (OBNL) étrangers est discriminatoire au regard des dispositions des conventions fiscales internationales et constitue une entrave au principe communautaire de libre circulation des capitaux.

Le Tribunal Administratif de Paris a tout d’abord jugé dans deux décisions (TA Paris 24 juin 2008, n°04-16078 et 05-10298, Ärzteversorgung Niedersachsen et TA Paris 21 octobre 2008, n°05-1925, Landesärztekammer Hessen Versorgungswerk) que les dividendes de source française perçus par une caisse de retraite allemande ne sauraient être soumis en France à une retenue à la source sans violer les dispositions de l’article 21 (clause de non-discrimination) de la Convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959.

Dans ces décisions le Tribunal fait valoir à juste titre que dans la mesure où une caisse de retraite française est exonérée d’impôt sur les dividendes qu’elle perçoit (Art. 206-5 et 219 quater du Code Général des Impôts), ces mêmes dividendes ne peuvent supporter une retenue à la source lorsqu’ils sont versés à une caisse de retraite allemande.

L’administration soutenait qu’une caisse de retraite allemande percevant des dividendes de source française n’est pas dans une situation comparable à une caisse de retraite française percevant des dividendes de source allemande. Mais selon le Tribunal, ces organismes « doivent être regardés, à raison du régime fiscal applicable aux dividendes de source française qu’ils perçoivent, comme se trouvant dans la même situation ».

En effet, une caisse de retraite allemande, de même qu’un autre OBNL, sont bien des « nationaux » au sens de l’article 21 de la Convention. La comparaison entre des organismes français et des organismes de même nature étrangers s’apprécie au regard du revenu en cause et non pas de leur traitement fiscal dans son ensemble. Le droit français prévoyant que les dividendes perçus par des OBNL sont exonérés d’impôt, la Convention fiscale franco-allemande s’oppose nécessairement à la perception d’une retenue à la source.

Ces jugements sont à rapprocher d’un arrêt du Conseil d’Etat concernant un fonds de pension néerlandais (CE 27 octobre 2008 Fondation Stichting Unilever Pensioensfonds Progress), qui a dit pour droit qu’une retenue à la source ne peut pas être prélevée sur les dividendes de source française versés à un fonds de pension néerlandais sans restreindre illicitement le principe communautaire de la libre circulation des capitaux.

Pour le Conseil d’Etat les fonds de pension néerlandais ne sont pas dans une situation objectivement différente des mêmes organismes français.
Par ailleurs le Conseil d’Etat a écarté l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt général de nature à justifier une telle discrimination.

La Cour Administrative d’Appel de Paris avait de même jugé (CAA Paris 6 décembre 2007, n°06-3370, Fondation Stichting Unilever) que l’article 25 (clause de non-discrimination) de la Convention fiscale franco-néerlandaise s’opposait à la perception du prélèvement prévu à l’art.244 bis A du Code Général des Impôts au titre d’une plus-value immobilière réalisée par un OBNL néerlandais, au motif que si la même plus-value avait été réalisée par un OBNL français, elle eut été exonérée.

Il est par ailleurs intéressant de constater que ce mouvement jurisprudentiel français en faveur des OBNL étrangers s’inscrit clairement dans la ligne de la jurisprudence communautaire. La Cour de Justice des Communautés Européennes a en effet jugé (CJCE 14 septembre 2006, Aff. 386/04, Centro di Musicologia Walter Stauffer et CJCE 27 janvier 2009, Aff. C-318.07, Hein Persche) que « lorsqu’un organisme reconnu d’intérêt général dans un État membre remplit les conditions imposées à cette fin par la législation d’un autre État membre et a comme objectif la promotion d’intérêts de la collectivité identiques, de sorte qu’il serait susceptible d’être reconnu d’intérêt général dans ce dernier État membre, ce qu’il appartient aux autorités nationales de ce même État membre, y compris les juridictions, d’apprécier, les autorités de cet État membre ne sauraient
refuser à cet organisme le droit à l’égalité de traitement pour la seule raison qu’il n’est pas établi sur leur territoire ».

En pratique, l’administration fiscale française se plie désormais à cette jurisprudence et accepte de traiter les OBNL étrangers protégés par le droit communautaire ou une clause conventionnelle de non discrimination comme des OBNL français. En conséquence les dividendes de source française qu’ils perçoivent sont exonérés de retenue à la source, et les plus-values immobilières qu’ils réalisent sont également exonérés du prélèvement de l’art. 244 bis A du Code Général des Impôts. Il convient toutefois de justifier que ledit OBNL est bien dans une situation comparable à un tel organisme français, et qu’il remplirait les conditions d’une exonération d’impôt sur ces revenus s’il était établi en France. En cas de discussion il convient notamment de fournir les statuts de l’organisme, une attestation de l’Administration fiscale étrangère ou encore de justifier que les revenus concernés sont bien affectés à la gestion d’activités désintéressées.

Guillaume Rubechi

Avocat, Associé

Cabinet Marccus Partners

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