Les faits
Une employée de maison licenciée et percevant une indemnité de licenciement d’1/10e de mois brut de salaire par année d’ancienneté, en conformité avec les dispositions de la « Convention collective nationale des salariés du particulier employeur » du 24 novembre 1999, article 12, sollicite en référé devant le Conseil de Prud’hommes le versement de l’indemnité de licenciement légale de l’article R.1234-2 du Code du travail, soit 1/5e de mois brut de salaire par année d’ancienneté. Le juge des référés puis la Cour de cassation lui donnent raison.
La décision
La Cour de cassation énonce :
« Les dispositions de l’article R.1234-2 du code du travail, selon lesquelles l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, s’appliquent à tous les salariés y compris les employés de maison, la liste des textes mentionnés à l’article L. 7221-2 du même code n’étant pas limitative. »
L’employeur est ainsi condamné à verser à son ex-employée de maison un rappel d’indemnité de licenciement de 185,76 euros.
Quelles sont les conséquences de cette décision ?
(1) Hausse de l’indemnité de licenciement à verser à l’employé de maison
Dès le 29 juin 2011, tout salarié employé de maison normalement régi par la convention collective nationale des salariés du particulier employeur (« la CCN ») qui fait l’objet d’un licenciement doit percevoir l’indemnité légale de licenciement fixée à 1/5e de mois de salaire brut par année d’ancienneté, à condition d’avoir une ancienneté minimale d’un an.
La CCN était moins généreuse puisque son article 12 prévoyait le versement d’une indemnité de licenciement égale à 1/10e de mois de salaire brut parannée d’ancienneté, à condition d’avoir une ancienneté minimale de 2 ans.
De nombreux salariés régis par la CCN vont donc pouvoir écrire en LRAR pour réclamer à leur employeur le versement d’un complément d’indemnité de licenciement.
Conseil aux particuliers employeurs : dans le cas d’une telle demande, il vaut mieux recalculer l’indemnité de licenciement selon le calcul légal et effectuer un versement complémentaire, net de charges sociales pour le particulier et pour son ex-salarié.
En cas de résistance, l’employé de maison triompherait sans effort devant le Conseil de Prud’hommes, y compris en référé, soit rapidement. Les frais de justice seraient mis à la charge du particulier employeur, (dont notamment la charge finale de la nouvelle contribution de 35 euros à verser à l’introduction de toute nouvelle instance judiciaire (sauf rares exceptions) depuis le 1er octobre 2011) avec sans doute, des dommages-intérêts et la condamnation à rembourser à l’employé de maison une partie de ses frais de défense.
Et pour tous les licenciements d’employés de maison à venir : paiement de l’indemnité de licenciement au taux de 1/5e de mois de salaire brut par année d’ancienneté dès que l’employé a un an d’ancienneté.
(2) Statut juridique incertain de l’employé de maison : risque pour le particulier employeur !
Tout d’abord, exit les explications de tous les livres de droit et autres mémentos… Par exemple, le Mémento Lefebvre Social 2011 indique :
« Les seules dispositions du Code du travail qui sont applicables aux employés de maison sont celles énumérées par l’article L. 7221-2 de ce Code. L’énumération prévue par cet article étant très limitée, le statut professionnel des employés de maison résulte pour l’essentiel de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur (n° 33955). »
La décision de la Cour de cassation jette, en effet, un trouble sur l’ensemble du statut des employés de maison et revient pratiquement à nier qu’un véritable « statut » spécifique s’applique aux employés de maison.
La CCN incarnait ce statut dérogatoire, institué « en creux » par des dispositions législatives claires, et qui était donc sensé contenir tout ce qui n’était pas expressément régi par la liste de textes légaux mentionnés à l’article L. 7221-2 du Code du travail (« Sont seules applicables au salarié… »)*.
Cette architecture juridique spécifique vole en éclats lorsque la Cour dit que la liste de textes légaux de l’article L. 7221-2, introduite par le membre de phrase justement rappelé, n’est « pas limitative ».
Où tracer la ligne de partage dorénavant entre ce qui dépend du Code du travail et ce qui dépend de la CCN ? Il est urgent de fixer le droit, par une nouvelle décision de la Cour ou par voie législative car de nombreux emplois sont concernés : le recensement (OREF) effectué en 1999 comptabilisait plus de 260.000 employés de maison, dont 59 000 en Ile de France ; pour la période 2004 - 2007, l’Ile de France a vu bondir leur nombre à 73 000 (données extraites de la fiche de l’OREF Ile de France « métiers des services à la personne : employés de maison T11 »).
*« Article L7221-2 :
Sont seules applicables au salarié défini à l’article L. 7221-1 les dispositions relatives :
1° Au harcèlement moral, prévues aux articles L. 1152-1 et suivants, au harcèlement sexuel, prévues aux articles L. 1153-1 et suivants ainsi qu’à l’exercice en justice par les organisations syndicales des actions qui naissent du harcèlement en application de l’article L. 1154-2 ;
2° A la journée du 1er mai, prévues par les articles L. 3133-4 à L. 3133-6 ;
3° Aux congés payés, prévues aux articles L. 3141-1 à L. 3141-31, sous réserve d’adaptation par décret en Conseil d’Etat ;
4° Aux congés pour événements familiaux, prévues par les articles L. 3142-1 et suivants ;
5° A la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie. »