La contrefaçon et la concurrence déloyale sont souvent invoquées simultanément au cours d’une même action judiciaire afin de tenter d’obtenir une condamnation sur chacun de ces fondements ou au moins au titre de la concurrence déloyale si la contrefaçon n’était reconnue par les magistrats.
L’espèce commentée [1] vient illustrer ce dernier cas de figure.
La société Bottega Veneta, constatant que la société Le Tanneur commercialisait un sac similaire à l’un de ses modèles de sacs, dont l’aspect est caractérisé notamment par son cuir tressé, a intenté une action en contrefaçon de droit d’auteur et en concurrence déloyale à l’encontre de cette dernière.
Sur le terrain de la contrefaçon, la demanderesse invoquait des droits d’auteur sur la manière de tresser le cuir permettant d’obtenir un décor particulier formé de losanges, ainsi que sur le modèle de sac.
La défenderesse a toutefois produit des antériorités qui ont conduit les magistrats à dénier toute originalité au motif de cuir tressé et au sac de la demanderesse, les privant ainsi de toute protection par le droit d’auteur.
La société Bottega Veneta s’est toutefois trouvée bien inspirée d’avoir invoqué par ailleurs la concurrence déloyale, puisque les magistrats ont fait droit à sa demande de ce chef.
Ces derniers ont pris soin au préalable de rappeler, qu’en l’absence de droits privatifs, le seul fait de commercialiser des produits similaires à ceux d’un concurrent n’est pas en soi fautif.
En effet, le droit de la concurrence déloyale ne doit pas permettre la reconstitution de monopoles qui n’existent pas (quand l’objet invoqué n’est pas susceptible de protection par un droit de propriété intellectuelle), ou qui n’existent plus (quand une œuvre est tombée dans le domaine public ou qu’un modèle est expiré par exemple).
Afin de justifier la condamnation au titre de la concurrence déloyale, les magistrats ont relevé que la demanderesse est en tête des marques de luxe prestigieuses, que le sac invoqué constitue son produit emblématique et qu’elle réalise, grâce à sa communication sur ce produit et à cette renommée, un chiffre d’affaires important. Ils en ont conclu que la défenderesse, en fabriquant et commercialisant à la vente un produit qui reprend la même matière (le cuir tressé) selon un motif quasi-identique à celui sur lequel la société Bottega Veneta a construit sa réputation et auquel elle a su attacher sa clientèle, a détourné à son profit la notoriété acquise par le produit de la demanderesse et a généré un risque de confusion dans l’esprit du public.
La condamnation au titre de la concurrence déloyale semble donc reposer sur la notoriété et le succès du produit de la demanderesse. La motivation de cette décision n’est pas sans rappeler celle déjà adoptée par les magistrats dans l’affaire dite "Tank" [2] où la copie servile de la célèbre montre de la maison Cartier, tombée dans le domaine public, avait fait l’objet d’une condamnation pour parasitisme.
Absence de monopole ne rime donc pas avec absence de protection.