Dans un arrêt rendu le 19 octobre 2016 (n°14-25.067), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ne peut être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement, excluant ainsi du mécanisme d’indemnisation la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.
L’article L. 1235-2 du code du travail prévoit que l’inobservation de la procédure de licenciement prononcée pour une cause réelle et sérieuse ouvre au salarié le bénéfice d’une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
La problématique ainsi posée invite à s’interroger sur le fait de savoir si toutes les règles d’indemnisation applicables au licenciement d’un salarié comme mode de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur sont transposables à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.
Il est désormais bien établi que si la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est justifiée, alors elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec toutes les conséquences attachées en termes d’indemnités (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents…).
Dès lors, se pose la réflexion suivante : si l’on greffe les conséquences indemnitaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la prise d’acte bien fondée du salarié, alors pour quelle raison pourrait-on y exclure, de ce terrain, l’indemnisation du formalisme fixée à l’article L. 1235-2 du code du travail ?
A l’inverse de ce raisonnement, pour quelle raison pourrait-on imputer à la charge de l’employeur une indemnisation relative aux conséquences formelles d’un acte dont il n’est pas l’auteur direct, alors même qu’il pourrait bien être à l’origine des motifs entourant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.
D’une certaine manière, la Cour vient affirmer que le mécanisme d’indemnisation fixé à l’article L. 1235-2 du code du travail vise plus à sanctionner l’employeur négligent qu’à favoriser le salarié diligent, dans le formalisme conditionnant la rupture du contrat de travail.
Au demeurant, la décision rendue par la Cour de cassation n’est pas nouvelle en ce qu’elle avait déjà pu considérer que le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail ne peut prétendre à l’indemnisation pour non-respect de la procédure de licenciement (Cass. Soc., 4 avril 2007, n° 05-42.847 ; Cass. Soc., 31 octobre 2013, n° 12-16.786).
Discussions en cours :
Un raisonnement juridique tout à fait acceptable
Lorsqu’un licenciement est prononcé sans cause réelle et sérieuse et jugé comme tel, implicitement (voire même parfois explicitement) la loi et les juges n’ont jamais apporté d’importance à ce que la procédure ait été respectée ou pas. En effet, à quoi bon ? Le salarié ainsi licencié sera indemnisé de cette absence de cause réelle et sérieuse (ou de cette rupture abusive). Selon la formule le plus souvent employée par les Conseils de Prud’hommes, premiers juges naturel de ce type d’affaires, cette indemnisation (dommages et intérêts) se fera "toutes causes de préjudice confondues". Il leur sera loisible d’accorder un chouia de plus dans l’indemnisation "par une appréciation souveraine" quand ils estimeront que la procédure, ou l’absence de procédure, est particulièrement cavalière (brutale, vexatoire, offensante...). Ce qu’ils font, trop rarement certes, mais de temps en temps quand même.
Ceci étant posé, revenons à la prise d’acte de la rupture par le salarié. Le salarié prend l’initiative de cette rupture mais en impute la responsabilité à son employeur. A partir de là, de deux choses l’une :
Patrick LE ROLLAND
auteur d’ouvrages de vulgarisation
"grand public" sur la procédure prud’homale.