Innover en cabinet d’avocat (3) : explorer les concepts et étudier la faisabilité.

Paola Predko
Consultant chez Lexlife
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Explorer : # innovation en cabinet d'avocat # tri des idées # étude de faisabilité

Au sein d’une politique d’innovation, il est stratégiquement préférable de choisir seulement un nombre restreint de projets qui seront développés jusqu’au bout, plutôt que de lancer une myriade de projets qui épuiseront du temps et des ressources (humaines, financières, technologiques) sans déboucher sur un résultat probant. Un projet d’innovation se déroule autant en amont (stratégie d’innovation, veille, génération des idées et créativité) qu’en aval (développement du projet, contrôle et test des résultats, communication, confrontation au marché).

Au croisement de l’innovation en amont et de l’innovation en aval se situe une étape clé du processus : l’exploration des concept et l’étude de faisabilité.

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Le tri des idées

A l’issue de l’innovation en amont, le réservoir de projets est constitué pour répondre aux besoins de la stratégie d’innovation du cabinet. Il permet de prévoir l’allocation des ressources et évite de disperser les efforts. Le tri des idées et leur sélection s’opère au sein de ce portefeuille.

Le tri s’effectue en plusieurs étapes successives afin de permettre aux idées de mûrir et de limiter les risques de mauvais choix. Le tri porte d’abord sur les idées puis sur les concepts. Dans la phase amont du processus, un grand nombre d’idées se côtoient et s’enrichissent mutuellement en se cumulant, en se transformant ou en s’éliminant au profit d’une autre idée meilleure.

A l’issue des séances de créativité (voir article précédent ici), un premier tri est effectué pour élaguer et se concentrer sur les idées les plus prometteuses dans un horizon de temps attendu. Vous pouvez classer les idées en trois catégories.

La première catégorie regroupe les idées les plus farfelues : elles ont apporté de la matière et de la richesse à la réflexion mais ne sont pas exploitables en tant que telles dans l’activité du cabinet. La deuxième catégorie rassemble les idées intéressantes mais à long terme qui peuvent alimenter un plan de développement stratégique à trois ou cinq ans. Les idées de la troisième catégorie sont les plus prometteuses dans un horizon à court terme.

Le tri des idées peut ainsi être modélisé sous la forme d’un entonnoir aussi appelé « pipeline de l’innovation » qui se remplit sur plusieurs horizons de temps, au fur et à mesure des tris successifs (amont : partie la plus large de l’entonnoir) pour aboutir au projet retenu (aval : partie la plus restreinte de l’entonnoir). La pertinence du choix dépend principalement de la transparence de la stratégie du cabinet en matière d’innovation et de la connaissance des tendances à venir (veille stratégique).

La sélection des idées à transformer en projet est une tâche difficile car les incertitudes associées aux idées dans la phase d’amont réduisent l’objectivité et la rigueur nécessaire aux activités de tri et de sélection. Les méthodes classiques de cotation des idées suivants différents critères mesurables sont utiles mais elles ne sont pas toujours applicables à toutes les idées et tous les contextes. Il est souvent nécessaire de mixer plusieurs méthodes de tri pour faire un choix pertinent. Le recours à des instances de décision telles que celle du comité de pilotage est le moyen le plus efficace d’explorer le potentiel d’une idée sous plusieurs angles et d’augmenter les chances de faire le bon choix.

Le processus de sélection et ses outils d’aide à la décision

A l’issue des séances de créativité et sur la base de la liste des idées générées, réalisez des « fiches-idées » qui reprennent de manière synthétique chaque idée émise au cours de la séance. Pour chaque fiche, renseignez la nature de l’idée, les applications possibles, les avantages et les obstacles potentiels à la mise en oeuvre ainsi que les ressources à affecter si l’idée génère un développement plus conséquent. Consacrez une importance particulière à la description détaillée et exhaustive de l’idée. La rédaction des fiches-idées permet de formaliser le réservoir de projets et de conserver la traçabilité des idées émises. L’organisation des idées par fiches permet aussi éventuellement de faire réagir les acteurs n’ayant pas participé au groupe de créativité. Les fiches seront également un excellent support de réflexion à la sélection effective des idées.

Si vous souhaitez retenir une idée qui respecte au maximum le consensus de groupe, vous pouvez organiser un vote collectif par exemple au sein du comité de pilotage ou élargi à l’ensemble des acteurs concernés. Cette méthode de vote est particulièrement utile pour effectuer le premier tri, lorsque les idées sont encore très nombreuses et peu matures. Choisissez un nombre maximal de point à attribuer à chaque idée (10 par exemple). Votez en donnant un nombre de point pour chaque idée, le nombre de point est d’autant plus élevé que l’idée paraît interessante. Effectuez la somme des points pour chaque idée et pour chaque votant : le classement est alors immédiat et évident !

