Le projet de loi réprimant le piratage des oeuvres culturelles sur Internet est examiné le 10 mars à l’Assemblée nationale. Le 2 février 2009, lors de la désignation du nouveau Conseil de la création artistique, le Président de la République s’est engagé à ce que le texte soit définitivement voté par le Parlement d’ici à la fin mars.
Lors du vote au Sénat le 30 octobre 2008, le projet a fait l’objet d’un large consensus mais ce projet, hors hémicycle, provoque de vives émotions.
Genèse de la loi
Dès août 2007, le Président de la République a affirmé sa volonté de lutter contre le piratage afin de préserver la diversité culturelle et les acteurs économiques. Suites à ces directives, la mission « Olivennes » a donné lieu à la signature des Accords de l’Elysée le 23 novembre 2007 entre 47 entreprises ou groupements représentatives de la Culture et d’Internet. Ces accords, ayant vocation à lutter contre le piratage et le téléchargement illégal, ont conduit à l’intervention d’une loi pour garantir l’équilibre des droits de chacun : le droit de propriété et le droit moral des créateurs, d’une part, et la protection de la vie privée ainsi que la liberté de communication des internautes, d’autre part.
L’arsenal anti-piratage
Riposte graduée
Le système s’appuiera sur le principe de la « riposte graduée » sur la base de deux avertissements (le premier par courriel et le second par lettre recommandée) puis, en cas de renouvellement des manquements, une suspension de l’abonnement Internet pouvant aller jusqu’à un an.
Hadopi : gendarme
Pour gérer son dispositif, le gouvernement désire créer une instance spéciale la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), anciennement désigné sous la nomination d’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT).
Cette autorité aura en charge de demander aux fournisseurs d’accès Internet (FAI) de communiquer l’identité des abonnés. Composée de magistrats et d’agents publics, cette autorité prendra des sanctions envers les contrevenants « sous le contrôle du juge ». C’est le titulaire de l’abonnement qui recevra les avertissements et sera théoriquement passible de sanction sauf à dégager sa responsabilité en rapportant la preuve qu’il a été victime de piratage.
Un projet critiqué
Ce projet de loi encore en débat relève du « casse-tête » juridique.
En effet, les internautes ne seront pas coupables d’avoir récupéré une œuvre protégée sur Internet, la procédure de preuve étant impossible à automatiser. Il leur sera reprochés d’avoir failli à leur obligation de veiller à ce que l’accès Internet ne permette pas la reproduction, la représentation, la mise à disposition ou la communication d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sans l’autorisation des titulaires des droits.
Ce projet reste toujours dans un flou économique.
Le coût estimé par le Ministère de la Culture de ce dispositif est bien en deçà de la réalité notamment en raison de la phase d’identification des internautes par les FAI qui devrait coûter environ dix millions d’euros par FAI. A cette procédure s’ajoute le coût du repérage des téléchargeurs, l’envoi de mails, de courrier recommandés, de coupure d’accès, la protection des lignes Internet et des recours éventuels, surcharge économique prise en charge soit par l’Etat ou soit par les contribuables. Les modalités du recours seront fixées par décret après le passage de la loi.
En outre, si les coûts totaux induits par le projet de loi s’élèvent donc à près de 90 millions sur trois ans pour les FAI pour couvrir les transformations, les modalités de financement demeurent également floues, l’enjeu étant de savoir s’ils vont bénéficier de subventions de l’Etat.
Ce dispositif n’est pas à l’abri de difficultés techniques ou d’erreurs. La technologie dite peer to peer, bien que permettant d’identifier facilement les fautifs, peut conduire à des erreurs sur la personne. D’autres technologies telles que le streaming (lecture directe dans un navigateur Web) ou encore le téléchargement direct sur un site ne permettent pas d’identifier distinctement les contrevenants. Les offres « triple play » (Web, téléphone, télé) peuvent également conduire à des ratés puisque l’abonné conservera ses services de télévision et de téléphonie sur ADSL tout en s’acquittant de l’intégralité de leur abonnement.
Ainsi ce projet est très critiqué en ce qu’il aborde cet usage de manière répressive au lieu d’essayer d’inventer un nouveau modèle qui pourrait profiter de cet élan.
Le rédaction du village de la justice