I) - Au plan de la légalité externe : le juge vérifiera :
1) - Le contrôle de la compétence de l’autorité investie du pouvoir disciplinaire :
L’article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que : « Le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination. (...) » .
Lorsque le fonctionnaire est détaché : la compétence disciplinaire reste à l’autorité disciplinaire du cadre d’origine (CE 22 octobre 1954, Bourigeard, p. 548 ; CE 8 juin 1962, Frischmann, P. 382) et appartient à l’administration de détachement en cas de suspension (mesure conservatoire).
Conseil d’Etat, 6 / 3 SSR, du 9 octobre 1968, 70886, mentionné aux tables du recueil Lebon
2) - Le contrôle du respect des droits de la défense du fonctionnaire préalablement à la consultation du conseil de discipline :
a) - Information du fonctionnaire poursuivi dans le délai de 15 jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le délai de 15 jours est une formalité substantielle.
Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 10 novembre 1994, 94NT00034 94NT00324, inédit au recueil Lebon
NOTA : la lettre d’information doit indiquer clairement au fonctionnaire qu’une procédure disciplinaire est susceptible d’être engagée à son encontre ainsi que la nature et la formulation des griefs retenus contre lui.
Conseil d’Etat, 1 SS, du 10 mars 1989, 66319, inédit au recueil Lebon
Elle doit également contenir l’indication de l’ensemble des droits du fonctionnaire dont celui d’obtenir communication de l’intégralité de son dossier et de tous les documents annexes et celui de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. (Le statut ne contient aucune précision sur la qualité du défenseur qui peut donc être un AVOCAT).
L’omission de cette dernière information vicie l’ensemble de la procédure même en cas d’avertissement ou de blâme alors que la consultation du conseil de discipline n’est pas obligatoire.
Conseil d’Etat, 5 / 3 SSR, du 26 juin 1996, 135453, publié au recueil Lebon
b) - Communication du dossier au fonctionnaire poursuivi : en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 toujours en vigueur qui dispose que : « Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier avant d’être l’objet d’une sanction disciplinaire ».
Cette obligation est d’ailleurs reprise pour les fonctionnaires à l’article 19 de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
« (...) Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes(...) ».
Cette obligation de communication du dossier s’applique aussi aux agents contractuels, aux agents vacataires, aux stagiaires et aux fonctionnaires nommés à la discrétion du gouvernement.
3) - Le contrôle des modalités de composition et de consultation du conseil de discipline pour les sanctions autres que l’avertissement, le blâme et l’exclusion temporaire de fonction pour une durée maximale de trois jours pour les fonctionnaires territoriaux : il faut que le conseil de discipline soit légalement institué, c’est-à-dire que le texte qui en fixe la composition et en nomme les membres soit publié et légalement pris. (CE, 23 mars 1962, REVERS, p. 202)
Le juge vérifiera la qualité des membres du conseil de discipline, leur impartialité, le quorum, les conditions de déroulement de la séance, de tenue des débats, d’audition de témoins cités ou d’experts etc.
Le conseil de discipline ne doit pas comporter de membres personnellement intéressé à l’affaire examinée et en particulier de personne ayant fait preuve d’animosité envers le fonctionnaire poursuivi. (CE 20 janvier 1960, MAZIERES, p. 27).
Il ne peut en aucun cas être fait état lors de la séance d’éléments qui ne figurent pas au dossier de l’agent poursuivi.
4) - Le contrôle des conditions du délibéré et du vote de la sanction, de la forme du procès verbal de séance, du délai et de la motivation de l’avis et des modalités d’information du conseil de discipline et du fonctionnaire lorsqu’une sanction autre que celle proposée par le conseil de discipline a été prise.
5) - Le contrôle de la motivation de la sanction infligée par l’administration : la sanction prise par l’administration doit contenir l’expression des raisons de fait et de droit pour lesquelles elle est infligée.
