Civ. 2e, 1er juin 2017, F-P+B, n° 16-15.568
Une société relève appel d’un jugement du tribunal de grande instance qui venait de lui être signifié par lettre recommandée avec accusé de réception puis, postérieurement au délai d’un mois pour relever appel, interjette à nouveau appel mais cette fois par voie électronique.
Le Conseiller de la mise en état, puis la cour d’appel de Paris sur déféré, jugent l’appel irrecevable comme tardif et la société appelante forme alors un pourvoi en soutenant que si l’appel interjeté par lettre recommandée était effectivement irrégulier faute d’avoir été régularisé par le Réseau privé virtuel des avocats (RPVA), le délai de forclusion avait été cependant interrompu conformément à l’article 2241 du code civil de sorte que le second appel, régularisé par voie électronique quelques jours après le délai d’un mois de la signification du jugement, était recevable.
Sans surprise, la Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la cour d’appel qui avait exactement relevé que le défaut de saisine régulière de la cour d’appel, sanctionné par l’article 930-1 du code de procédure civile, ne constitue pas un vice de forme ou de fond de l’acte d’appel sanctionné par la nullité de l’acte d’appel, mais une fin de non-recevoir de sorte que les dispositions de l’article 2241 du code civil ne sont pas applicables.
On sait qu’« à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique » (C. pr. civ., art. 930-1, al. 1er), ce qui implique depuis le 1er janvier 2011 (Décr. n° 2009-1524 du 9 déc. 2009) que toute déclaration d’appel soit régularisée par voie électronique lorsque l’affaire est instruite en représentation obligatoire devant la cour d’appel.
L’appel formé par lettre recommandée était bien évidemment irrecevable et cela ne pouvait faire débat. L’appelante le savait bien mais tentait en réalité de se prévaloir de l’interruption du délai d’appel du fait de cet appel irrégulier, ce qui lui permettait de prétendre qu’un nouveau délai d’un mois avait couru tandis que le second appel avait été fait par RPVA, au-delà du délai d’un mois de la signification mais à l’intérieur du délai d’un mois qui était censé avoir à nouveau couru en raison de cette interruption.
Ce qui était en réalité en jeu, c’était la portée du célèbre arrêt rendu par la deuxième chambre civile du 16 octobre 2014 qui avait cassé un arrêt d’une cour d’appel pour avoir dénié tout effet interruptif à la nullité qu’elle avait prononcée à l’encontre d’une première déclaration d’appel (Civ. 2e, 16 oct. 2014, n° 13-22.088, Dalloz actualité, 28 oct. 2014, obs. N. Kilgus ; D. 2014. 2118 ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati ).
Partant, le demandeur au pourvoi tentait d’avancer que l’irrecevabilité du premier appel, régularisé par simple lettre, consistant dès lors en une fin de non-recevoir, qualifiée pour les besoins de la cause de « vice de procédure », était transposable à la nullité de l’acte d’appel, laquelle est interruptive.
Mais il y a un pas entre ces deux sanctions procédurales que la Cour de cassation ne franchit logiquement pas. En effet, la Cour de cassation tire l’effet de l’interruption du délai d’appel de l’article 2241, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui a réformé la prescription, qui dispose que « la demande en justice, même en référé, interrompt de délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».
Si l’on pouvait penser que l’esprit du législateur était de s’intéresser aux délais pour agir (c’est l’al.1er de l’article préc.), il n’en demeure pas moins que l’alinéa second vise expressément l’acte de saisine de la juridiction et puisqu’il « en est de même », c’est la prescription mais aussi la forclusion du délai d’appel qui est directement concernée.
Mais l’alinéa second vise bien l’annulation et non l’irrecevabilité. Une exception de procédure n’est pas une fin de non-recevoir.
Un vice de forme ou de fond au sens des articles 114 ou 117 du code de procédure civile ne joue pas sur la recevabilité de l’acte de procédure mais sur sa nullité. Une nullité n’est pas une irrecevabilité.
La Cour de cassation n’a donc pas entendu aller au-delà du texte de l’article 2241 du code civil (l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure) pour estimer qu’une irrecevabilité affectant la déclaration d’appel pourrait, aussi, bénéficier du caractère interruptif.