Qu’est-ce que le CCB ?
Tel que son nom l’indique, le CCB fera partie du Copyright Office, le bureau du droit d’auteur des États-Unis, dont il partagera les bureaux à Washington D.C. Le Case Act précise qu’il sera composé de trois juges administratifs dédiés (Officers) et aura le pouvoir de statuer sur les violations du droit d’auteur ( copyright ), si la demande en réparation d’une partie ne dépasse pas 30 000 U.S. dollars, hors honoraires et frais d’avocat. Il sera également établi une procédure spéciale pour les litiges de moins de 5000 U.S. dollars, qui ne seront déterminés que par un seul juge, dont la décision aura le même effet que celles émises par l’ensemble du CCB.
Le CCB aura également le pouvoir de juger les affaires de fausses déclarations dans les notifications de contenu illicite envoyés aux fournisseurs de service Internet en conformité avec la Section 512(f) du Copyright Act, créée par le Digital Millenium Copyright Act (DMCA). Les fournisseurs sont exonérés de leur responsabilité s’ils retirent dans les meilleurs délais un contenu qui leur a été notifié comme illicite, mais le titulaire du droit d’auteur doit déclarer, sous peine de poursuites, que les informations indiquées dans la notification sont exactes.
La loi appliquée.
Le CCB appliquera le Copyright Act, la loi fédérale du droit d’auteur, pour résoudre les cas qui lui seront présentés. En cas de conflit avec une interprétation précédente de la loi, le CCB « suivra le droit de la juridiction fédérale dans laquelle l’action aurait pu être intentée si elle avait été déposée devant un tribunal [fédéral], ou, si l’action avait pu être intentée dans plusieurs de ces juridictions, la juridiction qui, selon le [CCB], a les liens les plus étroits avec les parties et l’affaire en cause ». Cette précision est importante parce que les différentes Cours d’appel fédérales n’interprètent pas toujours de la même manière les dispositions de la loi fédérale. Les États-Unis sont un pays de common law, où la jurisprudence établit un précédent judiciaire, mais les décisions du CCB ne seront néanmoins pas considérées comme legal precedent.
Une procédure simplifiée.
Le demandeur pourra commencer une action en déposant une demande (claim) auprès du CCB comprenant un exposé certifié des faits matériels à l’appui de la demande et devra préalablement obtenir un certificat d’enregistrement de l’œuvre, ou avoir du moins commencé la procédure d’enregistrement. Le délai de prescription sera de trois ans à compter de la date du préjudice subi par le demandeur (« not later than 3 years after the claim accrued »).
Si le défendeur est un hébergeur stockant un contenu illicite, ou établissant un lien vers celui-ci, la demande devra indiquer que le demandeur lui a préalablement envoyé une notification DMCA, et que le fournisseur de services n’a pas rapidement supprimé ou désactivé l’accès à ce contenu après avoir reçu la notification.
Le CCB examinera la recevabilité de la demande, qui pourra être modifiée jusqu’à deux fois, si nécessaire. Lorsque la demande sera déclarée recevable par le CCB, le demandeur aura quatre-vingts jours pour la signifier à la partie adverse.
Le CCB ne remplacera pas les procédures judiciaires mais en sera une simple alternative. C’est pourquoi la participation aux procédures du CCB ne pourra être imposée. Le défendeur aura soixante jours à compter de la signification de la demande pour décliner sa participation (opt-out). Négliger de le faire entraînera néanmoins la renonciation du défendeur au droit de porter l’affaire devant les tribunaux fédéraux.
Et les justiciables français ?
Il sera possible pour un titulaire français d’un copyright de déposer une demande auprès du CCB contre une entité ou un particulier résident aux États-Unis, mais le CCB ne sera pas compétent si le défendeur est une personne ou une entité résidant en dehors des États-Unis. Le CCB aura néanmoins ce pouvoir si une personne ou une entité résident en dehors des États-Unis a déposé une demande devant le CCB et le défendeur présente une demande reconventionnelle. Le demandeur devra alors également organiser sa défense au fond.
La procédure sera écrite et les parties n’auront pas à être présentes. Elles pourront néanmoins être représentées, si elles le souhaitent, par un avocat ou par un étudiant en droit « qualifié en vertu de la loi applicable régissant la représentation par des étudiants en droit des parties dans des procédures judiciaires et qui fournit une telle représentation à titre gracieux ». La loi fait référence aux étudiants en droit participant à des cliniques juridiques gratuites organisées par les facultés de droit, sous la responsabilité d’un avocat, afin que les étudiants obtiennent une expérience pratique.
Notons que le CASE ACT ne précise pas que l’avocat doit être membre d’un barreau des États-Unis et la page FAQ récemment créée par le Copyright Office ne le précise pas non plus. Il semble ainsi possible qu’un avocat français pourra représenter un demandeur français devant le CCB, d’autant plus que la procédure se déroulera à distance et qu’il ne sera pas nécessaire de se rendre à Washington D.C.
En effet, le CCB pourra choisir d’entendre les parties à distance, en utilisant un programme de visio-conférence ou tout autre moyen de télécommunication. Si l’apport d’une preuve nécessitera une preuve physique, le CCB pourra prendre des dispositions alternatives afin que ces éléments de preuve lui soient présentés, si cela ne porte toutefois pas préjudice à aucune des parties.
Les dommages-intérêts.
Le CCB pourra accorder des dommages-intérêts réels ou statutaires, selon les demandes des parties. Le montant des dommages réels sera établi en examinant les preuves fournies par les parties et pourra être de de 30 000 U.S. dollars au maximum pour une seule œuvre, en notant que le plafond total de 30 000 U.S. dollars pour l’ensemble de la procédure devra s’appliquer pour que le CCB soit compétent. Le CCB pourra en outre accorder jusqu’à 15 000 U.S. dollars de dommages-intérêts légaux par œuvre. Si l’œuvre n’est pas enregistrée dans les délais fixés à l’article 412 du Copyright Act, les dommages-intérêts seront limités à 7 500 U.S. dollars par œuvre.
Et après ?
Les décisions du CCB seront finales. Les parties pourront présenter à nouveau, au CCB ou à un tribunal, une question de fait ou de droit identique ou similaire « en rapport avec » (in connection with) une demande initiale ou reconventionnelle non invoquée ou déterminée en dernier ressort par le CCB.
En outre, la détermination de la propriété d’un droit d’auteur par le CCB n’empêchera pas les parties d’en contester le bien fondé devant un tribunal ou même le CCB. Les parties pourront également soumettre une demande écrite de réexamen ou de modification d’une décision finale rendue par le CCB, au plus tard trente jours après la publication de celle-ci, si une partie identifie une erreur technique ou une erreur de droit ou de fait qui a contribué matériellement à la décision du CCB.
La création du CCB aura l’avantage de proposer aux parties une procédure simple et peu coûteuse, ce qui est une bonne nouvelle pour les artistes et les auteurs. Mais un copyright est souvent la propriété d’une entreprise, et celles-ci pourraient bien voir dans le CCB un moyen de poursuivre facilement en justice les personnes qu’elles estiment contrevenir à leurs droits. Les copyright trolls, « trolls du droit d’auteur », qui s’engagent dans des litiges de masse en matière de droits d’auteur, pourraient également prendre avantage de la relative facilité et du moindre coût de la procédure du CCB.