Les marques de renommée bénéficient d’une protection élargie, puisqu’elles sont protégées au-delà du principe de spécialité, c’est-à-dire même en dehors des activités qu’elles couvrent. Quant à la comparaison entre les signes, les textes exigent que la marque postérieure soit identique ou similaire à la marque antérieure de renommée.
La similarité entre les signes s’apprécie-t-elle de la même façon selon que l’on cherche à démontrer un risque de confusion dans le cadre de la protection « classique » de toute marque ou l’atteinte à une marque de renommée ?
Dans une affaire récente, la société NIKE s’est opposée au dépôt de la marque communautaire NC NICKOL sur la base de l’article 8 paragraphe 5 du Règlement sur la marque communautaire [1] protégeant les marques de renommée et de l’article 8 paragraphe 1 b) sur la protection des marques « classiques ».
La chambre de recours de l’OHMI a estimé sur le second point qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les signes, au motif que la marque antérieure et la demande de marque opposée n’étaient pas suffisamment similaires.
Elle a en revanche considéré que les signes étaient suffisamment proches pour que le public concerné les associe et a donc estimé que la demande de marque contestée portait atteinte à la marque de renommée NIKE.
L’OHMI a donc analysé l’atteinte alléguée portée par la demande de marque communautaire à la marque antérieure NIKE de façon différente selon que l’opposant se plaçait sur le terrain de la protection des marques classiques ou sur le terrain de la protection des marques de renommée.
Le Tribunal de l’Union européenne [2], saisi d’un recours à l’encontre de cette décision, l’a annulée au motif que dans les deux hypothèses la notion de similitude doit être la même et que cette condition « suppose l’existence, en particulier, d’éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle, de sorte que, du point de vue du public pertinent, il existe entre les marques en cause une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents ».
Le Tribunal en a déduit que, si les similitudes entre les signes étaient insuffisantes pour créer un risque de confusion, elles ne pouvaient pas permettre de considérer que la demande de marque portait atteinte à la marque antérieure de renommée.
Bien que la rédaction des textes relatifs au risque de confusion et à l’atteinte à une marque de renommée soit comparable, cette décision peut sembler sévère. En effet, on peut supposer que, si la marque antérieure est renommée, des similitudes moindres que celles recherchées pour qu’existe un risque de confusion, seront suffisantes pour que le consommateur lie la marque postérieure attaquée à la marque renommée, compte tenu du pouvoir attractif propre de cette dernière ainsi que de sa connaissance et de sa notoriété sur le marché.
Bien entendu, les marques renommées ne doivent pas pour autant bénéficier d’une protection injustifiée. Mais les textes constituent déjà un garde-fou à cet égard puisqu’ils exigent, outre la preuve de la renommée de la marque invoquée et une identité ou une similarité entre les signes, de prouver que la marque postérieure est utilisée sans juste motif et que cet usage tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porte préjudice, condition parfois approuvée sévèrement par la jurisprudence communautaire (voir par exemple, CJCE, 27 nov. 2008, Intel c/ CPM, C-252/07 et notre commentaire de cette décision).
Par ailleurs, cette décision du Tribunal semble être contradictoire avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle la protection des marques de renommée « n’est pas subordonnée à la constatation d’un degré de similitude tel entre la marque de renommée et le signe qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre ceux-ci. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque » [3].
Certes, dans cette dernière affaire, la Cour de justice avait été saisie d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la Directive rapprochant les législations des États membres sur les marques [4] alors que le texte appliqué dans l’affaire NIKE était le Règlement sur la marque communautaire. Cependant, les dispositions de ces deux textes respectifs sont très proches et une telle divergence d’appréciation semble donc difficilement justifiable.
Faut-il dès lors y voir l’amorce d’un revirement de la jurisprudence communautaire, dans une démarche défendant une conception stricte de l’analyse de la similitude entre les signes, ou un acte de défiance du Tribunal à l’égard de la position de la Cour de Justice, pour l’heure favorable sur ce point aux titulaires de marques de renommée ?
Seul l’avenir le dira.