La France ouvre la porte aux jeux en ligne, une ouverture maîtrisée qui ne supprime pas toutes les zones d'ombre, par Diane Mullenex et Anabelle Richard, Avocates

La France ouvre la porte aux jeux en ligne, une ouverture maîtrisée qui ne supprime pas toutes les zones d’ombre, par Diane Mullenex et Anabelle Richard, Avocates

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Explorer : # jeux en ligne # ouverture maîtrisée # lutte contre la dépendance # régulation indépendante

Le 27 juin 2007 la Commission européenne adressait un avis motivé à la France condamnant les procédures pendantes devant les juridictions françaises contre les sites illégaux de paris en ligne. Il s’agissait d’une manifestation claire de la volonté de l’Union européenne de voir la France ouvrir le marché des jeux en ligne à la concurrence.

Lors d’une conférence de presse organisée ce jeudi 5 mars à Bercy, le Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, Eric Woerth, a fait la présentation officielle du projet de loi tant attendu sur l’ouverture du marché des jeux en ligne, basé sur les conclusions du rapport Durieux, devant ses collègues Michèle Alliot-Marie, Christine Albanel et Bernard Laporte.

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Après avoir rappelé la nécessité de l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne afin de répondre à l’attente de nombre de Français, mais également afin d’assurer plus efficacement la protection de l’ordre public et des mineurs, et la lutte contre les sites illégaux de jeux en ligne, le Ministre a détaillé les grandes lignes de son projet de loi autour d’un concept fort : l’ouverture maîtrisée.

Ouverture réelle mais maîtrisée

Il a tout d’abord confirmé que cette ouverture sera bien réelle et concernera (1) les paris sportifs (paris à cotes ou paris mutuel mais également Livebetting), (2) les paris hippiques (paris mutuel) et (3) le poker.

Elle sera maîtrisée, tout d’abord, en ce qu’elle exclut les jeux de hasard ainsi que les jeux créant les plus fortes dépendances.

D’ailleurs, dans un souci de lutte contre la dépendance, diverses mesures sont incluses dans le projet de loi, telles que le plafonnement des taux de retour sur mise, à un pourcentage moyen qui sera fixé par décret en Conseil d’Etat et qui devrait être compris en 80 et 85 %. De même, le Spread Betting (où l’on ne connaît pas à l’avance le montant de ses pertes) est exclu du périmètre de l’offre légale.

Ouverture maîtrisée, ensuite, en ce qu’elle se limite aux paris sur les résultats d’épreuves sportives ou hippiques réelles. Les fédérations sportives participeront d’ailleurs à la définition des catégories et de types de paris légalisés.

Une autorité de régulation indépendante sera créée. Elle sera chargée de l’attribution gratuite de licences (sans numerus clausus), pour une durée de cinq années renouvelable. Elle sera également chargée de mettre au point le cahier des charges associé à la licence et détaillant les conditions d’exercice de cette dernière.

Parmi les conditions détaillées dans le cahier des charges, il sera précisé qu’un opérateur peut s’établir n’importe où dans le monde, à l’exception notable des paradis fiscaux, et à condition de disposer d’un compte bancaire en France. Les opérateurs devront également se doter de modérateurs et s’affilier à un organisme agréé d’aide à la prévention de la dépendance.

Enfin, cette autorité sera dotée des moyens et outils nécessaires afin de faire respecter ce cahier des charges.

Sus aux sites illégaux de jeux en ligne

Le projet de loi entérine la volonté du gouvernement de faire la chasse aux sites illégaux de jeux en ligne. Ainsi ces derniers seront interdits de sponsorship, pourront voir leurs transactions financières bloquées, le fonctionnement de leur site gêné et enfin seront interdits de publicité sous peine d’amende dont le montant pourra être égal à quatre fois le montant des dépenses publicitaires en cause.

Le fait même de proposer illégalement des jeux en ligne pourra être puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende, ces peines pouvant passer à sept ans d’emprisonnement et à 100.000 € d’amende en cas de bande organisée.

Concernant la fiscalité des jeux en ligne, les opérateurs seront taxés sur le montant des mises à hauteur de 7,5 % pour les paris hippiques et sportifs et à hauteur de 2 % pour le poker. Le produit fiscal ainsi collecté financera en partie la lutte contre la dépendance au jeu, mais également participera au financement des filières sportives. Le sport amateur (à hauteur de 1% pour le CNDS) et la filière hippique (à hauteur de 8 %) profiteront, tout particulièrement, de cette nouvelle cagnotte fiscale.

Le secteur sportif profitera également de ressources découlant des accords commerciaux, notamment de sponsorship, conclus avec les opérateurs légaux.

La Culture ne sera pas oubliée, avec un financement du Centre des Monuments Nationaux assis sur les recettes fiscales du poker (à hauteur de 15%).

Ce projet de loi nous a également réservé quelques surprises. Ainsi, il prévoit de reconnaitre aux organisateurs d’événements un droit de propriété sur lesdits événements. La prise de paris sur ces événements sera soumise à la conclusion d’un accord entre l’opérateur et l’organisateur, assurant à celui-ci une source de revenus supplémentaire.

Cette mesure est unique en Europe et soulève quelques questions quant à sa mise en œuvre, notamment par exemple pour les événements de dimension européenne ou internationale.

Par ailleurs, certains points n’ont pas réellement été éclaircis par le Ministre. Parmi les points les plus importants, M. Woerth a confirmé que la France ne reconnaitrait pas les licences accordées par d’autres pays européens. Il est cependant resté bien vague sur la capacité des autorités françaises à interdire des paris sur des sites déclarés légaux dans les autres Etats membres mais considérés comme illégaux en France.

A ce sujet, M. Woerth a indiqué que ce projet n’a pas été soumis à l’Union européenne qui avait pourtant clairement indiqué qu’elle espérait une reconnaissance mutuelle des licences accordées par les Etats membres.

Le projet devrait faire l’objet d’une présentation en Conseil des Ministres début avril 2009, pour une adoption par le parlement avant l’été 2009. En effet, pour une ouverture effective du marché à la concurrence au 1er janvier 2010, il reste beaucoup à faire...

Avec l’ouverture du marché français, presque toute l’Europe se sera ouverte aux jeux en ligne. A cet égard, il est donc intéressant de noter que les Etats-Unis sont actuellement sur le point de suivre le mouvement en abandonnant une loi de 2006, relique de l’administration Bush, et interdisant aux sites étrangers d’offrir des services sur le territoire américain.

Une analyse de Diane Mullenex, Associée en charge du département NTIC du cabinet d’avocats Ichay Mullenex et associés - avocat au barreau de Paris et Solicitor England & Wales et Annabelle Richard, avocat aux barreaux de Paris et de New York.

http://www.ichay-mullenex.fr/

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