Pour affiner le premier élagage, vous pouvez ensuite mettre en oeuvre des méthodes de tri multi-critères. Choisissez une grille de critère à appliquer à chaque idée par exemple le coût, l’efficacité, les délais de réalisation, la rentabilité, l’originalité de l’idée, la correspondance aux attentes de l’utilisateur futur… Evaluez les idées selon cette grille et effectuez une cotation par note (sur une échelle de 1 à 5 par exemple) correspondant à la satisfaction du critère avec l’idée analysée (l’idée est compatible avec la limite de budget définie : elle obtient la note de 5 pour ce critère). Pour chaque idée, effectuez le total des scores afin de sélectionner les meilleurs concepts au regard des critères définis. Vous pouvez, si cela vous paraît nécessaire, hiérarchiser les critères (critères principaux et secondaires) et appliquer des coefficient différents selon le découpage retenu.

Etudier la faisabilité

L’étude de faisabilité intervient à la fin de l’innovation en amont, une fois le concept final choisi. Il est possible de réaliser plusieurs études de faisabilité en parallèle sur des concepts différents si le comité souhaite un approfondissement avant de prendre la décision de lancer le développement. L’étude de faisabilité limite les échecs dans les développement de nouvelles solutions. Elle permet d’affiner le projet avant la mise en oeuvre, en examinant des variantes possibles et en analysant les facteurs de succès et d’échec du projet potentiel.

L’étude de faisabilité se présente sous quatre volets :

- L’analyse du résultat attendu (nouveau produit, nouveau service, nouveau processus) : décrivez les caractéristiques du résultat attendu, précisez les orientations conceptuelles retenues. Identifiez les risques relatifs à la mise en service du produit et anticipez la confrontation à l’utilisateur et les réactions à la nouveauté.

- L’analyse du procédé : décrire les différentes étapes du processus prévu et renseigner les choix techniques retenus. Cartographiez les ressources à impliquer pour chaque étape et détaillez l’organisation et l’enchaînement des tâches. Mettez en perspective le processus d’innovation avec les autres activités du cabinet pour évaluer la gestion du temps et la compatibilité des plannings.

- L’analyse du développement  : décrire les différentes étapes de développement et les points de contrôle nécessaire pour évaluer l’avancement du projet. Prévoyez les marges d’erreurs et leurs impacts sur les délais de réalisation.

- L’analyse de rentabilité : effectuez un prévisionnel des dépenses affectées au projet (achat de ressources matérielles, sous-traitance, recrutement, fournisseurs). Evaluez, selon des moyennes hautes et des moyennes basses, le retour sur investissement attendu et le point mort du projet (seuil de rentabilité).

Pour vous aider à compléter l’étude de faisabilité, vous pouvez vous appuyez sur une analyse préalable de l’environnement interne et externe du cabinet dans lequel se développe le projet. Utilisez par exemple une matrice SWOT (Strenghts, Weaknesses, Opportunities & Threats, ou FFOM en français : Forces, Faiblesses, Opportunités, Menaces). L’analyse SWOT permet d’effectuer un double diagnostic. Le diagnostic externe identifie les opportunités (libéralisation d’un marché, nouveau gisement de clientèle), et les menaces (concurrence agressive, pression sur les prix) présentes dans l’environnement du projet. Le diagnostic interne identifie les forces (réputation, climat social, compétences des équipes) et les faiblesses (stratégie, organisation, marketing) du cabinet et de sa capacité à conduite le projet. L’analyse SWOT permet ainsi d’obtenir une vision à 360° des facteurs qui influencent le succès ou l’échec du projet et facilite ainsi l’étude de faisabilité.

Une fois finalisée, l’étude de faisabilité est transmise au comité de pilotage pour validation. Après ajustements (selon remarques levées par le comité), le projet est prêt pour sa mise en oeuvre. La phase d’innovation en amont est achevée. Le comité peut alors nommer le chef de projet et organiser l’affectation des ressources pour le lancement du développement !

Paola Predko
Consultant chez Lexlife
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Discussions en cours :

  • hum...
    voilà bien l’innovation à la française avec comme sous entendu que la méthode est la clé d’une démarche innovante.
    je suis perplexe...
    les startup sont les entreprises les plus innovantes ...et les moins méthodiques.
    Attention à une chose : l’innovation n’est pas un but en soi.
    J’en veux pour preuve notre cher gouvernement. Le mot "innovation" est sur toutes les langues mais rien ne se passe.
    Bref, vous êtes avocat, commencez par passez de l’autre côté de la barrière, mettez vous à la place de votre client, pensez comme votre client. Et surtout débarrassez vous un instant des codes et usages de la profession (sauf la déontologie !).
    Vous allez innover sans même vous en rendre compte.

    • par JLV , Le 16 décembre 2014 à 13:42

      D’accord pour aller au delà des codes de la profession mais l’innovation est nécessaire . Allez au delà des codes c’est aussi dire à nos clients qu’ils cessent de raisonner comme si tous nous étions encore sous l’ère de Daumier ( ce qui n’est pas toujours faux). L’avocat artisan n’est plus visible pourtant c’est lui qui est porteur d’un espace démocratique dans notre société . L’innovation serait alors d’accompagner tout au long de sa vie un client pour le préserver de la "cartesiènisation" à outrance de notre société . D’accord aussi pour dire que l’on innove sans le savoir : c’est notre survie. L’avocat doit toujours être l’empêcheur de tourner en rond.
      merci à l’auteure d’avoir lancé le débat

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