Par Claudine Eutedjian, Avocat.

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Explorer : # cjip environnementale # pollution des eaux # sanctions pénales environnementales # réparation des dommages environnementaux

La Loi du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a ouvert la possibilité aux personnes morales qui pourraient être poursuivies pour des infractions au Code de l’environnement de conclure avec le Parquet une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) pour échapper aux poursuites.
Le 16 décembre 2021, le Président du Tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a homologué pour la première fois une telle convention.

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Cette convention judiciaire d’intérêt public a été conclue le 22 novembre 2021 entre le Procureur de la République et le Syndicat Mixte de Production et d’Adduction d’eau (SYMPAE), poursuivi pour un déversement de permanganate de potassium dans un ruisseau, en mars 2021, entraînant la pollution d’un kilomètre de cours d’eau. Cet accident intervenait après un premier déversement de 50 000 litres de lait de chaux dans ce même cours d’eau.

Au terme de cette CJIP, le SYMPAE s’engage à verser au Trésor public une amende d’intérêt public de 5 000 euros et à mettre en œuvre un programme de mise en conformité, « avec la pose dans un délai de 6 mois d’un portillon d’accès à la vanne du bassin de décantation, permettant l’intervention à toutes heures des services de secours ». Le syndicat doit aussi « réparer le préjudice environnemental et piscicole évalué à hauteur de 2 159 euros au bénéfice de la Fédération Départementale de Pêche de la Haute-Loire » et autant pour l’Association Agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique (AAPMA).

Ce qui fait l’intérêt de cet accord est qu’il s’agit de la première CJIP signée en matière environnementale depuis sa création par la Loi du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée qui a introduit ce mécanisme à l’article 41-1-3 du Code de procédure pénale pour les délits prévus par le Code de l’environnement et infractions connexes.

Cette décision rendue par une juridiction pénale était en outre particulièrement attendue en droit de l’environnement, dont le contentieux est le plus souvent tranché par le juge administratif [1].

Son utilisation dans le cadre d’une banale affaire de pollution des eaux laisse néanmoins perplexe, la CJIP ayant vocation à être utilisée pour les affaires les plus complexes, relatives à des atteintes graves à l’environnement requérant une expertise spécifique.

La CJIP environnementale a ainsi pour but avoué de sanctionner les infractions les plus graves - à l’exclusion néanmoins des atteintes à la personne - tout en évitant des procédures longues et complexes et ainsi permettre une remise en état et une réparation rapide des dommages occasionnés, et cela sous le

« contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement et des services de l’Office français de la biodiversité » [2].

Dans cette espèce, l’utilisation de la CJIP sort clairement du cadre imaginé par le législateur. En effet, calquée sur la CJIP en matière d’anticorruption issue de la Loi Sapin 2 [3], cette nouvelle CJIP environnementale introduite aux articles 41-1-3 et 180-3 du Code de procédure pénale a vocation à renforcer la réponse pénale en matière d’atteintes à l’environnement et à compléter le dispositif de transaction pénale proposée par l’Administration [4] uniquement applicable aux infractions punies d’une peine n’excédant pas 2 ans d’emprisonnement.

Peut-être faut-il voir avec ce premier accord un « ballon d’essai », tant l’instauration de cette CJIP en matière environnementale a été accueillie avec circonspection par les praticiens quelque peu partagés quant à l’opportunité de transposer le mécanisme instauré par la Loi Sapin 2 à l’environnement, au regard de le spécificité de la matière et faute pour les entreprises d’y trouver un intérêt évident [5].

En effet, au regard du montant des peines encourues qui est généralement loin de la barre de 30% du chiffre d’affaires que le Parquet peut viser, l’opportunité de s’engager dans la négociation d’une CJIP est loin d’être évidente. La situation peut néanmoins rapidement évoluer avec la promulgation de la loi Climat et Résilience le 24 août 2021 qui a entraîné un renforcement de la protection pénale de l’environnement, et donc des sanctions, avec la création d’un délit de mise en danger de l’environnement, d’un délit général de pollution des milieux (flore, faune et qualité de l’air, du sol ou de l’eau) et d’un délit d’écocide pour les cas les plus graves.

Le délit de mise en danger de l’environnement et le délit général de pollution des milieux (flore, faune et qualité de l’air, du sol ou de l’eau) est puni de 3 ans de prison et 250 000 euros d’amende. S’agissant du délit de mise en danger, le seul comportement fautif sera susceptible d’entraîner des sanctions même sans pollution avérée.

Les atteintes les plus graves commises intentionnellement à l’environnement seront quant à elles passibles d’une peine maximale de 10 ans de prison et 4,5 millions d’euros d’amende (22,5 millions d’euros pour les personnes morales), Les sanctions sont portées à dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’à dix fois l’avantage tiré par l’auteur de l’infraction [6].

Ces nouveaux « barèmes » pouvant dépasser l’amende d’intérêt public susceptible d’être proposée par le Parquet, la conclusion d’une convention pourrait en devenir attractive, tout en devant être utilisée avec précaution puisqu’elle n’est utilisable qu’une fois.

Elle est donc particulièrement adaptée lorsqu’une personne morale veut faire table rase du passé et sortir d’une situation qui n’est plus en adéquation avec ses aspirations actuelles [7].

Claudine Eutedjian
Avocat à la Cour
Barreau d’Aix-en-Provence
Docteur en Droit
accueil chez juris-contact.fr

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Notes de l'article:

[1S. Bridier, Quelle place pour la nouvelle CJIP environnementale, Dalloz Actualité, 2 mars 2021 ; P. Dufourq, Droit pénal de l’environnement : les enseignements de la première CJIP environnementale, Dalloz Actualité 31 janvier 2022.

[2Article 41-1-3, 2° du Code de procédure pénale.

[3Art. 41-1-2 Code procédure pénale.

[4Article L173-12 Code de l’environnement.

[5S. Bridier, Quelle place pour la nouvelle CJIP environnementale, Dalloz Actualité, 2 mars 2021.

[6Loi « Climat et résilience » : aspect de droit pénal, Dalloz Actualité 9 septembre 2021.

[7S. Bridier, Quelle place pour la nouvelle CJIP environnementale, Dalloz Actualité, 2 mars 2021.

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