Forces et faiblesses pour les victimes de nuisances sonores de recourir au procès pénal.

Par Christophe Sanson, Avocat.

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Explorer : # nuisances sonores # procédure pénale # indemnisation # mesurages acoustiques

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Cinq couples parisiens ont porté plainte contre un hôtel-restaurant pour nuisances sonores causées par une boîte de nuit et un restaurant en plein air. Le Tribunal a reconnu la culpabilité de l'établissement, infligeant des amendes et fixant des indemnités de 17 500 euros pour les victimes, confirmant la valeur de l'action pénale.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans cette affaire, un hôtel-restaurant et sa dirigeante ont été reconnus coupables de nuisances sonores dans le cadre de leur activité professionnelle et ont été condamnés au pénal à une peine d’amende ainsi qu’à indemniser le préjudice et les frais des parties civiles à hauteur de 20 500 euros.

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I. Présentation de l’affaire.

1. Faits.

Cinq couples de propriétaires et occupants d’appartements dans deux immeubles parisiens, situés à proximité d’un hôtel-restaurant, se plaignaient des nuisances sonores en provenance de cet établissement.

Les nuisances sonores prenaient la forme de bruits aériens du fait de la diffusion de sons amplifiés dans la boîte de nuit intégrée à l’hôtel-restaurant.

Elles prenaient également la forme de cris, de voix et de bruits de portes dus à l’exploitation à ciel ouvert d’un restaurant dans la cour sur laquelle donnaient les immeubles des victimes.

Ces nuisances sonores se manifestaient quotidiennement, tant de jour que de nuit, parfois jusqu’à plus de 2 heures du matin.

2. Procédure.

Les victimes de ces nuisances sonores avaient tout d’abord effectué des signalements auprès des services de police par écrit et par téléphone.

Elles avaient également signalé la situation au Procureur de la République, au préfet de police de Paris ainsi qu’à l’inspecteur de salubrité de la Mairie.

A la suite de ces signalements, plusieurs campagnes de mesurages acoustiques avaient été réalisées par l’inspecteur de salubrité à la fin 2021, en septembre 2022 puis en juin 2023. Toutes avaient démontré des dépassements des seuils d’émergence réglementairement tolérés (différence entre le bruit ambiant comprenant le bruit particulier à l’origine des nuisances sonores et le bruit résiduel c’est-à-dire le bruit mesuré en l’absence de ce bruit particulier).

Les victimes avaient également fait effectuer un mesurage par un Bureau d’Etudes Techniques spécialisé en acoustique en août 2022, qui lui aussi laissait apparaître des émergences bien au-delà des seuils tolérés.

Tous mesurages confondus, l’émergence avait pu atteindre à son maximum 26 dB(A) pour une valeur limite admissible de 4 dB(A), soit 22 dB(A) de dépassement.

Par ailleurs, l’exploitation de cet hôtel-restaurant avait déjà donné lieu à des poursuites et à la condamnation de l’établissement à 2 000 euros d’amendes et de sa dirigeante à 300 euros d’amendes pour non-respect des prescriptions réglementaires relatives aux nuisances olfactives.

Toutefois, cette première condamnation n’avait pas suffi à faire cesser les troubles et de nouvelles poursuites avaient eu lieu à l’encontre de l’hôtel-restaurant et de sa dirigeante, portant sur l’ensemble de la période allant de décembre 2021 à mai 2023 et concernant, cette fois, les nuisances sonores.

Les victimes s’étaient portées partie civile à cette seconde procédure dont la première audience était prévue en octobre 2024 mais a été renvoyée à deux reprises pour finalement se tenir en février 2025.

L’hôtel-restaurant et sa dirigeante étaient prévenus d’avoir, lors d’une activité professionnelle non réglementée en matière de bruit, été à l’origine d’un bruit de voisinage dépassant les valeurs limites de l’émergence globale ou de l’émergence spectrale et d’avoir causé des nuisances sonores, selon 6 mesures effectuées entre juin 2021 et mai 2023.

3. Décision du juge.

Le juge a commencé par corriger une erreur matérielle relative à la période de prévention. Cette période correspond aux dates encadrant les faits reprochés et délimite l’étendue de la saisine de la juridiction pénale. Elle fixe un cadre temporel et permet de déterminer les faits que la juridiction devra juger.

