Un bâtiment supportant une toiture photovoltaïque ne constitue pas une « installation de production d’électricité » au sens du b) de l’article R 422-2 du Code de l’urbanisme.

Par Cyrille Tchatat, Avocat.

4618 lectures 1re Parution: 4.95  /5

Explorer : # urbanisme # photovoltaïque # permis de construire

Par une décision du 25 avril 2013, la Cour administrative d’appel de Bordeaux retient que la présence de panneaux photovoltaïques sur la toiture d’un hangar agricole, qui par elle-même n’est pas de nature à modifier la destination agricole du bâtiment, ne saurait conférer à celui-ci le caractère d’un ouvrage de production d’énergie au sens de l’article R. 422-2 du Code de l’urbanisme, quand bien même l’énergie ainsi produite serait destinée à la revente.
(CAA Bordeaux 25 avril 2013 Ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement c/ M. Jean Augeat, req. n° 11BX03399)

-

La Cour juge en effet que :

« Considérant qu’aux termes de l’article R. 422-1 du code de l’urbanisme : « Lorsque la décision est prise au nom de l’Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l’article R. 422-2 où elle émane du préfet » ; que l’article R. 422-2 dispose : « Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire (…) dans les hypothèses suivantes : (…) b) Pour les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d’énergie lorsque cette énergie n’est pas destinée, principalement, à une utilisation directe par le demandeur ; (...) » ; qu’il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de M. Augeat, agriculteur, concernait la construction d’un hangar à usage de stockage de fourrages et de matériels agricoles ; que la présence de panneaux photovoltaïques sur la toiture dudit hangar, qui par elle-même n’est pas de nature à modifier la destination agricole de ce bâtiment, ne saurait conférer à celui-ci le caractère d’un ouvrage de production d’énergie au sens du b) de l’article R. 422-2 précité du code de l’urbanisme quand bien même l’énergie ainsi produite serait destinée à la revente ; qu’il suit de là que la ministre est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a jugé que la décision contestée relevait à ce titre de la compétence du préfet ;

4. Considérant qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens invoqués par M. Augeat devant le tribunal administratif à l’encontre de l’arrêté contesté ;

5. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L.422-1 du code de l’urbanisme : « L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, (…) est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ainsi que, lorsque le conseil municipal l’a décidé, dans les communes qui se sont dotées d’une carte communale ; lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, ce transfert est définitif ; b) Le préfet ou le maire au nom de l’Etat dans les autres communes .(…) » ; qu’aux termes de l’article R. 422-2 du même code : « Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, (…) dans les communes visées au b de l’article L. 422-1 et dans les cas prévus par l’article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : (…) ; e) En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction mentionné à l’article R. 423-16.(…) » ; qu’il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de M. Augeat, réceptionnée le 3 septembre 2009 en mairie de Puy d’Arnac, a été transmise le 21 septembre 2009 par le maire de la commune, laquelle n’est dotée ni de document d’urbanisme ni de carte communale, au responsable du service de l’Etat chargé de l’instruction dans le département avec un avis défavorable ; que, par courrier du 16 novembre 2009, le service instructeur a fait parvenir au maire en retour un projet de décision de rejet de la demande ; qu’en l’absence de désaccord entre le service instructeur et le maire de la commune, ce dernier était compétent pour refuser au nom de l’Etat le permis contesté » (CAA Bordeaux 25 avril 2013 Ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement c/ M. Jean Augeat, req. n° 11BX03399).

Par cette décision, elle vient censurer le jugement du Tribunal administratif de Limoges qui avait retenu le contraire en considérant que :

« (…) la pose de panneaux photovoltaïques en couverture d’un bâtiment est au nombre des ouvrages de production d’énergie visés par les dispositions précitées sans qu’y fasse obstacle la circonstance que le bâtiment qui est ainsi couvert aurait par lui-même un objet distinct de la production d’énergie ; que, par suite, dans les communes dans lesquelles les autorisations d’urbanisme sont délivrées au nom de l’Etat, il n’appartient qu’au préfet de délivrer les permis de construire comportant la pose de panneaux photovoltaïques en couverture lorsque l’énergie ainsi produite n’est pas destinée principalement à une utilisation directe par le demandeur ;

