Condamnation inédite d’un vendeur pour indépendance énergétique manquée.

Par Grégory Rouland, Avocat.

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Explorer : # autoconsommation énergétique # litige commercial # responsabilité contractuelle # dommages et intérêts

Le 27 janvier 2021, le tribunal Judiciaire de Draguignan a tranché la question inédite en justice de l’indépendance énergétique promise et non respectée par un vendeur photovoltaïque à des consommateurs.

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I. Rappel sur le principe d’autoconsommation.

L’autoconsommation est un principe noble et intéressant, permettant aux particuliers de produire leur énergie électrique pour alimenter leur foyer. Le photovoltaïque apparaît comme la technologie la meilleure (pour le moment). Les projets sont nombreux et les démarchages de sociétés également…

Cependant, encore faut-il que les produits vendus fonctionnent…

La présente affaire est l’occasion d’illustrer ce type de litige.

II. Résumé des faits.

En juillet 2019, un couple de personnes est démarchée par la société Svh Energie et accepte de signer un bon de commande portant sur la fourniture et installation d’une « Offre packagée Gse Transition Energétique », d’un coût de 28 891 euros.

Cette offre comprenait des panneaux photovoltaïques et une pompe à chaleur.

Pour financer cette acquisition le couple signe un contrat de crédit auprès de la SA Franfinance.

Or, les travaux ont été réalisés dans la plus parfaite improvisation, car Svh Energie a reconnu avoir laissé dans la toiture du couple « un trou béant après son intervention », ce qui a été à l’origine de graves infiltrations d’eau dans le domicile.

De même, le couple reproche à Svh Energie de :
- Les avoir trompé sur le fait que la pompe à chaleur ne serait en réalité qu’« un complément de chauffage », ce dont ils ont été informés après la signature du bon de commande ;
- Leur avoir installé une pompe à chaleur qui ne fonctionne pas et n’atteint pas les rendements promis (absence d’économie de chauffage).

Faute de solution amiable, les acquéreurs n’ont eu d’autre choix que d’assigner le vendeur et le prêteur devant le Tribunal judiciaire de Draguignan.

III. Résolution du contrat de vente.

A plusieurs reprises, les époux acquéreurs ont averti le commercial par Sms être victimes d’infiltrations d’eau par leur toiture et que leur installation de chauffage était insatisfaisante.

Le commercial a répondu qu’il fallait reboucher le trou et changer la pompe à chaleur.

Pour sa part, le vendeur a indiqué qu’il n’avait jamais promis aux acquéreurs d’être autonomes en chauffage, mais qu’il aurait uniquement indiqué que la pompe à chaleur était « un complément de chauffage ».

Or, les acquéreurs contestent avoir reçu une telle information lors de la signature du contrat de vente.

De fait, faute pour le vendeur de démontrer avoir communiqué cette information aux acquéreurs, le Tribunal a refusé de retenir que ces derniers avaient été avertis que la pompe à chaleur n’était en réalité qu’un complément de chauffage, et non une installation venant remplacer leur installation de chauffage existante.

Pire, le vendeur avait indiqué par écrit aux acquéreurs qu’ils pourraient jouir d’une « indépendance énergétique », leur permettant de s’affranchir de toute facture d’électricité.

Faute d’atteindre cette indépendance promise, le tribunal a considéré que Svh Energie avait manqué à ses devoirs et a alors prononcé la résolution du contrat de vente.

IV. Annulation du contrat de crédit.

Le contrat de crédit étant lié au contrat de vente, l’annulation de ce dernier entraîne celle du prêt.

En principe, le vendeur aurait dû être condamné à rembourser le crédit aux époux emprunteurs, à charge pour eux de le restituer à la SA Franfinance.

Cependant, ce principe ne s’est pas appliqué en l’espèce en raison des fautes du prêteur.

V. Exonération pour les emprunteurs de rembourser le crédit.

Franfinance prétend que les dysfonctionnements des matériels vendus relèveraient de problèmes de services après-vente.

L’argument est saugrenu et ne pouvait pas convaincu le Tribunal.

En effet, Franfinance a débloqué le crédit à l’appui d’un document souffrant d’une grave anomalie, à savoir qu’il ne démontre pas que le vendeur aurait exécuté intégralement ses devoirs.

Cette faute justifie que la banque ne puisse réclamer aux emprunteurs de rembourser le crédit.

VI. Condamnation du vendeur à régler des dommages et intérêts et à rembourser le crédit

La responsabilité de la société Svh Energie ayant été reconnue dans les dégradations du domicile des acquéreurs, elle a été condamnée à leur verser une somme supérieure à 5 000 euros au titre de leurs préjudices matériels et une somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice moral.

De plus, Svh Energie a été condamnée à rembourser le montant du crédit à Franfinance.

VII. Que retenir de cette affaire ?

En premier lieu, lorsqu’un vendeur promet l’indépendance énergétique à son acquéreur, il est tenu de livrer des matériels qui permettront de respecter ses engagements.

Faute de ce faire, le vendeur risque de voir son contrat résolu. Le principe peut sembler élémentaire, mais à notre connaissance c’est la première fois qu’une juridiction se prononce sur cette question.

En second lieu, si les travaux du vendeur sont à l’origine de dégradations du domicile (fuite sous panneaux ayant engendré un sinistre), le vendeur doit régler le montant des réparations.

En dernier lieu, aucune banque ne peut régler un vendeur sans être absolument certaine que le vendeur a exécuté ses devoirs. Il s’agit d’un principe désormais élémentaire que certains prêteurs occultent, ce qui permet aux emprunteurs de pouvoir éviter de rembourser le crédit, à la condition cependant que cette faute leur soit préjudiciable.

Dans la présente affaire, le préjudice était évident : une indépendance énergétique inexistante et des travaux dans le plus parfait irrespect des règles de l’art.

Grégory Rouland
Docteur en Droit et Avocat
gregory.rouland chez outlook.fr

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