En l’espèce, l’acte de poursuite retenait une période de prévention allant jusqu’au 30 mai 2022 alors que le juge considérait que tous les éléments du dossier, mesurages compris, démontraient que la date cohérente à retenir était le 30 mai 2023.

En se fondant sur les mesures d’émergence effectuées par l’inspecteur de salubrité, le juge du Tribunal de Police de Paris a ensuite reconnu la culpabilité de l’hôtel-restaurant et de sa dirigeante du fait des nuisances sonores causées par l’exploitation de l’établissement.

Les prévenus ont été condamnés respectivement à une peine d’amende de 2 500 euros pour l’établissement et de 300 euros, sans inscription au casier judiciaire, pour la dirigeante.

Les constitutions de parties civiles ayant été déclarées recevables par le juge, ce dernier a également fixé le montant des préjudices subis par les victimes qui devaient être indemnisés par les prévenus.

Le montant total des préjudices s’est élevé à la somme de 17 500 euros auxquels se sont ajoutés 3 000 euros au titre des frais de procédure et des dépens.

Aucun appel n’a été interjeté à la suite de cette décision qui est donc devenue définitive.

II. Observations.

Ce jugement du Tribunal de Police de Paris est intéressant étant donné la rareté des condamnations pénales en matière de nuisances sonores.

Il permet notamment de constater que le juge pénal s’appuie uniquement sur les mesurages effectués par l’inspecteur de salubrité afin d’affirmer l’existence de nuisances sonores, sans même développer son raisonnement au sein du jugement (1°).

Il rappelle ensuite l’efficacité de l’action pénale pour obtenir la condamnation de la personne qui génère les nuisances sonores, à moindre coût (2°).

Toutefois, il rappelle également la faible reconnaissance des préjudices en matière pénale ainsi que l’impossibilité pour le juge pénal d’ordonner des mesures garantissant la cessation définitive des nuisances sonores (3°).

1. Une condamnation pénale prononcée sur la seule base des mesurages d’émergence.

Le jugement ne s’attarde aucunement sur les éléments qui ont permis au juge d’affirmer l’existence des nuisances sonores et de condamner les prévenus.

Il ne prend même pas la peine de mentionner les valeurs d’émergence qui ont été calculées et se contente d’affirmer que l’émergence a été mesurée « le 03/12/2021 entre 00h50 et 01h20, le 30/05/2023 entre 00h30 et 1h00, le 24/06/2022 entre 01h00 et 01h30, le 26/06/2023 entre 01h15 et 01h45 au domicile des victimes à un niveau supérieur aux normes réglementaires ».

On constate qu’en matière pénale, le juge se fie sans réserve aux mesurages effectués par les agents verbalisateurs des communes en considérant qu’ils apportent des éléments suffisamment objectifs pour permettre de caractériser ou non l’infraction reprochée.

Cela ne reflète aucunement un manque d’intérêt du juge pour la question des nuisances sonores puisque la présente affaire a, par exemple, retenu l’audience pendant environ une heure afin de laisser le temps aux parties civiles et aux prévenus de s’exprimer ainsi que le temps pour les avocats de plaider.

Le juge avait d’ailleurs analysé le dossier en amont et avait donc bien pris connaissance dans le détail des mesurages effectués mais a considéré qu’il était préférable de s’attarder sur les solutions envisageables plutôt que de discuter de la réalité des nuisances sonores, qui n’étaient pas remise en question par les prévenus.

En se fondant, sans réserves, sur le rapport acoustique réalisé par les agents verbalisateurs pour confirmer l’existence des nuisances sonores, le juge se donne la possibilité de prendre du recul sur la situation afin que l’audience pénale remplisse ses objectifs.

2. Les avantages de l’action pénale comparativement à l’action civile.

Dans la présente affaire, la procédure pénale a permis aux 10 victimes s’étant portées parties civiles d’obtenir la condamnation de l’établissement à l’origine des nuisances sonores et de se voir indemniser leur préjudice à moindre coût.

En effet, si dans le cas présent les parties civiles avaient fait appel à un Bureau d’Etudes Technique spécialisé en acoustique pour faire réaliser un mesurage d’émergence, toutes les autres mesures avaient été effectuées par l’inspecteur de salubrité de la commune, et donc aux frais de la commune et non pas des parties civiles.

Dans le cas d’une procédure civile, il est également indispensable d’obtenir des mesurages de l’émergence réalisés au contradictoire de toutes les parties, d’autant plus en matière de bruits d’origine professionnelle, il faut donc passer par une procédure d’expertise judiciaire.