(…) que, devant le tribunal, le requérant soutient, sans que ni le préfet de la Corrèze ni la commune n’apportent de contradiction utile, qu’il destine l’énergie ainsi produite à la revente et non à une utilisation principalement par lui-même ; qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que le projet aurait vocation à permettre une utilisation directe principale par le demandeur ; que, par suite, il appartenait au préfet de la Corrèze et non au maire de la commune de Puy d’Arnac de se prononcer sur la demande de permis de construire de M. AUGEAT ; que celui-ci est dès lors fondé à demander l’annulation du refus qui a été opposé à sa demande  » (TA Limoges 27 octobre 2011 M. Augeat, req. n° 1000027).

Tout d’abord, cet arrêt de la Cour reprend la définition fixée par le décret n° 2012-274 du 28 février 2012, dont l’article 3 introduit la disposition suivante, reprise au nouvel article R 422-2-1 du Code de l’urbanisme : « Les installations de production d’électricité à partir d’énergie renouvelable accessoires à une construction ne sont pas des ouvrages de production d’électricité au sens du b de l’article L. 422-2 ».

Étant cependant souligné que cette nouvelle disposition ne s’applique qu’aux demandes d’autorisation déposées à compter du 1er mars 2012.

Ensuite, cet arrêt de la Cour est intéressant en ce qu’il apporte une précision essentielle pour les autorisations délivrées avant l’intervention du décret du 28 février 2012 susmentionné.

En effet, pour ces autorisations, la jurisprudence des tribunaux administratifs s’est révélée particulièrement partagée.

Si le Tribunal administratif de Nîmes a jugé que la réalisation d’une construction de serres agricoles, avec local vestiaire et sanitaire et production d’énergie photovoltaïque au sein d’un projet de Land art ne porte pas exclusivement sur un ouvrage de production d’énergie au sens de l’article R. 422-2 précité (TA Nîmes 26 avril 2013 Société art Solar, req. n° 1101948), il ne va pas de même du Tribunal administratif de Limoges qui retient qu’un hangar agricole revêtu, en toiture de panneaux photovoltaïques qui produiront de l’électricité destinée à être réinjectée sur le réseau de distribution et qui n’est donc pas destinée principalement à une utilisation directe par le demandeur constitue un ouvrage de production d’énergie (TA Limoges 16 février 2012 M et Mme Bidou, req. n° 1000636).

Il convient cependant de souligner que certaines décisions relatives aux autorisations délivrées avant le 1er mars 2012 conservent toute leur portée, dès lors qu’elles ont écartées le caractère « accessoires » des installations de production d’électricité.

Le Tribunal administratif de Montpellier a considéré que l’édification d’ombrières constituées de structures métalliques dans lesquelles sont intégrées des panneaux photovoltaïques d’une taille de 200 mètres par 20 mètres intégrant 7 500 panneaux solaires chacune excèdent, à l’évidence, les seuls besoins des requérants et relève, compte tenu du caractère indivisible du projet et de son ampleur, de la catégorie prévue à l’article R. 422-2 précité du code de l’urbanisme des ouvrages de production d’énergie, pour lesquels le préfet est seul compétent (TA Montpellier 24 mai 2012 M. Sasso et autres, req. n° 1002232)

Dans la même veine, le Tribunal administratif de Pau retient qu’un hangar agricole revêtu, en toiture, de panneaux photovoltaïques sur une superficie de 1 649 m², qui sera construit par la société Samsolar qui exploite des centrales solaires de toiture et produira un volume d’électricité susceptible de satisfaire les besoins de 67 foyers, ne servira pas exclusivement aux besoins de l’exploitant agricole mais pourra être revendue à EDF constitue un ouvrage de production d’électricité (TA Pau 26 mars 2013 M. et Mme Patrick WATIER, req. n° 1101413).

En conséquence, si l’arrêt de la Cour a le mérite de reprendre en creux les dispositions du décret du 28 février 2012 insérant un nouvel article R 422-2-1 du code de l’urbanisme, la caractère « accessoire à une construction » demeure soumis à une analyse in concreto du juge administratif.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27874 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs