Arrêt « Halozyme » : la Cour de cassation clarifie l’interprétation de l’article 1 b) du Règlement CCP.

Par Matthieu Dhenne, Avocat.

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Explorer : # propriété intellectuelle # brevet pharmaceutique # combinaison de médicaments # cour de cassation

La Cour de cassation a rendu pas moins de sept arrêts relatifs aux certificats complémentaires de protection (« CCP ») [1] le 1er février 2023.
L’objet de cet article est de revenir sur le seul d’entre eux qui a été publié au Bulletin et qui concerne l’interprétation de l’article 1 b) du Règlement (CE) n° 469/2009 (« Règlement CCP »).

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Halozyme Inc. avait en l’espèce demandé un CCP (FR15C0053) pour un produit combiné de trastuzumab et de hyaluronidase humaine recombinante sur la base d’une autorisation de mise sur le marché (« AMM ») [2] accordée le 26 août 2013.

Le trastuzumab est un anticorps monoclonal ciblant HER2 et inhibant ainsi la prolifération des cellules tumorales humaines qui surexpriment HER2, tandis que l’hyaluronidase humaine recombinante augmente la dispersion et l’absorption des médicaments administrés ensemble quand ils sont administrés par voie sous-cutanée, en catalysant l’hydrolyse de l’hyaluronane, un constituant de la matrice extracellulaire. Cette combinaison du trastuzumab et d’hyaluronidase humaine recombinante, qui est visée par l’AMM, est indiquée pour le traitement du cancer du sein et du cancer gastrique.

L’INPI a rejeté la demande de CCP relative à cette association sur le fondement de l’article 3 d) du Règlement, parce que le résumé des caractéristiques du produit de l’AMM de 2013 mentionnait seulement le trastuzumab comme principe actif et l’hyaluronidase n’y figurait que parmi les excipients. L’INPI a considéré que l’hyaluronidase humaine recombinante ne pouvait pas constituer un principe actif ayant une action thérapeutique propre au sein du CCP, mais qu’elle ne pouvait y être qu’un excipient, conformément au résumé des caractéristiques du produit de l’AMM. La Cour d’appel (15 décembre 2022 [3]) a confirmé cette décision jugeant notamment qu’il résultait de l’application de l’article 1 b) du Règlement, au sens de la décision Arne Forgsen (C-631/13) de la CJUE, que le trastuzumab ne pouvait être qu’un principe actif, dès lors qu’il était le seul visé comme tel par le résumé des caractéristiques du produit de l’AMM et qu’aucun autre élément contenu dans l’AMM ne justifiait que l’hyaluronidase seule, ou associée au trastuzumab, produirait une action pharmacologique, immunologique ou métabolique propre relevant des indications thérapeutiques de l’AMM.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt, confirmant ainsi la position retenue en appel.
En effet, selon la haute juridiction, il résulte de la jurisprudence de la CJUE précitée que :

« lorsque l’AMM ne qualifie pas une substance de "principe actif", il est présumé de façon réfragable que cette substance ne produit pas d’effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre couvert par les indications thérapeutiques visées par cette AMM ». Ainsi, « après avoir exactement énoncé que l’appréciation de l’effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre couvert par les indications thérapeutiques de l’hyaluronidase humaine recombinante devait s’effectuer au regard du contenu de l’AMM, l’arrêt relève que celle-ci ne vise comme principe actif que le seul trastuzumab et ne cite l’hyaluronidase humaine recombinante que comme l’un des excipients de la composition, et retient qu’aucun élément contenu dans l’AMM ni dans un document externe ne justifie d’un effet propre à l’hyaluronidase humaine recombinante seule, ou dans son association avec le trastuzumab, pour les indications thérapeutiques de l’AMM ».

La Cour de cassation a approuvé la méthode d’appréciation de la Cour d’appel qui a analysé l’ensemble du contenu de l’AMM et pas seulement le résumé des caractéristiques du produit, ainsi que des documents extérieurs, tels que des articles scientifiques, pour évaluer l’action de la hyaluronidase et juger si elle pouvait être qualifiée de « principe actif ».
La Cour d’appel a également réitéré cette méthode dans une décision ultérieure (18 janvier 2022 [4]) en confirmant le rejet d’une demande de CCP pour la combinaison de rituximab (anticorps monoclonal anti-CD20) et d’hyaluronidase humaine recombinante pour le traitement du lymphome non hodgkinien.

Ainsi, même si un principe actif n’est pas mentionné en tant que tel dans le résumé des caractéristiques du produit de l’AMM, il semblerait qu’un CCP de combinaison soit toujours possible en France, si des données sur l’action thérapeutique spécifique de ce principe sont fournies dans d’autres parties de l’AMM ou dans un document externe.

En tout état de cause, et pour conclure, il faut noter qu’avec sa série de sept décisions du 1er février, notamment celles relatives à l’article 3 a) du règlement CCP (voir à ce sujet l’article « Affaires Nivolumab et Pembrolizumab » : la Cour de cassation clarifie l’interprétation de l’article 3 a) du Règlement CCP.) et celle commentée aujourd’hui, la Cour de Cassation a posé le cadre d’une méthode claire d’évaluation des demandes de CCP, et donc un gage de sécurité, pour les demandeurs.

Matthieu Dhenne
Avocat à la Cour, Docteur en droit
Barreau de Paris
https://www.dhenne-avocats.fr

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