Conseil d’Etat, 4 / 1 SSR, du 29 avril 1988, 94927, publié au recueil Lebon
« (...) S’il appartient à la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins d’apprécier souverainement les faits qu’elle relève à l’encontre d’un praticien, elle doit relever ces faits avec suffisamment de précision pour permettre au Conseil d’Etat, juge de cassation, d’exercer le contrôle de légalité qui lui appartient. En se bornant à indiquer qu’il résultait de l’instruction que M. C. prescrivait un nombre d’actes anormalement élevés, sans se référer expressément à ceux des cas précis soumis à son examen, qui concernaient la période des troisième et quatrième trimestres 1981, seule retenue par la section des assurances sociales, en raison de l’amnistie des faits antérieurs à cette période, et en se fondant "notamment" sur les tableaux statistiques d’activité dont les résultats ne sauraient à eux-seuls, en raison même de leur caractère statistique, servir de base à une sanction disciplinaire, la section des assurances sociales n’a pas suffisamment motivé sa décision.(...) »
II) - Au plan de la légalité interne : le juge vérifiera :
Tout d’abord la réalité des faits...
Conseil d’Etat, Section, du 16 juin 1965, 62105, publié au recueil Lebon
...puis, si les faits invoqués sont constitutifs d’une faute disciplinaire...
Conseil d’Etat, 3 / 5 SSR, du 26 juillet 1985, 54696, publié au recueil Lebon
...et enfin si l’appréciation de l’autorité disciplinaire n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation.
Conseil d’Etat, 3 / 5 SSR, du 29 avril 1987, 65690, publié au recueil Lebon
« (...) La ville de Grenoble conteste l’avis rendu par le conseil supérieur de la fonction publique territoriale dans sa formation des recours par lequel le conseil supérieur a estimé qu’il y avait lieu de substituer à la sanction de rétrogradation au grade d’aide ouvrier professionnel infligée à M. J., conducteur aux pompes funèbres municipales, celle d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours. Un tel avis, qui, en vertu de l’article 91 de la loi du 26 janvier 1984, oblige le maire à réduire ou à annuler la sanction initialement prononcée, présente le caractère d’une décision faisant grief que la ville est recevable à déférer au juge de l’excès de pouvoir. M. J., conducteur de transports en commun titulaire de la ville de Grenoble a, dans l’exercice de ses fonctions, conduit un véhicule municipal alors qu’il était en état d’ébriété caractérisé par un taux d’alcoolémie de 2,626 g. L’importance du taux d’alcoolémie révélé par la prise de sang qu’a subie M. J. après l’accident est de nature à faire regarder son comportement comme constitutif d’une faute d’une gravité telle que, nonobstant son caractère inhabituel et la circonstance que M. J. ait été bien noté avant comme après les faits, le conseil supérieur a, en proposant de remplacer la mesure de rétrogradation par une exclusion temporaire de fonctions de quinze jours, entaché son avis d’une erreur manifeste dans l’appréciation qu’il lui appartient de porter sur la gravité de la faute commise et de la nature de la sanction.(...) »
Conseil d’Etat, 3 / 5 SSR, du 29 avril 1987, 79687, inédit au recueil Lebon
« (...) Considérant d’une part qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de nombreuses attestations établies par les maires de communes faisant partie du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ELECTRIFICATION DES CANTONS D’ANNOT ET D’ENTREVAUX que la manière de servir de Mlle X... était satisfaisante. Par suite, en invoquant l’insuffisance professionnelle de l’intéressée, le président du syndicat a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ; (...) »
Conseil d’Etat, 3 / 5 SSR, du 13 janvier 1995, 133446, inédit au recueil Lebon
« (...) Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le comportement de M. X..., qui s’est rendu coupable de plusieurs vols ayant motivé une condamnation pénale, était de nature à porter atteinte à la réputation de son administration et à justifier qu’une sanction disciplinaire fût prise à son encontre ; que la sanction qui lui a été infligée et qui consiste en un abaissement du 4ème au 1er échelon de son grade n’est pas entachée d’erreur manifeste ; qu’il résulte de ce qui précède que M. X... n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de sa demande ;(...) »