La difficulté étant qu’une expertise judiciaire peut durer plusieurs années et son coût est, le plus souvent, avancé par la partie qui en fait la demande, à savoir la victime des nuisances sonores.

Par ailleurs, pour obtenir l’expertise judiciaire il est préconisé d’avoir déjà en sa possession des débuts de preuves des nuisances sonores, comme des procès-verbaux de constats d’huissier ou un ou plusieurs mesurages acoustiques réalisés par un Bureau d’Etudes Technique, or cela représente également un coût financier important.

L’intérêt majeur de la procédure pénale repose donc sur le fait que l’instruction de l’affaire reste aux frais de la collectivité tout en permettant aux victimes de se porter partie civile afin de voir indemniser les préjudices subis.

La procédure pénale reste donc un recours effectif pour les victimes les moins fortunées qui ne pourraient financièrement pas envisager d’avoir recours à des constats d’huissiers, à des rapports de Bureau d’Etudes Techniques ou d’avancer les frais relatifs à une expertise judiciaire.

Il est primordial que cette solution prospère pour permettre l’accès à la justice pour tout un chacun, c’est pourquoi il serait particulièrement regrettable que les poursuites pénales devant le Tribunal de Police soit remplacées par une simple amende forfaitaire délivrée par les agents verbalisateurs sur la base d’un constat à l’oreille.

3. Les faiblesses du procès pénal comparativement au procès civil.

Si le procès pénal permet l’accès à un recours effectif pour tous, il comporte toutefois des faiblesses.

Tout d’abord s’agissant du montant des préjudices, le procès pénal ne prévoyant aucun plafond, ils peuvent dépasser les 20 000 euros comme dans le cas présent, cependant, cette somme conséquente n’a été possible que du fait du nombre de parties civiles présentes dans cette affaire.

Le préjudice de jouissance et le préjudice moral pour un couple de propriétaire et occupant a été fixé dans cette affaire, au maximum, à 4 000 euros au total pour une période litigieuse allant de décembre 2021 à mai 2023.

La faible indemnisation des préjudices contrebalance la simplicité d’accès à la procédure pénale.

Il faut néanmoins préciser que le juge civil n’est pas lié par la décision du juge pénal s’agissant de la fixation des préjudices. Les parties civiles peuvent donc agir devant les juridictions civiles afin d’espérer obtenir une meilleure indemnisation de leurs préjudices en basant leur action sur la condamnation pénale ayant déjà eu lieu. Il sera cependant tenu compte des indemnisations déjà prononcées.

Cependant, cette solution nécessite d’enchaîner deux procédures distinctes, ce qui peut représenter plusieurs années et induit nécessairement des frais supplémentaires.

La deuxième faiblesse du procès pénal, en matière de nuisances sonores, est que le juge peut reconnaître la culpabilité de la personne fautive, la condamner, fixer les préjudices à indemniser, mais il ne peut pas ordonner la réalisation de travaux et donc la cessation des nuisances sonores.

Le juge civil, à l’inverse, dès lors qu’il reconnaît l’existence d’un trouble anormal de voisinage, se doit d’indemniser l’intégralité des préjudices mais aussi et surtout d’ordonner la cessation des nuisances sonores en imposant la réalisation de travaux ou même, le cas échéant, la cessation de l’activité.

Conclusion.

Ce jugement démontre l’intérêt de préserver le procès pénal devant le Tribunal de Police, en matière de nuisances sonores, notamment pour les personnes qui n’auraient pas les moyens de saisir le juge civil étant donné le coût que représente les constats d’huissier, les rapports de Bureau d’Etudes Techniques et les provisions à valoir sur la rémunération de l’expert judiciaire.

Il rappelle à cet égard que les agents de salubrité des communes ont la compétence pour effectuer des mesurages d’émergence et que le juge pénal n’a pas de difficulté à se fier à ces rapports de mesurage pour reconnaître la culpabilité des personnes à l’origine des nuisances sonores.

Cependant, et malgré ses qualités, le procès pénal ne pourra jamais aboutir à la cessation définitive des nuisances sonores puisque le juge pénal n’a pas le pouvoir d’ordonner la réalisation de travaux ou, plus encore, la cessation de l’activité litigieuse.

Christophe Sanson
Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine

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