Surfer sur Internet justifie-t-il un licenciement ?

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # licenciement # faute grave # utilisation d'internet

L’utilisation d’Internet fait partie de la vie quotidienne, qu’il s’agisse de consulter ses emails, de rechercher une information ou, encore, d’effectuer un achat. Cette pratique n’est cependant pas sans risque pour le salarié, comme l’illustrent de nombreuses décisions.

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1/ L’utilisation d’Internet : motif de licenciement.

Selon l’article L. 3121-1 du Code du travail, «  la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.  »

Le texte est clair : le salarié ne peut pas surfer sur Internet, à des fins privées, pendant ses horaires de travail.

La jurisprudence fournit de nombreux exemples de licenciements motivés par la navigation sur Internet :

- Constitue une faute grave l’usage abusif de la connexion Internet de l’entreprise dans un but privé, pour une durée totale d’environ 41 heures en un mois, soit près d’un tiers du temps de travail (Cass. soc. 18 mars 2009, n° 07-44247),

- Est justifiée par une cause réelle et sérieuse le licenciement fondé sur les connexions répétées d’un salarié sur sa page Facebook et sa messagerie personnelle (CA Pau 13 juin 2013, n° 11-02759),

- Caractérisent une faute grave les multiples connexions, durant un mois, sur des sites privés (tourisme, comparaison de prix, prêt-à-porter, réseaux sociaux,…) (Cass. soc. 26 février 2013, n° 11-27372).

Outre l’utilisation abusive d’Internet, le stockage de données ou le téléchargement de logiciels sur le poste de travail peuvent également être sanctionnés.

Ainsi, est constitutif d’un licenciement pour faute grave le téléchargement d’un logiciel destiné à effacer les fichiers temporaires du disque dur (Cass. soc. 21 septembre 2011, n° 10-14869).

De même, repose sur une faute grave le fait de télécharger de la musique, des films et des vidéos pendant le temps de travail (CA Douai 16 décembre 2005, n° 05-144).

Surfer sur Internet n’est donc pas sans risque, comme l’illustrent ces arrêts qui ont, presque tous, retenu la faute grave.

2/ La qualification de la faute.

Selon la Cour de cassation, « la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (Cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867).

A la différence de la faute simple, la faute grave implique que le maintien du contrat de travail, pendant le préavis, n’est pas possible.

A priori, il peut sembler étonnant que la consultation d’Internet, même abusive, puisse justifier un licenciement pour faute grave.

En effet, l’exécution du préavis est concevable, dans la mesure où l’employeur a la possibilité de contrôler l’activité du salarié et, donc, l’absence d’utilisation d’Internet.

Toutefois, en pratique, il apparaît que la faute grave est davantage liée au contexte de l’utilisation d’Internet plutôt qu’à la durée des connexions privées.

Ainsi, la consultation de sites pornographiques effectuée par un directeur d’établissement au vu et au su du personnel justifie son licenciement pour faute grave (Cass. soc. 10 mai 2012, n° 10-28585).

De même, la gravité de la faute a pu être retenue en présence d’un salarié s’étant connecté, à de multiples reprises, sur des sites à caractère pornographique en n’hésitant pas à y laisser le numéro de son téléphone portable professionnel, faisant ainsi courir un risque tangible à l’image de l’entreprise (Cass. soc. 23 novembre 2011, n° 10-30833).

Dans ces deux arrêts, la faute grave est donc moins liée à la durée des connexions sur Internet qu’à son contexte.

En tout état de cause, la sanction disciplinaire doit toujours être adaptée à la faute commise par le salarié. En effet, une connexion ponctuelle sur Internet, à des fins privées, ne suffit pas, en soi, à constituer un motif de licenciement. Cela est vrai même si le règlement intérieur de l’entreprise ou de l’établissement prohibe la navigation sur Internet.

A titre d’exemple, est sans cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié motivé par la conservation, sur son poste informatique, de trois fichiers contenant des photos pornographiques sans caractère délictueux, en l’absence de constatation d’un usage abusif affectant son travail (Cass. soc. 8 décembre 2009, n° 08-42097).

3/ La preuve des faits fautifs.

Pour la Cour de cassation, les connexions établies par un salarié sur des sites Internet pendant son temps de travail, grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail, sont présumées avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence (Cass. soc. 9 juillet 2008, n° 06-45800).

Le salarié ne peut donc pas invoquer sa vie privée pour faire échec au droit de l’employeur de vérifier les connexions de l’ordinateur de travail.

La Cour de cassation a même précisé que l’inscription d’un site sur la liste des « favoris » de l’ordinateur du salarié ne lui confère aucun caractère personnel (Cass. soc. 9 février 2010, n° 08-45253).

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Discussion en cours :

  • Quid des activités personnelles concernant des obligations administratives, des prises de rdv chez le médecin ou encore le suivi scolaire des enfants, etc.

    Peut-on encore passer un coup de fil ou bien le lien de subordination créé par le contrat de travail, exclut-il tout autre aspect de la vie en société ?

    Je crains une pression excessive sur le salarié et une aggravation de l’absence de management dans les entreprises françaises. Quant on veut licencier quelqu’un il faut clairement établir en quoi il ne remplit pas ses obligations contractuelles, bien sûr les comportements indécents qui heurtent la morale et la vie collective ou mettent en danger la sécurité des systèmes d’information doivent suffire à établir une faute. Pourrait-on envisager d’établir à la signature l’obligation d’adhérer au règlement intérieur de la société ?

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