1) Faits et procédure.
Une salariée a été engagée en qualité d’employée commerciale par la société Mazagran services, le 12 octobre 2009.
Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014, puis pour accident du travail du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 et à nouveau pour cause de maladie non professionnelle du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019.
Le 16 janvier 2020, la salariée a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Le 16 décembre 2020, elle a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 novembre 2023 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 2124 du 15 novembre 2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L3141-3 du Code du travail et du 5 ° de l’article L3141-5 du même code.
L’article L3141-3 du Code du travail prévoit que :
« le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables ».
Le 5 ° de l’article L3141-5 du même code prévoit que sont considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :
« les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ».
2) Moyens.
En ce qu’elles méconnaitraient le droit à la santé et le droit au repos, la requérante, ainsi que le syndicat Confédération générale du travail intervenu à l’instance, reprochent aux deux dispositions susvisées du Code du travail :
- D’avoir pour effet de priver le salarié, en cas d’absence pour cause de maladie non professionnelle, de tout droit à l’acquisition de congé payé pendant la période de suspension de son contrat de travail ;
- De limiter à un an la période prise en compte pour le calcul des congés payés d’un salarié absent pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
La requérante et le syndicat font également valoir qu’en prévoyant que seuls les salariés absents pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle acquièrent des droits à congé payé, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre ces derniers et les salariés absents pour cause de maladie non professionnelle. Elles méconnaîtraient ainsi le principe d’égalité devant la loi.
3) Solution.
Le Conseil constitutionnel décide que le 5° de l’article L3141-5 du Code du travail est conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel procède à une réflexion en deux temps.
Tout d’abord, au sujet du manquement au droit à la santé et au droit au repos, le Conseil constitutionnel rappelle que le congé annuel payé est l’une des garanties du droit au repos reconnu aux salariés par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
Le Conseil constitutionnel affirme ensuite que :
« il n’a pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé ».
Or, selon le Conseil, il était loisible au législateur :
- D’assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non professionnelle ;
- De limiter cette mesure à une durée ininterrompue d’un an.
En conséquence, le droit au repos n’a pas été méconnu.
En second lieu s’agissant de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel rappelle que selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, la loi :
« doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », mais que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».
Or, selon le Conseil constitutionnel, la maladie professionnelle et l’accident du travail se distinguent des autres maladies ou accidents, de sorte que le législateur a pu prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail et que la différence de situation est en rapport avec l’objet de la loi.
En conséquence, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
Le Conseil constitutionnel conclut donc que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le droit à la protection de la santé, ni le principe d’égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
4) Analyse.
La solution tant attendue du Conseil constitutionnel pourrait à première vue sembler contredire les arrêts du 13 septembre 2023, par lesquels la Cour de cassation a écarté les dispositions françaises relatives à l’acquisition des congés payés en raison de leur contrariété avec le droit européen.
Cependant, les deux positions ne sont pas contraires.
En effet, alors que la Cour de cassation s’est prononcée sur la conformité du droit français avec le droit européen, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité du droit français avec la Constitution.
En revanche, la solution de la Cour de cassation pourrait bien être partiellement remise en cause par le gouvernement qui a promis de réaliser un projet de loi en la matière pour adapter le droit français au droit européen.
Discussions en cours :
bonjour,
une salariée en arrêt depuis décembre 2019 vient d être licenciée le 16 mars 2024 pour inaptitude au poste quelle durée de paiement des CP doit on appliquer ?
1 an ou 4 ans.
Merci
Bonjour, du coup que peut on faire ? Mon ancien emploie ne veut rien payer tant qu il n y a pas de décret de sortie. Et je n ai pas les moyen de payer le prud’homme.
Cordialement
Bjr, alors au final on fait quoi ? Peut on demander l’effet rétroactif ? Cordialement
Chère Madame,
C’est impossible d’avoir une certitude en la matière.
Nous sommes en attente du projet sur lequel travaille actuellement le gouvernement.
En attendant, il est possible de tenter de solliciter l’effet rétroactif, car sur le fondement des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, cela pourrait marcher !
Cordialement,
Frédéric CHHUM
Bonjour,
Donc en clair, qu’en est-il réellement ?
Le salarié en arrêt maladie cumule t’il des CP ? Si oui, a t’il le droit de réclamer des CP à effet rétroactif et sur combien de temps ?
Merci d’avance pour votre réponse. Cordialement
J’ai du mal à suivre ..... dois je emmener mon employeur en justice ou la pro btp ou aucun des deux.
J’ai était en arrêt maladie non professionnelle durant plusieurs années jusque fin 2023.